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DLXXXVI

Lettres de rémission accordées à Guillaume Bruillet, marchand de marée à Fontenay-le-Comte, et à sa femme, complices du meurtre de Pierre d'Aunay, aussi marchand de marée audit lieu. Le connétable Du Guesclin leur avait déjà octroyé rémission pour ce fait, [p. 377] ainsi qu'à Nicolas Audoineau, principal auteur du meurtre.

  • B AN JJ. 107, n° 321, fol. 161
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 376-380
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de la partie de Guillaume Bruillet, clerc, et de sa femme, marchanz de poissons, nagueres demourans à Fontenay le Conte, nous avoir esté exposé que, comme à l'entrée du moys de mars derrenierement passé ou environ, à un jour de vendredi, eulx et Nicolas Audoinea et sa femme, marchanz de poissons, leurs compaignons, eussent envoié un leur varlet querre une somme de poisson au port de Sables, pour le vendre en la dicte ville de Fontenay, le samedi ensuivant du dit vendredi, et il soit ainsi que Pierre d'Aunoy1, du dit lieu de Fontenay, marchand de poisson, se feust partiz du dit port avec le dit varlet, et en amenant par nuit leurs poissons au dit Fontenay, le dit Pierre, meu de male convoitise et plain de l'ennemi, indigné envers le dit varlet de ce qu'il mettoit peinne de venir aussi tost comme lui au dit lieu de Fontenay, afin que ses diz maistres ne perdissent la vente de leur poisson, se feust efforciez de murdrir et occirre le dit varlet ; le quel pour eschever la mort, laissa aler sa beste chargée là ou elle voult et s'en fouy ès douhes du fort de Naliers, qui est sur le chemin en venant du dit port à la dicte ville de Fontenay, et pour doubte du dit Pierre, le dit varlet ne se osa partir du dit lieu de Naliers qui est [p. 378] distant du dit lieu de Fontenay de iij. lieues ou environ, jusques à tant qu'il feust grans jours, et le dit Pierre atacha la beste du dit varlet à un buvsson au dehors du dit lieu de Naliers, et toute nuit s'en ala au dit lieu de Fontenay, pour vendre son poisson plus chierement, avant que le dit varlet et les autres marchanz poissonniers y arrivassent. Et quant ce vint à la cognoissance des diz exposans et du dit Nicolas, leur compaignon, et de sa femme, il furent moult courrouciez contre le dit d'Aunay, tant pour l'injure qu'il avoit faite à leur dit varlet comme pour le dommaige qu'il avoient soustenu par la coulpe du dit d'Aunay, en la demeure de leur poisson qu'il n'avoient pas eu à temps competant qu'il le peussent avoir vendu. Et pour ce et aussi pour doubte que autres foiz ycellui d'Aunoy ne injuriast ou feist destourbier au dit varlet en alant au dit port ou en retournant d'icellui, il firent tant par devers le prevost du dit lieu de Fontenay, ou son lieutenant, que le dit Pierre fu adjournez pour donner asseurement au dit varlet. Neantmoins, ycellui Pierre d'Aunay, le dimanche ensuiant sur le tart, en la cohue du dit lieu de Fontenay, commença à tancer et rioter aus diz exposans, en usant contre eulx de injurieuses et deshonnestes paroles, disant au dit Guillaume que il estoit larron prouvé et qu'il avoit emblé xv. franz d'or, et à sa dicte femme que elle estoit putain et que elle alast soy faire trayner par les mareschaussies à ses valez, et traissirent les diz Guillaume et Pierre l'un contre l'autre, mais il ne se navrerent mie parce que entre eulx se mirent pluseurs genz qui les en garderent, entre les quelz estoit la dicte femme du dit Nicolas, compaignon des diz exposans, la quelle par courroux et ire de ce appella le dit Pierre pissechien, en lui disant qu'il ne disist pas injure aus diz exposans, et le dit Pierre lui dist telz moz : « Alez vous ent, ribaude, puante, punaise, camuse ». Sur la quelle riote survint le dit Nicolas, son mary, et par courroux des [p. 379] dites injures et diffames qu'il oy dire à sa dicte femme et du dit dommaige que lui avoit fait le dit Pierre, comme dit est, et mesmement d'un clou de rue qu'il bouta ou pié de sa beste, que conduisoit le dit varlet en venant du dit port de Sables, afin que elle ne peust aler ne estre si tost comme la sienne au dit lieu de Fontenay, ycellui Nicolas le fery d'un coutel qu'il avoit en la gorge, dont mort se ensuy assez tost après. Du quel fait nostre amé et feal connestable, seigneur de la dicte ville de Fontenay, en la quelle fu perpetré le dit fait, leur ait, comme nostre lieu tenant ou dit païs, pour consideracion de la bonne vie et renommée des diz Guillaume et Nicolas, et de leurs femmes, et de ce que onques mais il ne furent reprins d'aucun autre villain fait, quictié, pardonné et remis par ses lettres en laz de soye et cire vert, si comme l'en dit. Suppliant les diz Guillaume et sa femme que, comme ou dit fait il n'aient onques feru cop et n'en soient coulpables autrement que dessus est devisé, nous leur vueillons sur ce faire grace et misericorde. Nous adecertes, eu regart et consideracion aus choses dessus dictes et à la grace que a sur ce faite nostre dit connestable, comme nostre lieu tenant, le fait dessus dit et toute peinne, amende et offense corporele, criminele et civile, en quoy les diz Guillaume Bruillet et sa dicte femme, et chascun d'eulx, sont et peuvent estre encouruz envers nous pour ce que dit est, leur avons et à chascun d'eulx quictié, pardonné et remis, quictons, pardonnons et remettons, de grace especial, par ces presentes, et de nostre auctorité royal, ou cas dessus dit, et les remettons au païs, à la dicte ville, à leur bonne renommée et à leurs biens, satisfacion premierement faite à partie civilement tant seulement, en imposant sur ce silence perpetuele à touz noz justiciers et officiers. Si donnons en mandement au bailli des Exempcions de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poitou, au seneschal de Xanctonge et à touz noz autres justiciers et officiers ; [p. 380] à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que le dit Guillaume et sa dicte femme, et chascun d'eulx, facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace, et contre la teneur d'icelle ne les contraingnent, molestent ou empeschent, ne facent ou sueffrent contraindre ou molester, en quelque maniere que ce soit, ains, se leurs corps ou d'aucun d'eulx, ou leurs biens sont ou estoient pour ce prins, detenuz ou empeschez, si les lui mettent et facent mettre à plaine delivrance tantost et senz delay. Et que ce soit ferme chose et estable à touz jours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Donné à Paris en nostre hostel lez Saint Pol, ou moys de juillet l'an de grace m. ccc. lxxxv. et de nostre regne le xiie.

Es requestes de l'ostel. J. Greelle. — Praelles.


1 Pierre d'Aunay, Guillaume Bruillet (écrit, par suite d'une faute de lecture, Boulhet) et un Guillaume Audoineau, parent de Nicolas Audoineau, nommés dans les présentes lettres, figurent sur la liste des notables habitants de Fontenay-le-Comte qui prêtèrent serment de fidélité, le 2 octobre 1361, en l'église Notre-Dame de la dite ville, au roi d'Angleterre, entre les mains de Jean Chandos, son lieutenant. (Bardonnet, Procès-verbal de délivrance, etc., p. 163.) On trouvera d'autres détails sur le meurtre de Pierre d'Aunay dans la sentence d'absolution rendue par Guy, évêque de Maillezais, en faveur de Nicolas Audoineau, le 3 octobre 1375. Elle est publiée ci-dessous dans une confirmation accordée le 9 avril 1379 par Charles V.