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CCCCXCVII

Don à Pierre Boschet, avocat en Parlement, des biens que possédait en Poitou un prêtre anglais, receveur de Poitou pour le [p. 64] prince de Galles, en dédommagement des pertes qu'il avait éprouvées et des services rendus au roi.

  • B AN JJ. 107, n° 237, fol. 112 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 63-66
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisens à tous, presens et avenir, que nous, pour consideracion de la loyauté, vraye amour et subjection de nostre amé maistre Pierre Boschet1, advocat en nostre Parlement, nez du païs de Guyenne, a touzjours eu et encores a envers nous, le quel pour nous servir et estre vray et [fidele] subgiet, a laissié tous ses heritaiges qui montent jusques à la somme de viiixx livres de terre ou environ, avec sa chevance qu'il avoit ou dit païs, et exposé son corps en granz perilz en alant en certains voyaiges, lieux et païs pour le prouffit de nous et de nostre royaume, si comme nous lui avions ordené pour certaines et justes causes, et pour ce que le dit maistre Pierre ait plus honnestement de quoy soustenir son estat entour nous, et aussi affin qu'il soit plus astrains de demourer en nostre vraye amour et obeissance, et ait plus grant affeccion et voulenté de nous servir, à ycellui maistre Pierre, ou cas dessus dit, avons donné et donnons, de nostre grace especial, certaine science et auctorité royal, par ces presentes, touz les biens et heritages et conquestz quelconques que tenoient et possidoient, ou encores tiennent et possedent ou païs de Poitou un prestre angloys, nez du païs d'Angleterre, qui par certain temps a esté et encores est receveur du dit païs de Poitou2, [p. 65] député et ordené de par Edouart d'Angleterre, et un autre angloys, à qui ycellui prestre a donné, au mariage de lui et d'une femme d'icellui païs, pluseurs de ses biens et aquestz, qu'il avoit faiz ou dit païs, les quelz se sont renduz nos ennemis et rebelles, tenans le parti du dit Edouart, à nous appartenans et confisquez pour cause des dictes rebellions et desobeissances, à tenir, avoir et possesser paisiblement les diz biens, acquestz et heritaiges par le dit maistre Pierre, ses hoirs ou successeurs, ou les aianz cause [d'eulx] perpetuelment jusques à la dicte [p. 66] somme ; pourveu que, se yceulz angloys venoient et feussent par nous receuz par traictié, paiz ou autrement en nostre obeissance et subjeccion, nous ne soions tenuz de faire aucune recompense au dit maistre Pierre Boschet pour ce que dit est et exprimé. Si donnons en mandement au seneschal de Poitou, au procureur et receveur du dit lieu et à tous noz autres justiciers, officiers et subgiez, presens et avenir, à leurs lieux tenans et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, en commettant, se mestiers est, que ou dit cas le dit maistre Pierre, ses hoirs ou ayanz cause facent et seuffrent joir et user paisiblement de nostre present grace, don et octroy, et d'iceulx biens, conquestz et heritaiges, jusques à la dicte somme, le mettent ou facent mettre de par nous en possession et saisine royaument et de fait, et des prouffiz et emolumens qui en ystront, le facent joir et user à plain, et à lui, ses hoirs ou aians cause respondre entierement dores en avant. Et que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Sauf nostre droit en autres choses et l'autrui en toutes. Donné à Saint Pol lez Paris, l'an de grace m. ccc. lxx. et viie de nostre regne, ou moys de may.

Par le roy en ses requestes. G. Hennequin, Hetomesnil.


1 Nous consacrerons à ce personnage important et à sa famille une notice détaillée dans un autre endroit de ce volume.
2 Ce prêtre anglais s'appelait Robert de Grantonne, aliàs de Grantdonne. Les biens qu'il possédait en Poitou et en Saintonge étaient considérables ; il les tenait d'acquisitions et surtout de donations que lui avait faites la libéralité du prince de Galles. Ces derniers provenaient de confiscations et durent retourner à leurs véritables possesseurs, quand ces provinces furent redevenues françaises. Mais la plupart donnèrent lieu à des contestations dont furent le plus souvent saisis les juges locaux, et dont quelques-unes furent tranchées par le Parlement. Ce qui compliquait la question, c'est que ces biens, avant et depuis la remise du Poitou et de la Saintonge sous l'obéissance du roi de France, furent l'objet d'un nombre considérable de lettres de dons, le plus souvent contradictoires, en faveur de différentes personnes, tant de la part du roi que de la part du duc de Berry, comte de Poitou, et du connétable Du Guesclin, qui les considéraient comme tombés dans le domaine royal par suite de forfaiture. Nous allons énumérer sommairement et par ordre chronologique les diverses donations dont nous avons trouvé les textes : 1° le 16 février 1370, Raymond de Mareuil reçut du roi la terre de Dampierre en Aunis et tous les autres acquêts faits en Saintonge par un prêtre anglais, receveur de Poitou et de Saintonge pour le prince de Galles (JJ. 100, n° 288, fol. 84) ; 2° la donation générale en faveur de Pierre Boschet, publiée ici même ; 3° don à Denis Basin de la terre de Belhomme en Poitou et de ses appartenances possédées par Robert de Grantonne, le 9 juin 1372 ; 4° à Jean le Hase de Chambly, de 200 livres de terre à asseoir sur les terres de Poitou ayant appartenu audit receveur, 29 juillet 1372 ; 5° le duc de Berry donne, le 8 août 1372, à Jean Le Page et Guillaume Regnault, secrétaires de Du Guesclin, les manoirs et hébergements de la Forêt-Nesdeau, de Vis, de Belhomme et de Fontenay, et Charles V confirme cette donation, le 12 septembre suivant ; 6° en novembre 1372, confirmation par le roi de la donation générale faite par Du Guesclin à Simon La Grappe, huissier d'armes du roi ; 7° enfin, le 16 décembre 1374, confirmation par Charles V d'une autre donation universelle faite par le duc de Berry, à une date inconnue, en faveur de Renaud de Montléon. Tous ces actes, sauf le premier, sont publiés dans le présent volume. Dans celui du 8 août 1372, Robert de Grantonne est dit défunt. On conçoit quelles difficultés soulevèrent tous ces titres divers et si parfaitement inconciliables. Les trois donataires universels, c'est-à-dire Pierre Boschet, Simon La Grappe et Renaud de Montléon, revendiquaient la propriété de ce riche héritage, diminué sans doute, comme nous l'avons dit, des terres qui avaient été restituées, par suite du traité de paix, à leurs premiers et légitimes propriétaires. Le sénéchal de Poitou avait donné gain de cause à Renaud de Montléon, dont le titre, étant le dernier en date, paraissait annuler les précédents. Mais l'affaire fut portée en appel au Parlement, en 1375, comme nous le verrons plus loin dans une autre note.