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DL

Institution d'un marché, le lundi de chaque semaine, et de trois foires par an à Saint-Georges-de-Rex, accordée à la requête de Jean de Châteignier, chevalier, seigneur dudit lieu.

  • B AN JJ. 103, n° 368, fol. 177 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 260-262
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, comme le chastel et la ville de Saint Georges de Resse, en la seneschaucie de Saintonge, assis à trois lieues de la ville de Nyort, laquelle tiennent encores à present noz ennemis1, ayent esté et encores soient chascun jour moult dommages et moult gastés pour cause de noz guerres tant passées comme presentes, et ou pays d'environ yceulx chastel et ville soient pluseurs villages qui soloient estres pueplés et bien multipliez de gens, les quiex pour cause des dictes guerres se [p. 261] sont retraiz ou dit chastel, les quiex villages sont moult loing des lieux où sont les foires et marchiez, pour quoy grant travail et grant grief est aus habitans de yceulx villages d'aler achater à deux ou trois grans lieues de leurs hostelx ce qui leur est necessaire, et aussi n'a ou dit pays, ne environ près à trois lieues, aucun marchié qui y soit au jour du lundi, pour quoy grant aise et grant prouffit seroit aus dis habitans de environ les dis chastel et ville de Saint George que ou dit lieu de Saint George eust marchié, chascun lundi, et trois foires par trois jours en l'an, si comme par nostre amé et feal chevalier, Jehan de Chasteignier2, seigneur des diz chastel et ville de Saint George, le quel est de nouvel venu à nostre obeissance, nous a esté signifié, en nous suppliant humblement que les dis marchié et foires li vousissions octroier. Nous, eue consideracion à tout ce que dit est, enclinans gracieusement à la supplicacion de nostre dit chevalier, li avons octroié et octroions par ces presentes, de nostre auctorité royal, de nostre certaine [p. 262] science et grace especial, pour lui, ses hoirs et successeurs, et ceulx qui de lui auront cause, qu'il puisse d'ores en avant faire et establir apperpetuité, en sa dicte ville de Saint George, un marchié qui y soit et dure à tous jours mès, chascun lundi, et aussi y puisse mettre et establir trois foires par trois [jours] en l'an, c'est assavoir chascune foire par un jour en tel temps comme il verra que il sera plus aisié et plus proufitable pour les habitans du pays, sens prejudice d'autruy, et qu'il ait la juridicion et [co]hercion des marchans et de tous autres delinquans ès dis marchiez et foires, selon l'usage et coustume du dit pays3. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Saintonge, ou à son lieutenant, et à tous autres noz justiciers et officiers qui à present sont et seront ou temps avenir ou dit pays, et à chascun de yceulx, que de nostre dicte grace laissent et facent user et joir paisiblement et perpetuelment le dit chevalier, ses hoirs et successeurs ou dit lieu de Saint George, sens leur y mettre ne souffrir estre mis ores ou ès temps avenir aucun empeschement. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours mès, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, en nostre chastel du Louvre, le secont jour de janvier l'an de grace mil ccc. lxxii. et de nostre regne le ixe.

Par le roy, en son conseil. P. Blanchet.


1 Niort se rendit à Du Guesclin, vainqueur à Chizé, quelques jours après cette bataille, c'est-à-dire le 27 mars 1373, mais non sans coup férir, comme Froissart paraît le dire, puisque l'intrépide écuyer breton Jean de Kerlouët fut tué devant les murs de la place. (S. Luce, édit. de Froissart, t. VIII, p. lxii.) Au lendemain de la reddition de Poitiers à Du Guesclin, les derniers soutiens de la cause anglaise, déconcertés par ce coup soudain et imprévu, tinrent conseil et résolurent cependant de continuer la résistance. Ils divisèrent leurs forces en trois corps d'armée : l'un, composé des barons poitevins, alla s'enfermer dans Thouars, où il capitula, comme on sait, le 30 novembre 1372. L'autre, formé plus spécialement avec les contingents gascons, se retira à Saint-Jean-d'Angély, sous le commandement de Jean de Grailly, captal de Buch, qui fut battu et fait prisonnier, devant Soubise, par Owen de Galles, Jacques et Morelet de Montmor, le 23 août. (S. Luce, édit de Froissart, t. VIII, p. xxxviii et xxxviii, notes.) Le troisième, comprenant surtout des Anglais, choisit Niort comme place de refuge et base d'opérations. Dans la première quinzaine de décembre, ce dernier, qui avait été renforcé considérablement en novembre par des compagnies amenées de Guyenne, pour secourir Thouars, se scinda de nouveau en deux portions. Les Gascons retournèrent prendre leurs quartiers d'hiver en Guyenne, et il resta à Niort une garnison anglaise forte d'environ mille hommes, sous le commandement de Jean Devereux. Ce fut cette petite armée qui vint se faire battre sous les murs de Chizé, avec la garnison de cette ville, par Du Guesclin, le 21 mars 1373.
2 Jean II, seigneur de Saint-Georges-de-Rex, la Moilleraye, la Salle-d'Aîtré, Amuré, etc. (1327-1379), fils aîné de Simon de Châteignier et de Letice de La Guierche, épousa Isabeau de Gourville, dame de Lindois. (A. Du Chesne, Histoire généal. de la maison des Chasteigners, 1634, in-fol., p. 87-102). Après avoir servi fidèlement le prince de Galles pendant toute la durée de l'occupation anglaise, il avait fait sa soumission au roi de France et au duc de Berry, lors de la capitulation de Thouars. Aux renseignements que nous avons donnés sur ce. personnage dans nos volumes précédents (t. II, p. 331, note. t. III. p. 123, note et alias), nous ajouterons seulement que le procès qu'il soutint en 1377 contre Geoffroy Paute et Pierre son fils, Alice Paute et le mari de celle-ci, Pierre du Breuil, avait trait à la succession de Guillaume de Gourville, père de sa femme, et à des biens situés en Poitou. Le Parlement renvoya l'affairé par-devant le gouverneur de la Rochelle ou le bailli des Exemptions de Poitou, Touraine et Anjou, le 12 mars 1377 (X1a 26, fol. 40 v°). Il est question, dans un autre endroit du présent volume, d'un Jean Châteignier, écuyer, à propos de démêlés qu'il eut avec Marguerite Quentin, de Saint-Maixent, et Hélie Vigier, son troisième mari ; mais il est, selon toute apparence, différent de celui dont il est question ici. Nous avons cité un acte du Parlement du 28 juillet 1380 (vol. précédent, p. 124, note), où figure aussi Jean Châteignier, écuyer que nous avons identifié à tort avec Jean II, seigneur de Rex, qui est qualifié chevalier dans les présentes lettres, c'est-à-dire au commencement de l'année 1373.
3 A. Du Chesne, qui a donné le texte de ces lettres dans l'Hist. généal de la maison des Chasteigners (in-folio, Paris, 1634, p. 96), cite à cette occasion d'autres lettres du duc de Berry, datées du 22 juillet 1373, portant la même concession de foires et marché en faveur de Jean de Châteignier, et il ajoute : « A quoy neantmoins il y eut empeschement formé tant de la part des habitants de Saint-Jean-d'Angély que de ceux de Frontenay-l'Abbattu. Mais le roi Charles V lui octroya encore d'autres lettres au mois de septembre 1375, par la vertu et authorité desquelles et d'un mandement de Jacques de Montmor, chevalier, lors gouverneur et capitaine de la ville et châtellenie de la Rochelle, enfin iceux marché et foires furent publiez et establis. » (Id. ibid., p. 97, 98.)