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DLXXXII

Confirmation des lettres par lesquelles le connétable Du Guesclin, en vertu du traité de reddition du fort de Gençay, maintient la femme et la fille de messire d'Agorissart, seigneur dudit lieu de Gençay, en possession et jouissance des biens et héritages [p. 365] qu'elles tenaient en Poitou pendant l'occupation anglaise.

  • B AN JJ. 106, n° 249, fol. 136
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 364-367
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir veu les lettres de nostre amé et feal connestable, contenans ceste fourme :

Bertran du Guesclin, conte de Longueville et connestable de France. Savoir faisons à touz que, en faisant le traictié entre nous, d'une part, et messire d'Agorysars, seigneur de Gençay, et le capitaine, connestable, receveur et autres angloys, tenans le dit fort de Gençay1, d'autre, de vuidier [p. 366] et rendre le dit fort en nostre main dedans certain terme, comme plus à plain est contenu ès lettres sur ce faites, nous, de nostre certaine science et grace especial, et de l'auctorité et puissance royal à nous attribuée et dont nous usons, avons octroyé, promis et accordé et par la teneur de ces presentes, octroyons, promettons et accordons au dit messire d'Agory (sic), avec pluseurs autres choses contenues ou dit traictié, que sa femme et sa fille, leurs hoirs et ceulx qui d'eulz auront cause, auront et tendront doresenavant perpetuelment par heritage touz les proffiz, revenues et emolumens de tous et chascun les heritages que le dit messire d'Agory et elle tenoient au temps que le pays estoit en l'obeissance du prince de Gales, à avoir et tenir à tousjours et exploicter et en faire toute leur plainne voulenté, comme de leur propre chose. Si donnons en mandement à touz les justiciers et officiers du roy de France, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que les dictes dames et chascune d'icelles il mettent en saisine et possession d'icelles choses, et les en facent joir paisiblement et senz aucun contredit, non obstant quelconques dons, promesses ou accordances qui en aient esté faites à autres, et lettres subreptices de nous données ou à donner au contraire, les quelles nous revocons. Et que ce soit ferme chose et estable ou temps avenir, nous avons fait appouser le seel de nostre secret à ces presentes, en l'absence de nostre grant. Donné devant le dit fort de Gençay, le xviie jour de fevrier l'an mil trois cens soixante et quatorze2.

[p. 367] Les quelles lettres dessus transcriptes et toutes les choses dedanz contenues, nous, ayans fermes et agreables, ycelles voulons, louons, approvons et de nostre auctorité royal et certaine science, par la teneur de ces presentes, confermons, et voulons avoir et sortir leur plain effect. Donn[ans] en mandement à touz les justiciers de nostre royaume, presens et avenir, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que la dicte dame et sa fille nommées ès dictes lettres, et leurs hoirs et successeurs facent et laissent joir et user paisiblement et perpetuelment des proffiz, revenues et emolumenz de touz les heritaiges, des quelz les lettres font mencion, selon la teneur de la promesse et accort que nostre dit connestable leur a fait sur ce et de ses dictes lettres dessuz transcriptes, cessant tout empeschement ou contredit. Et que ce soit ferme chose et estable à touz jours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, le xxiie jour de fevrier l'an de grace m. ccc. lxxiii. et de nostre regne le xi.

Par le roy. Yvo.


1 Ces lettres de Du Guesclin, du 17 février 1375 n. s., nous fournissent, à quelques jours près, la date de la capitulation de Gençay, la dernière place forte que les Anglais occupaient encore en Poitou. Adam Chel, seigneur d'Agorisses ou d'Agorissart, avait réussi à s'y maintenir plus de deux ans après que cette province était redevenue française (voy. ci-dessus, p. 42 et note, et pour sa femme et la fille de celle-ci, mentionnées plus bas, p. 58, note, et les lettres du 7 avril 1376 ci-dessous). Le duc de Berry, de 1373 à 1375, avait vainement essayé, à plusieurs reprises, de s'emparer de Gençay. Il tenait cette forteresse assiégée à l'aide de bastides qu'il avait fait élever devant ses murs pour empêcher la garnison de se ravitailler ; mais il ne put empêcher celle-ci de faire des courses dans les environs et de causer au pays beaucoup de maux. Le siège paraît cependant avoir été permanent, comme pour le château de Lusignan, depuis le mois d'avril 1373 (peut-être avant), jusqu'au jour de la reddition. Le 17 mai 1373, le duc de Berry envoya un messager à Gençay, sans doute au capitaine qui dirigeait les opérations du siège (KK. 251, fol. 95). Le 16 juin suivant, il fit don de 60 sous tournois au sieur Rivaut, écuyer de Du Guesclin, qui avait réussi à s'échapper des mains des Anglais de Gençay, dont il était prisonnier. (Id., fol. 122 v°.) Le 14 juillet de la même année, un mandement du comte de Poitou ordonnait de contraindre les habitants de localités voisines à payer leur quote-part d'une somme de 2,000 francs d'or pour les frais d'une bastille construite devant le château de ladite ville. (Arch. de la ville de Poitiers, C. XVII, n° 6, p. 67.) Nous ne savons si dans l'intervalle Gençay eut à soutenir un ou plusieurs assauts, ou si les assiégeants se contentèrent de bloquer la place. L'important document publié ici nous apprend que Du Guesclin était revenu en Poitou pour diriger le siège et que la forteresse se rendit à la suite d'une capitulation, évitant les conséquences d'une attaque de vive force.
Voici un fragment de description du château de Gençay, cent ans plus tard, d'après un acte authentique de juin 1484, conservé dans le Chartrier de Thouars. «... Nous avons trouvé et veu avoir audict lieu de Gençay ung chastel de grant et sumptueux edifice, fort et de grant deffence, basty en triangle, et à chascun des troys coingz une grosse tour, ayant en chascune d'icelles troys voltes de pierre, et a viz en chascune d'icelles. Aussi est au devant dudit chastel le pont levys, la porterie et ung portai garny de deux tours, etc., etc. » (Inventaire de François de La Trémoïlle, 1542, publié par Louis de La Trémoïlle, Nantes, 1887, n° 4, p. 141.)
2 Les lettres de Du Guesclin furent confirmées une seconde fois par Charles VI en janvier 1398 (JJ. 153, n° 94, fol. 46). Cette confirmation fut accordée sur la recommandation instante du roi d'Angleterre, en faveur de Radegonde Béchet, femme d'Adam. Chel, sr d'Agorisses. Il n'est pas dit qu'elle fût veuve ; mais son retour en Poitou, après une longue absence, le donne à supposer. Charles VI relève ladite dame du temps qu'elle a séjourné en Angleterre, où elle avait suivi son mari, et déclare que cela ne nuira pas à l'exécution des lettres de Du Guesclin. Au besoin, il lui fait don à nouveau desdites terres, châteaux, revenus et autres possessions.