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DXLVII

Lettres d'abolition accordées à maître Jehan Rivaut, à la requête de Jean duc de Berry, comte de Poitou, et remise des peines qu'il avait encourues pour avoir tenu le parti du roi d'Angleterre.

  • B AN JJ. 103, n° 366, fol. 177
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 253-255
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, tant pour contemplacion de nostre très chier et très amé frere, le duc de Berry et d'Auvergne, comme pour consideracion de pluseurs bons et agreables services que nous a fais maistre Jehan Rivaut1 par pluseurs fois, et des quelx nous sommes et [p. 254] avons esté acertenez par la relacion de nostre dit frere, de nostre connestable2 et de pluseurs autres, aux quelx nous [avons] adjousté et adjoustons plaine foy, nous avons pris et receu en nostre bonne grace ycellui maistre Jehan, et lui avons remis et pardonné toute indignacion quelconque, que il povoit avoir encouru vers nous pour occasion de ce qu'il avoit tenu le parti de Edouart d'Angleterre et de Eddouart, son filz, noz ennemis, ou autrement, par quelque occasion ou voie que ce feust, avecques toutes peinnes corporele, criminele et civile, lesquelles il puet ou povoit avoir encouru vers nous, pour occasion de ce ou autrement, par quelque cas, crime ou malefice que ce feust, se aucuns par aventure en avoit commis et perpetrez, supposé qu'il concernassent ou touchassent crime de lese majesté, en le remettant et restituant à tous ses biens quelconques, qui par occasion de ce qu'il a tenu le parti de noz diz ennemis auroient esté pris, saisis, arrestés ou donnez par nous, noz lieutenans ou autres [ayans] povoir à ce ; et les quelx dons ainsi fais de ses biens par nous ou autres, nous dès maintenant pour lors revocons, anullons et du tout les mettons au neant, et tout ce qui s'en est et puet estre ensuy, par la teneur de ces presentes, et ycelui avons remis et restitué, et par ces presentes remettons et restituons à ses biens, estat, fame et renommée, se en aucune maniere avoit esté ou estoit, ores ou pour temps passé, deturpée. Si donnons en mandement par la teneur de ces presentes à noz amez et feaulx, gens tenens nostre parlement à Paris, aus seneschaulx de Poitou et d'Angolmois, et à tous noz autres justiciers, officiers et subgiez, qui ores sont et pour le temps avenir seront, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d'eulx, que le dit maistre [p. 255] Jehan de nostre presente remission et grace seuffrent et facent joir et user plainement et paisiblement, ne contre la teneur d'icelles ne l'empeschent, contraingnent ou molestent, ne le seuffrent estre contraint, empeschié ou molesté en aucune maniere, ores ou pour le temps avenir, en corps ne en biens, mais tout ce qu'il trouveront, et chascun en droit soy, avoir esté fait ou attempté au contraire, le remettent tantost et sans delay au premier estat et deu. Car ainsi le voulons nous et l'avons octroié et octroions estre fait pour le dit maistre Jehan, de grace especial, certaine science et auctorité royal. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Donné en nostre chastel du Louvre à Paris, ou mois de decembre l'an mil ccc.lxxii, et le ixe de nostre regne.

Par le roy. J. Villers.


1 Jean Rivaut avait été retenu en qualité de conseiller du roi d'Angleterre par Jean Chandos, lorsqu'il prit possession de la ville de Poitiers, le 23 septembre 1361. (Bardonnet, Procès-verbal de délivrance, etc., p. 149.) Le 10 juillet 1368, il passa un bail à rente d'une maison sise rue de l'Aiguillerie, paroisse de Saint-Didier, avec Guillaume Gaboreau, agissant au nom et comme procureur de la commune de Poitiers, moyennant une redevance annuelle de cent sous tournois. (Archives municipales de Poitiers, JJ. 1, p. 179.) Envoyé cette année même en ambassade, avec Guillaume de Séris, par le prince de Galles, auprès d'Urbain V, pour obtenir l'adhésion du pape à un impôt que le fils d'Edouard III voulait établir sur les dîmes inféodées dans son duché d'Aquitaine, il avait été arrêté, à son retour, par le bailli de Mâcon, la guerre venant d'être déclarée entre Charles V et l'Angleterre. (Voy. ci-dessous la note relative à Guillaume de Séris, acte du 8 janvier 1373.) On ne sait combien de temps Jean Rivaut demeura prisonnier et comment il parvint à recouvrer sa liberté. Il existe des lettres du 7 avril 1370 par lesquelles le roi déclare ses biens confisqués et en donne une partie sise à la Rochelle et ailleurs, pour constituer une rente annuelle de 200 livres au profit de Bernard Caut, chanoine de Paris, collecteur du pape (JJ. 102, fol. 10). Dans un acte de février 1377, ce même Jean Rivaut est qualifié d'avocat au Parlement de Paris (JJ. 110, n° 131, fol. 81 v°). Voy. aussi notre volume précédent, p. 409, note.
2 Du Guesclin avait un écuyer du nom de Rivaut, qui, s'étant échappé des mains des Anglais qui le détenaient prisonnier à Gençay, reçut en don du duc de Berry une somme de soixante sous tournois, le 16 juin 1373 ( KK. 251, fol. 122 v°).