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Rémission accordée à Jean Carnarin, connétable du fort de la Garnache, qui, dans un moment de colère, avait frappé à mort son valet, Jeannin Lemoine, parce que celui-ci avait mis le feu par imprudence en la maréchaussée dudit fort.

  • B AN JJ. 105, n° 322, fol. 173 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 330-331
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l'umble supplicacion à nous faite pour la partie de Jehan Carnarin1, connestable du fort de la Garneche, contenant que comme pour ce que un sien varlet, nommé Jehannin Le Moyne, le quel il avoit nourri longuement, avoit par simplece ou comme mal soigneux laissié une chandelle ardoir en la mareschaucie du dit suppliant, le premier jour de caresme derrain passé, de la quelle chandelle le feu se estoit pris en la dicte mareschaucie, et se n'eust esté Prigent de Quirat qui le dit feu estaint, tous ses chevaux eussent esté ars, le dit suppliant eust esté moult courrouciez et esmeuz, et lui estant en ce courroux eust trouvé le dit Jehannin alant à l'abevroer hors de la porte de la Garneche, monté sur l'un des chevaux d'icellui suppliant pour le mener abevrer, au quel vallet, le quel le dit suppliant n'avoit veu depuis le dit feu ainsi avenu, il eust donné deux cops d'une verge ou bastonnet que il tenoit en sa main. Et lors le dit vallet et le cheval sur le quel il estoit monté passerent oultre, et le dit suppliant geta la dicte verge ou bastonnet après le dit vallet, et par meschief en fu feru du bout qui estoit agu et le atteingni en la teste et y fist une [p. 331] petite plaie, et en convint le vallet emporter du lieu et puis jut malade deux jours ou environ, et après ce ala de vie à trespassement ; requerant que, comme au dit vallet n'eust aucune hayne precedente et ne le cuidast pas assener dont tel meschief se deust ensuir, fors que afin de le corrigier, par quoy il fust plus soingneux ou curieux autresfois de garder la chandelle, car il amoit le dit varlet parfaitement, nous lui vueillons faire grace sur ce. Nous adecertes, considerans les choses dessus dictes et les bons services que le dit suppliant nous a fais en nos guerres, esperons qu'il nous face encores ou temps avenir, voulans rigueur de justice temperer par misericorde, à icellui suppliant le dit fait et toute paine corporelle, criminele et civile, que pour ce il pourroit avoir encouru, lui avons remis, quicté et pardonné et de nostre auctorité royal, certaine science et grace especial, remettons, quittons et pardonnons ou cas dessus dit, et au païs, à sa bonne fame et renommée et à ses biens le restituons ; et, se aucuns appeaux ou procès estoient pour ce fais contre lui, nous les rappellons et anullons, et quanque il s'en est ensui ou pourroit ensuir, sattisfacion faite à partie premierement. Donnons en mandement à tous seneschaux, baillifs, prevostz, vicontes et autres justiciers et officiers de nostre royaume, leurs lieux tenans et à chascun d'eulx, presens et avenir, que le dit suppliant facent, sueffrent et leissent joir et user à plain de nostre presente grace et remission, sans le molester ou souffrir estre molesté doresenavant pour celle cause ; et se aucune chose estoit pour ce empeschiée du sien, si lui mettent ou facent mettre au delivre, veues ces presentes, sans delay. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, le xvie jour de may l'an de grace mil ccc. lxxiiii. et de nostre regne le xie

Par le roy. J. Regis.


1 Jean Carnarin faisait partie de la compagnie d'Olivier de Clisson, dont la montre fut reçue à Vannes, le 1er janvier 1376 n. s., au nombre de trente-cinq chevaliers et de 165 écuyers. (Dom Morice, Hist. de Bretagne, Preuves, t. II, col. 101.) Il figure de nouveau dans trois autres montres de la même année datées de Vannes les 1er février, 1er mars et 1er juin, publiées par le même auteur ; il est nommé parfois dans ces actes Jean de Karnarin. Il servait encore sous Clisson le 1er août 1380, comme on le voit dans un acte daté du château de Josselin. (Id. ibid., col. 102, 104, 173, 254.)