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DXXXVI

Lettres de rémission accordées à Herbert Berlant1 seigneur des Halles de Poitiers, qui, après avoir suivi le parti anglais, venait de faire sa soumission au roi Charles V.

  • B AN JJ. 104, n° 190, fol. 82 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 209-213
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons [p. 210] à tous, presens et avenir, que, comme par le traitié et accort nagaires fais par noz très chiers et très amés freres le duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitou, de Xantonge et d'Angolesme, et le duc de Bourgongne et noz, autres gens, avec les prelas, gens d'eglise, barons et autres nobles des diz pays de Poitou, de Xanctonge et d'Angolmois, pour eulz, leurs alliez et subgiez, et les habitans des diz pays, les quelz sont de nouvel venus et retournés en nostre obeissance, ait esté accordé, et nous aussi par noz lettres sur ce faites, par les quelles nous avons generaument voulu et consenti, accordé et conformé les diz traitiés et accors, que aus diz prelas, gens d'eglise, barons, nobles, habitans et sugiés des pays dessus diz, les quelz par le dit traictié sont venus et retournés en nostre obeissance et subjection, comme dit est, et à chascun d'eulz ont esté et sont quictiés, remis et pardonnés, et nous aussi leur avons quicté, remis et pardonné toutes rebellions, desobeissances, et tous les crimes, delis, excès et malefices par eulz ou aucuns d'eulz, s'aucuns en ont commis et perpetrés, durant la guerre d'entre nous et nostre adversaire d'Angleterre, ou autrement, en quelque maniere que ce soit, soient ores crimes de lese majesté, murtres, ravissemens et violemens de femmes, sacrileges, larrecins, pilleries, roberies, arsins, rançonnemens ou autres quelconques, comment que il soient nommés, jasoit ce que il ne soient autrement declarés [p. 211] ne specifiés, avec toute paine, amende et offense corporelle, criminelle et civile que il pevent pour ce avoir encouru, et les aiens restitués à leurs bonnes renommées et à leurs pays, et les aiens restitués à plain à leurs biens generaument, non obstans quelconques dons que nous ou noz lieustenans ou aucuns d'eulz en aiens fais ; et avec ce, par le dit traité ait esté accordé que toutes leurs villes, chastiaus et forteresces, et autres possessions, heritages, terres et biens immeubles, quelz que ils soient, estans en nostre royaume et en nostre pooir, et de noz subgiez et alliés, ou d'aucuns d'eulz, qui jadis furent aus diz prelas, gens d'eglise, barons, nobles et habitans des diz pays et de leurs predecesseurs, ou aucuns d'eulz, et les quelz, pour occasion et soubz umbre de la dicte guerre, ont esté donnés ou transportés par nous, noz diz freres, noz lieustenans, nostre connestable, noz mareschaus ou autres quelsconques, pour quelconque cause et par quelque personne que ilz soient empeschiés, sont et seront mis au delivre aus dis prelas, gens d'eglise, barons, nobles et habitans dessus diz, et à chascun d'eulz, pour tant comme il li puet touchier, et leur seront bailliés, rendus et restitués en telle maniere que il en puissent joyr et iceulz possider et exploitier à plain et au delivre, si comme eulz et leurs predecesseurs en ont accoustumé à joir, et que il en joyssoient paravant les diz empeschemens, en ostant yceulz empeschemens mis par quelque personne et pour quelconque cause que ce soit, si comme ou dit traitié est plus à plain contenu2.

Et pour ce, de la partie de Herbert Bellent, escuier du [p. 212] pays de Poitou, seigneur des Hales de Poitiers, nous ait esté humblement supplié que, comme par le dit traitié il soit venu et retourné en nostre obeissance et subjection avec les autres prelas, gens d'eglise, barons, nobles et autres habitans des diz pays, le quel, tant à la cause de li comme de sa femme, a pluseurs heritages, possessions, rentes, revenues et biens immeubles, tant èsdiz pays comme au Crotoy et environ ou pays de Pontieu, les quelz li sont empeschiez, detenus et occupés par aucuns, par vertu de dons, que l'en leur en puet avoir fais, ou autrement, si comme il dit, nous, selon la fourme et teneur du dit traitié et en le comprenant en ycelui, l'en veillens faire joir et user, si comme font les autres habitans des diz pays, qui par le dit traitié sont venus et retournés en nostre obeissance et subjection, comme dit est ; nous, ce consideré, avons au dit suppliant, ou cas dessus dit, quicté, remis et pardonné, et par ces presentes, de nostre plaine puissance et auctorité royal, de nostre certaine science et de grace especial, li quietons, remettons et pardonnons toutes les rebellions, desobeissances et tous autres crimes et delis dessus diz, se aucuns en a commis, comme dessus est dit plus à plain, et le restituons à sa bonne renommée et à son pays, et à touz ses heritages, possessions, rentes et revenues, et biens immeubles, où que il soient en nostre royaume et en nostre pooir, et tant les siens propres comme ceulz qui li appartiennent à cause de sa femme, et voulons que il en joyssent doresenavant tout en la fourme et maniere que dit est dessus. Si donnons en mandement au gouverneur de la dicte conté de Pontieu et à tous noz autres justiciers et officiers, et les justiciers de nostre royaume, ou à leurs lieus tenans et à chascun d'eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente remission et grace facent et laissent joir et user paisiblement le dit suppliant, sans le molester ou empeschier, ou souffrir estre molesté ou empesché aucunement au contraire, et avec ce [p. 213] li rendent et restituent, ou facent rendre et restituer, tantost et sans delay, tous ses diz heritages, possessions, rentes et revenues et biens immeubles à lui appartenans, à cause de li et de sa dicte femme, comme dessus est dit, et à ce contraignent ou facent contraindre viguereusement et deument tous les detenteurs, occuppeurs et possesseurs d'iceulz, non obstans quelsconques dons, que nous ou noz lieus tenans et officiers dessus diz, ou autres, leur en aiens fais, pour quelconque cause et en quelque maniere que ce soit, comme dessus est dit, et rappellent et facent rappeller et remettre au premier estat et deu tout ce que il trouveront estre fait contre la teneur de ces presentes. Et que ce soit ferme chose et, estable à tous jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui. Ce fu fait et donné à Paris, en nostre chastel du Louvre, le quinziesme jour de decembre l'an de grace mil ccc. soissante et douze, et le nueviesme de nostre regne.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil. Montagu.


1 Herbert III Berlant, fils aîné d'Herbert II, mort en 1357, et de Jeanne d'Aux, était seigneur des Halles de Poitiers, fief dont il a été question à plusieurs reprises dans nos précédents volumes. Par lettres du 25 août 1372, données à Poitiers, Jean due de Berry avait accordé déjà à Herbert III la confirmation d'autres lettres du 6 mars 1360 n. s., par lesquelles il lui avait concédé la foire de la mi-carême de cette ville, avec pouvoir de contraindre les marchands à porter aux Halles leurs denrées et marchandises. (Archives de la ville de Poitiers, D. 10.) Herbert n'eut point d'enfant mâle. Le nom de sa femme est inconnu ; le présent texte nous apprend qu'elle avait ses biens dans le comté de Ponthieu, dont elle était sans doute originaire. Sa fille Jeanne épousa Jean Mérichon, conseiller et maître des comptes du roi, dont le fils, Jean, prenait le titre de seigneur des Halles dans une transaction du 4 janvier 1456. (Beauchet-Filleau, Dict des familles du Poitou, t. I, p. 304.)
2 Tous ces considérants ont été publiés dans le recueil des Ordonnances, t. V, p. 557, pour tenir lieu du traité lui-même, dont le texte publié plus haut (n° DXXXI, p 176) était resté ignoré de Secousse. Il prétend que les lettres de Charles V confirmant ce traité « ne se sont pas conservées ». Elles lui étaient passées sous les yeux, sans attirer son attention ; car d'autres actes extraits du registre où se trouve le texte en question, ont été publiés dans les Ordonnances, ce qui prouve que le dépouillement en avait été fait, et de plus qu'il l'avait été assez légèrement.