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DXXXVIII

Confirmation du don octroyé par Jean, duc de Berry, comte de Poitiers, à Tristan Rouault, de tous les biens de son cousin, Béthis Rouault, qui restait attaché au service de l'Angleterre.

  • B AN JJ, 103, n° 360, fol. 173 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 217-221
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. A tous presens et avenir, salut. Savoir faisons que nous avons veuez les lettres de nostre très chier et très amé frere le duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitou, Xaintonge, Angommois et de Masconnois, scellées en las de soye et cire vert, contenans la fourme qui s'ensuit :

Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitou, Xaintonge, Angommois et de Masconnois, lieutenant de monseigneur le roy ès dis païs et en pluseurs autres parties de son royaume, à tous presens et advenir. Nous avons receu l'umble requeste de nostre amé et feal chevalier, messire Tristain Rouaut1, contenant [p. 218] comme Bestis Rouaut2, cousin et parent du dit chevalier, [p. 219] soit ennemi et rebelle de monseigneur le roy et de nous, et ait tenu et encores tiengne le parti de Edouart d'Engleterre et de Edouart son filz, en commettant crime de lesemagesté, et par ce soient tous les biens du dit Bestis Rouaut, meubles et heritages, à mon dit seigneur confisqués et forfais, il nous plaise donner au dit chevalier tous les dis meubles et heritages du dit Bestis, comme confisqués et forfais pour les causes dessus dites. Savoir faisons que nous, de grace especial, certaine science et auctorité royal, dont nous usons en ceste partie, en recompensacion des bons et agreables services que a fait à mon dit seigneur et nous le dit messire Tristain, en retournant et soy remettant en la bonne et vraie obeissance de mon dit seigneur et de nous, et que nous esperons que encores nous doie faire ou temps avenir, au dit messire Tristain avons donné et octroié, et par la teneur de ces presentes donnons et octroions tous les dis biens muebles et heritages du dit Bestis Rouaut, quieux et où qu'il soient, c'est assavoir maisons et autres lieux, cens, rentes, heritages et revenues quelconques, avec toutes jurisdicions, justices, fois, homages, censives, terres, bois, prés, fours, moulins, estans et generalment tous les dis biens et heritages quelconques du dit Bestis, à yceulx avoir, tenir, joir et possider [p. 220] par le dit messire Tristain, ses hoirs et successeurs, et de lui aians la cause paisiblement, ores et pour le temps avenir, comme de sa propre chose et demaine, tant comme le dit Bestis tendra le dit parti de nos ennemis et se rendra nostre ennemi et rebelle tant seulement. Car, ou cas et si tost que ycellui Bestis vouldra retourner et retournera en nostre bonne obeissance, il est de nostre entencion et volenté qu'il retourne à tous ses dis biens meubles et heritages quelconques, sans ce que le dit chevalier pour ce nous puist, doie ne soions tenus, mon dit seigneur ne nous, à lui faire aucune restitucion, ores ne pour le temps avenir. Si donnons en mandement, par la teneur de ces presentes, de par mon dit seigneur et nous, à noz amez et feaulx seneschaus de Poitou, Xaintonge, Angommois, et à tous autres justiciers, officiers et subgés de mon dit seigneur et nostres, ou à leurs lieux tenans et à chascun d'eulz, presens et avenir, que de nostre present don et grace facent et sueffrent le dit messire Tristain, ses hoirs et successeurs et de lui aians la cause, joir et user paisiblement, comme de leur propre chose, ne contre la teneur d'icelles ne les empeschent ne seuffrent estre empeschés en aucune maniere, mais de tous les dis biens, cens, rentes, heritages quelconques et revenues mettent et facent mettre le dit messire Tristain en possession et saisine paisible, en debouttant tous yceulx tous autres detempteurs, non contrestant quelconques dons que par nous ou autres à quelque personne que ce soit, auroient esté fais des dis biens, et les quiex ou cas dessus dit nous mettons du tout au neant. Car ainsi le voulons nous estre faiz pour le dit messire Tristain. Sauf et reservé en autres choses le droit de mon dit seigneur et nostre, et l'autrui en toutes. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre à ces presentes nostre seel secret, en l'absence de nostre grant. Donné à Paris, ou mois de decembre en l'an de grace mil trois cens soixante et douze.

[p. 221] Les quelles lettres de nostre dit frere dessus transcriptes et toutes les choses contenues en ycelles, nous avons agreables et ycelles loons, approvons et de nostre puissance, certaine science et auctorité royal, par la teneur de ces presentes, confermons, et se mestiers est, tous les dis biens et heritages, cens, rentes et autres choses dessus dictes donnons de nouvel au dit Tristain, ses hoirs et successeurs et de lui aians cause, à perpetuel heritage, par les condicions, forme et maniere contenuez ès dictes lettres de nostre frere, et voulons et mandons à tous nos justiciers, officiers et subgez, que des choses dessus dictes et chascunes d'icelles le dit Tristain, ses hoirs et successeurs, sueffrent et facent joir, par la maniere comme dessus, paisiblement, sans lui donner ne souffrir estre donné aucun empeschement. Sauf en autres choses nostre droit, et l'autrui en toutes. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Donné à Paris, le xxiiie jour de decembre l'an de grace mil ccc. lxxii. et le ixe de nostre regne.

Par le roy, à vostre relacion. J. Villers.


1 Fils aîné d'André Rouault, seigneur de Boisménart et de la Rousselière, et de Marie de Montfaucon, il servait dès 1356, n'étant encore qu'écuyer, sous Guichard d'Angle, alors sénéchal de Saintonge. Tristan, dont la noblesse ne remontait qu'à un demi-siècle (nous avons publié dans notre premier volume, p. 150, l'anoblissement octroyé à son grand-père, peut-être même seulement à son père, André Rouault, par le sire de Parthenay, en 1317), eut la fortune extraordinaire d'épouser l'héritière de la vicomté de Thouars et de devenir ainsi l'un des trois plus puissants seigneurs de Poitou. La date de son mariage n'a jamais été exactement établie. Les généalogistes disent qu'il eut lieu après 1376 et avant 1378, c'est-à-dire vers 1377. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, t. II, p. 725, 853.) Sans espérer d'arriver à une précision rigoureuse, nous allons citer des documents qui permettent d'avancer quelque peu l'époque de cette union. Le 7 septembre 1373, Tristan Rouault était à Thouars, et il y reçut un messager du duc de Berry. (KK. 251, fol. 128 v°.) Peut-être était-il capitaine du château, ou lieutenant du duc dans la vicomté. Pernelle de Thouars était alors veuve d'Amaury IV de Craon, depuis cinq mois à peine. Le 29 juillet, 1374, plaidant contre Louis de Sully, sire de Craon à cause de sa femme, touchant les villes, châteaux et forteresses de Mareuil, de Puy-Béliard, du Bois-Pouvreau, de Chantonnay, etc., elle était encore veuve (X1a 23, fol. 458). C'est le 28 mai 1376 que nous trouvons pour la première fois Tristan Rouault qualifié de vicomte de Thouars. A cette date, il poursuivait le sire d'Argenton, à raison de certains hommages que celui-ci niait lui devoir (X1a 25, fol. 215 v°). Son mariage, que l'on peut fixer à la fin de l'année 1375, d'après cet acte du Parlement, lui mit sur les bras une quantité considérable d'affaires judiciaires. Le même jour, 28 mai 1376, il reçut la notification de reprise de deux autres procès entamés par sa femme avant qu'il l'eût épousée, le premier contre le sire de Châteaubriant, le second contre Louis de Sully (X1a 25, fol. 216). Comme ce dernier touche plus spécialement la vicomtesse de Thouars, nous en parlerons ailleurs dans une note spéciale relative à cette dame. Des autres procès soutenus par Tristan Rouault, nous nous contenterons de donner une énumération sommaire : 1° le 6 juin 1377, arrêt entre lui et Isabelle d'Avaugour, veuve de Louis vicomte de Thouars (X1a 26, fol. 172 v°) ; il a été question de cette affaire ci-dessus, p. 196, note.—2° Différend avec Guillaume Larchevêque, sire de Parthenay, touchant la possession des terres de Laleu et de Loumeau (actes des 29 août 1379, 3 et 9 avril et 5 septembre 1380 ; X1a 28, fol. 96 v° ; X1a 29, fol. 32, 39 v° et 106) ; — 3° avec le même, au sujet de la Chèze-Giraud (acte du 29 août 1379 ; X1a 28, fol. 98) ; —4° contre Jeanne de Tigné, femme de Jean de Beauvau, chevalier, Albin Prévôt, Pierre Macé, Olivier Brion, Aimery de la Haye, etc., accusés de rébellion, excès et maléfices (mandements des 23 novembre 1383 et 26 mai 1384 ; X2a 11, fol. 19 v° et 34) ; — 5° contre les maire, pairs et échevins de la Rochelle, relativement à la juridiction de Benon, dont le comté fut donné par le roi avec Frontenay-l'Abattu au vicomte et à la vicomtesse de Thouars, en septembre 1378, donation dont le texte est publié plus loin (arrêt du 21 mars 1380 n. s., X1a 29, fol. 134 v° et 135) ; — 6° Lettres importantes du 18 août 1380, concernant des terres de Tristan, vicomte de Thouars, tenues de Jean duc de Berry, comte de Poitou (X1a 29, fol. 99). —7° Procès de Tristan Rouault contre Jean Minier et autres officiers du roi de Sicile, touchant la justice de Saint-Généroux (Deux-Sèvres), que ceux-ci avaient attaqué à main armée (arrêt de juillet 1385, X2a 11, fol. 186 v°).
Tristan, vicomte de Thouars, accompagna Charles VI en Flandre en 1380, et assista au siège de Bourbourg, avec seize chevaliers et cent trente et un écuyers, dont il fit montre le 6 août 1383, et pour lesquels il reçut ses gages, le 20 août suivant. (G. Demay, Inventaires des sceaux de la Coll. Clairambault, t. II, p. 240.) Il servait encore le 20 juillet 1385 et l'année suivante, comme le prouvent plusieurs quittances de gages. Dom Fonteneau a recueilli des lettres de Charles VI, du 19 mai 1383, qui lui accordent 3000 florins d'or par an, à prendre sur la recette des aides, pour l'indemniser des dommages que la guerre lui a fait essuyer (t. XXVI, p. 305). Tristan fit son testament le 15 mars 1390, et mourut sans postérité. Son frère cadet, André, seigneur de Boisménart et de la Rousselière, continua la lignée.
2 Lancelot Rouault, dit Béthis, suivant le P. Anselme (Hist. généal. t. VII, p. 97), était le fils aîné de Clément (aliàs André, celui qui fut anobli en 1317) et de Jeanne de Thorigny. Il avait épousé Marie de Volvire, fille de Maurice, seigneur de Nieul, et de Marie Chabot, au sujet de laquelle il était en procès contre Hervé de Volvire, chevalier, le 3 août 1377. (Autorisation de se faire représenter par procureurs, X1a 26, fol. 89 v°.) Les registres du Parlement mentionnent encore un différend qu'il eut avec Jean Larchevêque, seigneur de Retz, et Jeanne Chabot, sa femme. Il s'agissait de l'hébergement de la Chaune. Béthis avait eu gain de cause devant le sénéchal de Poitou. L'affaire portée au Parlement, Pierre Gougon, capitaine, et Jean Mâçon, bailli de la dame de Retz, qui avaient été emprisonnés, furent élargis jusqu'au bon plaisir de la cour, le 2 avril 1386 n.s. (X2a 12, fol. 16), et de nouveau le 12 mars 1378 (id., fol. 67). Un an après, la cour ordonna que les parties présenteraient leurs faits au principal et que des commissaires seraient nommés pour s'enquérir de la vérité (arrêt du 19 mars 1379, X1a 28, fol. 163 v°). On trouve encore, à la date du 20 août 1380, une notification de reprise de ce même procès (X1a 29, fol. 102).