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DLXIV

Confirmation du don fait par le duc de Berry, comte de Poitou, à Jean Ysoré, sire de la Varenne, et à Regnaut Chenin, sire de Mauzé, chevaliers, de tous les biens, terres et châteaux confisqués sur Guichard d'Angle, rebelle, leur beau-père, dans les sénéchaussées de Poitou, de Saintonge et d'Angoulême.

  • B AN JJ. 104, n° 331, fol. 137
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 312-316
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir veu les lettres de nostre très chier frere le duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitou, contenans la forme qui s'ensuit :

Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitou et de Masconnois, d'Angolesme et de Xanctonge, et lieutenant de monseigneur le roy ès dis païs et pluseurs autres parties de son royaume, à tous presens et avenir, salut. Comme pour cause du don à nous fait par monseigneur le roy [des contés] de Poitou et de Xanctonge, les chasteaulx, terres, possessions et autres biens de messire Guichart d'Angle, chevalier, ennemi et rebelle de mon dit seigneur et de nous, nous appartiegnent par confiscacion, savoir faisons que, pour les bons services que messire [p. 313] Jehan Ysoré1, seigneur de la Varenne, et messire Regnaud Chenin, sire de Mauzé2, chevaliers, ont fait à mon dit seigneur et à nous, et esperons qu'il feront ou temps avenir, à yceulx et à leurs hoirs et successeurs avons donné et octroié, donnons et octroions par ces presentes les chasteaulx, forteresces, terres, rentes, possessions et autres biens, tant meubles que heritages quelconques, qui furent messire Guichart d'Angle et qu'il avoit et tenoit, par soy ou par autres, ès seneschauciées de Poitou, Xanctonge et Angolesme, et ailleurs, au pouvoir de mon dit seigneur et de nous3, des quelles choses la succession appartient aus dis [p. 314] chevaliers, à cause de leurs femmes, filles du dit messire Guichart, à ce qu'il dient, [à] avoir, tenir, posseder et esploitier par les dis chevaliers et leurs hoirs et successeurs heritablement, par vertu du dit don, franchement et paisiblement. Et des choses par nous à eulx données les avons mis en saisine et possession, en deboutant tous autres detenteurs d'icelles, les quelx nous ostons et expellons par ces presentes, non obstant quelconques donacions d'icelles par nous faites ou à faire, les quelles nous revoquons et adnullons par ces presentes. Si mandons et commandons aus seneschaulx de Poitou et Xanctonge, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à tous autres justiciers et officiers de mon dit seigneur et de nous, qui sur ce seront requis, que les dis chevaliers, ou leurs procureurs pour eulx, il mettent et induient reaument et de fait en saisine et possession des dis chasteaulx, forteresces et autres terres et choses dessus dictes, et d'icelles et des profis d'icelles, et qui y appartiennent, les laissent, facent et seuffrent user et joir, et à eulx respondre, paisiblement et heritablement, sens les empeschier ou souffrir estre empeschiez, en aucune maniere. Car ainsi le voulons et l'avons octroyé aus dis chevaliers, de certaine science et grace especial, et de l'auctorité et puissance royal dont nous usons. Et afin que ces choses soient fermes et perpetuelment valables au proffit des dis chevaliers, de leurs hoirs et successeurs, leur avons donné ces nos lettres, seellées de nostre seel secret, en absence du grant, en las de soie et cire vert. Donné à nostre ville de Saint Jehan d'Angely, le xxe jour de septembre l'an mil ccc. lx. et douze4.

[p. 315] Les quelles lettres dessus transcriptes et tout le contenu en ycelles nous loons, ratifions, approuvons et par ces presentes, de nostre certaine science, grace especial et auctorité royal, confermons, et voulons que les dis chasteaulx, forteresces, terres, possessions et autres biens quelconques dessus devisés, aus quelx les dis chevaliers, à cause de leurs dictes femmes, deussent et doient succeder, se le dit Guichart d'Angle feust mort avant ce que il les eust forfais, comme dessus est dit, soient et demeurent aus dis chevaliers, à leurs dictes femmes, et à leurs hoirs et aians cause, et que d'iceulx et des proffis et yssues d'iceulx il usent et joissent paisiblement, non obstant quelconque don ou octroy fait des choses dessus dictes à autre personne quelconque, depuis la date de ces presentes lettres. Si donnons en mandement, par ces meismes lettres, aus bailli de Chartres, de Cepoy et des ressors et Exempcions de Poitou et de Xantonge, et à tous nos autres justiciers et officiers, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que les dis chevaliers ou leurs procureurs pour eulx il mettent ou facent mettre de par nous, ou dit cas, reaument et de fait en saisine et possession des dis chasteaulx, forteresces, terres, possessions, biens quelconques dessus declairiez, et d'iceulx et des dis profis et yssues d'iceulx, et aussi de nostre presente grace et confirmacion, facent et laissent joir et user les dis chevaliers, leurs femmes et leurs hoirs, successeurs et ayans [cause] paisiblement et sans aucun empeschement, et tout ce qui seroit fait au contraire et contre la teneur de ces presentes, mettent ou facent mettre sans delay au neant et à pleine delivrance. Toutevoie nostre entente n'est pas que, se par aucune maniere le dit Guichart revenoit aus [p. 316] choses dessus dictes, nous, ne nos successeurs, soins tenuz à en faire aus dis chevaliers, ne aucun d'eulx, restitucion aucune. Et pour que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné en nostre chastel du Louvre, l'an de grace mil ccc. lxxiii. et de nostre regne le xe, ou mois de septembre.

Par le roy, vous present. J. de Remis.


1 Jean Ysoré, qui fut chambellan de Charles VI et auquel ce prince rendit la seigneurie de Pleumartin, confisquée sur son beau-père, avait épousé Jeanne, fille aînée de Guichard d'Angle et de Jeanne Payen de Montpipeau. Il y avait peu de temps qu'il avait fait sa soumission au duc de Berry, sans doute après la prise de Poitiers. En 1371, pour faire sa cour au prince de Galles, qui avait confisqué la seigneurie de Touffou sur Renaud de Montléon, et fait consentir, à force de menaces, ce dernier à la donner au bâtard d'Angle, Ysoré abandonna les prétentions qu'il avait sur ce fief ; mais il les reprit plus tard et chercha par tous les moyens à les faire valoir, pendant la minorité de Renaud II de Montléon, en 1385. (Du Chesne, Hist. généal. de la maison des Chasteigners, p. 240, et Preuves, p. 115.) On conserve aux Archives de la Vienne un aveu rendu à l'evêque de Poitiers par Jean Ysoré, seigneur de Pleumartin, à raison de l'hébergement de la Gouffrandière (série G., liasse 57). Il vivait encore le 4 avril 1388, comme le prouve un acte de cette date publié dans le Cartulaire de l'évêché de Poitiers, ou Grand-Gauthier, par M. Redet. (Archives hist. du Poitou, t. X, p. 197.)
2 Le sire de Mauzé avait reçu en don du prince de Galles une partie des biens de Jean Boschet qui avait été mis à mort par les Anglais à Poitiers, parce qu'ils le soupçonnaient d'avoir des intelligences avec les partisans de la cause française. Ces biens avaient été restitués, à la fin de 1372, aux neveux de celui-ci. (Voy. ci-dessus, n° DXXXIV, p. 199, et la note 2 de la p. 123.) La soumission du sire de Mauzé à Charles V devait être aussi, par conséquent, de date récente.
3 Parmi les biens de Guichard d'Angle, il en était qui relevaient du sire de Parthenay, compris par conséquent dans l'acte de donation accordée à celui-ci par le roi au mois de décembre 1372 (ci-dessus n° DXLVI, p. 251). Quelques-unes des terres dont le sire de Parthenay avait, pris possession, en vertu de ces lettres, étaient revendiquées par le vicomte et la vicomtesse de Thouars. Elles provenaient de Godemart de Linières qui les avait engagées à la femme de Guichard d'Angle. Celle-ci depuis en avait fait transport à son mari. C'est du moins ce que prétendait Guillaume de Parthenay. La vicomtesse de Thouars soutenait que l'acte en question n'était pas valable, et que son père, Louis de Thouars, avait acquis du sire de Linières par échange les terres litigieuses. Les raisons des parties sont exposées avec développement dans des plaidoiries des 17 mai et 13 juin 1379. (X1a 1471, fol. 202 et 209.)
4 C'est la date même de la reddition de Saint-Jean-d'Angély aux ducs de Berry et de Bourgogne, date qui nous est fournie par les registres de comptes de ce dernier, cités dans les Itinéraires des ducs de Bourgogne, par M. Ernest Petit (Campagne de Philippe le Hardi, etc., p. 40). Les deux ducs séjournèrent à Saint-Jean-d'Angély le 20 et le 21 septembre, en compagnie de Clisson et de Du Guesclin