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DLXXXI

Lettres de rémission accordées à Guillaume Marchès, qui avait contrefait le sceau d'Émery de Belosac, châtelain de la Garnache, et en avait scellé deux quittances, et pour ce crime avait été banni à perpétuité.

  • B AN JJ. 105, n° 561, fol. 283 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 362-364
D'après a.

Charles, etc. Savoir, etc., à nous avoir esté exposé par les amis charnelx de Guillaume Marchès que, pour ce que il a nagaires confessé en jugement par devant nostre amé et feal chevalier et lieutenant, le sire de Cliçon1, ou son seneschal de la Garnache, que il avoit seellé ou contrefait d'une pareille ou semblable empriente au seel ou signet [p. 363] de feu Emery de Belosac2, jadis chastellain du dit lieu de la Garnache, deux quittances de trois sextiers et mine de blé ou environ, à la meseure de la dicte Garnache, au proufit et par la fraude de lui Guillaume, et une autre de douze frans d'or au proufit et ou nom de Jehan Bardonneau, et par sa dicte confession le dit seel et seellées ont esté dis et déterminés feaux par jugement, le dit seneschal a icellui Guillaume à tousjours mais, sur poine de mort, forbanny et deporté de toute la conté et pays de Poitou, par quoy icellui Guillaume qui est de bon et honnerable lingnage, et tout le temps de sa vie en tous autres cas s'est loyaument portés et gouvernés, comme homs de bonne vie et renommée, et qui simplement, sans nulle question de fait de sa poure volenté, non cuidans avoir en ce aucune chose ou au moins très pou meffait, confessa les dictes quittances avoir seellées, comme dit est, est en peril et aventure de demourer à tous jours mais deshonnerés et destruis en corps et en biens, et soy desvoier et aler en essil par desconfort, en grant diffame et vitupere de ses dis amis charnelx, se de nostre benigne grace ne lui estoit sur ce pourveu, si comme il dient, implorans et requerans sur ce humblement icelle. Pour quoy nous, qui tousjours voulons rigueur de justice estre moderée par nostre grace, consideré ce que dit est et les griefs et oppressions que par le fait de nos ennemis et nos guerres les gens du dit pays ont longuement porté, par quoy il ne doivent estre si rigoreusement traictiés : à icellui Guillaume Marchés, de nostre grace especial, plaine puissance, auctorité et magesté royal, ou cas dessus dit, avons quittié, remis et pardonné, et [p. 364] par la teneur de ces presentes, quittons, remettons et pardonnons le dit fait et faux seellés, avec le dit ban et toute paine criminele et corporelle, que pour ce pourroit avoir encouru, sattisfait avant toute œuvre civilement aus parties domagées, et le restituons et remettons à plain à sa bonne fame, renommée et à son pays et estat, pourveu que sur la teneur de ces presentes il se mettera et estera à droit pour respondre et amender civilement le dit fait, selon la qualité d'icellui et quantité de ses biens, nostre procureur à ce appellé pour nostre droit en ce garder. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nostre dit chevalier et lieutenant, à son dit seneschal et à tous les autres justiciers, officiers et subgiez de nostre royaume, presens et avenir, et à chascun d'eulx, ou à leurs lieux tenans, que de nostre presente grace et remission facent, sueffrent et laissent le dit Guillaume user et joir paisiblement, sans son corps molester doresenavant au contraire. Et que ce soit à tousjours ferme chose et estable, nous avons à ces presentes lettres fait mettre nostre seel. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Donné en nostre chastel de Meleun sur Saine, l'an de grace mil ccc. lxxiiii, et le xie de nostre regne3.

Blondel. — Es requestes de l'osté. P. Vaasseur.


1 Olivier IV, fils aîné d'Olivier III de Clisson, décapité à Paris en 1343, et de Jeanne de Belleville, succéda à Du Guesclin dans l'office de connétable de France, le 28 novembre 1380 ; il mourut au château de Josselin, le 23 avril 1408. Nous avons vu que le roi Jean lui avait restitué les terres de la Garnache et de Beauvoir-sur-Mer, autrefois confisquées sur son père et sa mère, par lettres datées de septembre 1361 et publiées dans le volume précédent (p. 324-327). Dans une transaction passée avec le duc de Berry au sujet de l'hommage des châteaux et châtellenies de la Garnache, Montaigu, Châteaumur, Palluau, et les Deffens, en 1384, il est dit que le sire de Clisson avait succédé aux dites terres par la mort de Louise de Châteaubriant. (Arch. nat., J. 382, n° 7.) Olivier de Clisson avait émis la prétention que ces seigneuries devaient rester en dehors du comté de Poitou et contestait au duc de Berry le droit d'y lever des impôts. Ce différend fut réglé par des lettres de Charles VI, données à Vernon, le 30 juillet 1387, ordonnant que les aides devaient se lever dans les terres du connétable comme dans les autres parties du Poitou. (Original scellé, J. 186A, n° 69). Le procès-verbal de Renaud de Vivonne, sénéchal de Poitou, relatant l'exécution de cette ordonnance, donne les noms des capitaines arrêtés pour refus de payement et fournit d'autres renseignements curieux pour l'histoire de ces localités. Il porte la date du 28 août 1387. (Id, n° 73.) Nous aurons occasion ailleurs encore de signaler d'autres documents intéressant à la fois le Poitou et Olivier IV de Clisson, et de parler des procès importants qu'il eut à soutenir au Parlement : 1° contre Guy, seigneur d'Argenton, en 1385-1386 (X2a 10, fol. 212 v°-218 ; X2a 11, fol. 202) ; 2° contre Jacques de Surgères, seigneur de la Flocellière, en 1386 (X1a 35, fol. 47) ; 3° contre Guillaume et Jean Buor, écuyers, en 1400, ce dernier et le premier, en matière criminelle (X2a 12, fol. 428 v°, et X2a 13, fol. 325).
2 Dans les nombreuses montres des chevaliers et écuyers de la compagnie du sire de Clisson, entre les années 1372 et 1380, publiées par dom Morice, figurent les noms de Jean, Macé, René et Thibaut de Belosac ou Belozac. (Hist. de Bretagne, in-fol., Preuves, t. II, col. 15, 30, 100, 102, 103, 172, etc., etc.)
3 La onzième année du règne de Charles V commençant le 9 avril 1374, et Pâques n'étant tombé en 1375 que le 22 avril, la date de cette pièce se trouve comprise entre le 9 avril 1374 et le 8 avril 1375.