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DXXXI

Ratification des articles du traité conclu entre les ducs de Berry et de Bourgogne, le connétable Du Guesclin et le sire de Clisson, au nom du roi Charles V, d'une part, et plusieurs prélats et seigneurs de Poitou et de Saintonge, d'autre, pour la réduction et la soumission de ces deux provinces1

  • B AN JJ. 103, n° 361, fol. 174
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 176-190
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, comme par l'accort [p. 177] et traitié naguerres fais par nostre très chier et très amé frere, le duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitiers, de [p. 178] Xaintonge et d'Angolesme, nostre lieutenant ès dis païs, et nostre très chier et très amé frere, le duc de Bourgongne, [p. 179] nostre amé et feal connestable, Bertran du Guesclin, duc de Mouline, et nostre amé et feal cousin, le sire de Cliçon, avec pluseurs prelas, gens d'église, barons, seigneurs, dames et autres des dis païs de Poitou et de Xantonge, pour eulx, pour leurs alliés, subgés et leurs terres, les quelz prelas, gens d'église, barons, seigneurs et dames, et autres dessus dis par les dis traitié et accort sont retournés et venus de nouvel en nostre obeissance et subjection, et soubz ycelles ont mis et rendus leurs villes, chasteaux, forteresces, leurs subgiés et leurs terres, et veulent et ont promis et accordé demourer à tousjours mais, nos diz freres, connestable et sire de Cliçon leur aient accordé et octroié, pour nous et en nostre nom, pluseurs poins et articles ci après contenus et declarés ; nous, considerans le très grant et bonne affection et volenté que yceulx prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs et autres dessus diz nous ont en ce monstré et monstrent, et aussi en ratifiant, approvant et confermant les dis accort et traitié fais avec eulx par nos dis frères, connestable et sire de Cliçon dessus dis, yceulx poins et articles avons, de nostre certaine science, auctorité et puissance [p. 180] royal, accordés et octroiés aus dis prelas, gens d'église, barons, seigneurs, dames et autres dessus diz, pour eulx, leurs subgiés, adherens, alliez et leurs terres, et les habitans des diz pays, et, par la teneur de ces presentes, les leurs accordons et octroions, en la fourme et maniere qui s'ensuivent :

1. C'est assavoir que les dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus diz des dis païs de Poitou et de Xantonge2, qui sont venus et retournés en nostre obeissance, comme dit est, et leurs hoirs et successeurs ou aians cause d'eulz, leurs villes, chasteaus, forteresces, terres, pays et subgés seront et demouront doresenavant et perpetuelment annexés, unis et adjoins à nous, à la couronne de France, ou à nostre dit frere, le duc de Berry, conte des dites contés, ou à ses enfans, sans ce que par nous ou eulx, ou les successeurs de nous ou d'eulz, il puissent estre mis, bailliés, alienés ou transportés en autres mains ou en autres obeissance ou subjection de quelconques autres personnes, quelles que elles soient, pour quelconques causes ou occasion, ne en quelconque maniere que ce soit.

2. Item, et pour ce [que] ou temps de la guerre qui a esté et encores est entre nous et nostre adversaire d'Angleterre, par les dessus dis prelas, barons, seigneurs, dames et autres dessus diz et leurs subgiez et alliez, et habitans des dis pays, les quelz ont tenu le parti de nostre dit adversaire [p. 181] ès païs dessus dis, pour ce que par le traitié pieça fait entre feu nostre très chier seigneur et pere, que Dieu absoille, et le roy d'Angleterre, les païs dessus diz avoient esté bailliés et delivrés au dit roy d'Angleterre et estoient les dessus dis devenus ses hommes et subgiez, ou du prince de Gales son filz, au quel il avoit donné les diz païs, pevent avoir esté par le fait de la dicte guerre ou autrement, ou temps passé, commis pluseurs desobeissances et rebellions, et pluseurs crimes en pluseurs manieres enversnous ; nous, pour consideracion des choses dessus dictes, avons aus dessus diz prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus diz, et à tous leurs subgiez, alliez et adherens, et habitans du dit pays, qui sont retournés et venus en nostre dicte obeissance et subjection, comme dit est, et chascun d'eulz, quittié, remis et pardonné, et, par la teneur de ces presentes, de nostre plaine puissance et auctorité royal, de nostre certaine science et de grace especial, leur quittons, remettons et pardonnons toutes les dictes rebellions et desobeissances, se aucunes en ont faites, et tous les crimes, delis, excès et malefices par eulz ou aucuns d'eulz, s'aucuns en ont commis et perpetrés, durant la guerre dessus dicte ou autrement, en quelque maniere que ce soit, avec toute peine, amende et offensé corporele, criminele et civile que il pevent avoir encouru envers nous ou nostre dit frere, conte des dis païs, pour cause des crimes, delis, excès et malefices dessus dis, se aucuns en ont commis, pour le fait de la dite guerre ou autrement, comme dit est, soient crime de lese majesté, murtres, ravisemens et violemens de femmes, sacrileges, larrecins, pilleries, roberies, arsins, rançonnemens ou autres quelconques, comment que il soient nommés, jà soit ce que il ne soient mie declarés, specifiés ou exprimés en ces presentes ; et les restituons et chascun d'eulz à leurs bonnes renommées, leurs pays et à leurs biens, non obstans quelconques dons que nous ou noz lieuxtenans en aions fais. Et sur ce imposons [p. 182] silence perpetuel à tous noz justiciers, procureurs, officiers et à tous autres, et voulons que il en demeurent quittes, delivrés et paisibles envers nous, nostre dit frere le duc de Berry, conte des dites contés, et à tous autres qui aucune chose leur en vouroient ou pourroient demander, sans ce que il en puissent jamais estre approchiés, inquietés, molestés et empeschiés en aucune maniere.

3. Item, voulons et leur octroions que toutes les villes, chasteaux, forteresces et autres possesssions, heritages, terres et biens immeubles, quelz que il soient, estans en nostre royaume et en nostre pooir et de nos subgiez et alliés, ou d'aucuns d'eulx, qui jadis furent aus dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus diz, de leurs subgiez, alliés et habitans des dis pays, et de leurs predecesseurs où d'aucun d'eulx, qui pour l'occasion et soubz l'ombre de la dite guerre ont esté données ou transportées par nous, noz dis freres, nos lieux tenans, nostre dit connestable, nos mareschaus ou autres quelconques, pour quelconque cause et par quelques personnes que elles soient empeschiées, soient et seront mises au delivre aus prelas, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, et alliés et subgiez, et à chascun d'eulz, pour tant comme il lui puet touchier, et leur seront bailliées, rendues et restituées en telle maniere que il en puissent joir et ycelles possider et exploitier à plain et au délivre, si comme eulx et leurs predecesseurs en ont acoustumé à joir et qu'il en joissoient paravant les dis empeschemens, en ostant yceulx empeschemens mis par quelque personne et pour quelconque cause que ce soit ; parmi ce toutevois que pareillement toutes les villes, chasteaus et autres terres, possessions, heritages et biens quelconques immeubles, quelz que il soient, appartenans ou [qui] jadis furent à aucuns prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames, nobles, bourgois ou autres noz subgiez, qui ont tenu nostre parti, ou de leurs predecesseurs, ou d'aucuns d'eulx, estans et seans [p. 183] és dis païs de Poitou et Xantonge et ou pays de Guienne, au pooir de nostre dit adversaire ou de son dit filz, qui par eulx ou leurs enfans, ou lieux tenans, connestable, mareschaux ou officiers quelconques, ou par quelconques autres esté donnés ou transportés, pour occasion et soubz umbre de la dicte guerre, à quelconque personne et pour quelconque cause que ce soit, aus dis prelas, gens d'église, barons, seigneurs, dames et autres habitans dez païs dessus diz, à leurs alliés ou subgiés, ou à aucuns d'eulz seront rendus, restitués et delivrez à noz dis subgiés, à qui ycelles villes, forteresces, terres, possessions, heritages et biens inmeubles furent et appartindrent, ou à leurs predecesseurs, comme dit est, et leur en seront les dis empeschemens mis par quelque personne ou pour quelconque cause que ce soit, osté, et pour en joir et exploiter à plain et au delivre, en la maniere que eulx et leurs predecesseurs en joissoient et usoient avant les empeschemens dessus dis.

4. Item, se aucuns des parens des dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, ou de leurs subgiés et alliés sont alés de vie à trespassement durans les dictes guerres ou paravant, les biens des quelz trespassez assis ou asseans en nostre royaume ou ailleurs, en nostre pooir ou de nostre dit frere, le duc de Berry, appartenans aus dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, ou leurs subgiés ou alliés, à aucuns d'eulx par la succession des dis defuns, ou autrement, les quelz biens ont ou pooient avoir esté donnés par nous ou par noz diz freres, connestable et sire de Cliçon, comme nostre lieu tenant, ou aucun d'eulx, ou par autres, ou autrement empeschiés, en telle maniere que yceulx prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, leurs subgiés et alliés, ou aucuns d'eulz, n'en pevent ou ont peu joir, les diz empeschemens, quant en nous est ou à nous puet appartenir, et quant à ceulx qui ont cause de [p. 184] nous, de nos dis freres, connestable, sire de Cliçon ou de noz lieux tenans ou officiers quelconques, leurs seront ostés realment et de fait, et les dis biens delivrés par telle maniere que les dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, et leurs dis subgiez et alliés, et chascun d'eulx, pour tant comme illi puet touchier et appartenir, en porront joir yceulx et possider et exploitier delivreement, par telle maniere que les dis trespassés en joissoient ou devoient joir, ou temps de leur trespassement et par avant. Et aussi samblablement sera fait, de leur costé, des biens des parans d'aucuns de nos subgiés, adherens et alliés, qui par nostre dit adversaire d'Angleterre, ses enfans, lieutenans ou officiers quelconques, auroient esté donnés aus prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, ou à leurs subgiez et alliés, ou à aucuns d'eulz, comme dessus est dit.

5. Item, voulons et leur avons octroié et octroions par ces presentes que tous les dons et octrois des imposicions, guies ou tailles fais aus dis prelas, barons, seigneurs, dames et autres dessus nommés, ou aucuns d'eulx par nostre dit adversaire d'Angleterre, ses dis enfans ou lieus tenans, ou aucuns d'eulx, pour les reparacions, gardes ou fortificacions de leurs chasteaus ou forteresces, vaudront, tendront et auront leur plain effect par le temps et jusques en la fin du terme de l'octroy ou don de nostre dit adversaire, ses enfans ou lieustenans, se il ne passent oultre cinq ans avenir, ou quel cas il vaudront et tendront, et les auront jusques au dit terme de cinq ans prochains avenir, à compter de la date de ces presentes, et ans dedens, se à mains de temps furent octroiées.

6. Item, voulons et avons octroie et octroions aus dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs et dames et autres dessus dis et leurs subgiez et alliés, que il seront et sont quittes et delivrés de tous les fruis et levées que il ont eus, levez et receus ou temps passé des terres, possessions, heritages [p. 185] et choses à eulx données, comme dit est, sans ce que aucun leur en puisse riens demander.

7. Item, et ne seront les dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, leurs subgiés et alliés, ou aucuns d'eulz, tenus ne contrains à delaissier ou delivrer les terres et choses qu'il ont et tiennent pour cause des dons dessus dis, en quelque pays, pooir ou jurisdicion qu'il soient, jusques à tant que il aient leurs chastiaux, villes et autres biens seans et estans en nostre pooir et jurisdicion, ou au pooir de nostre dit frere de Berry ou de nos subgiés et alliez, et se aucun empeschement leur estoit mis, que il leur soit osté et mis au delivre.

8. Item, et que sa aucuns dons et octrois ont esté fais par nous, par nos dis freres, connestable, lieustenans ou mareschaus, ou l'un d'eulx, ou autres, d'aucuns des biens des dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, de leurs subgiés et alliés, ou se il ont esté pris et mis en nostre main, pour cause de la dicte rebellion ou autrement, depuis la trieve ou soufrance qui par nos dis freres, connestable et sire de Cliçon, comme nostre lieutenant, ou aucuns d'eulx, fu accordée et donnée à Lodun3 ou ailleurs, nous voulons et leur octroions que il [p. 186] soient nulz et de nul effect, et que les possidens d'iceulz seront contrains par nous ou nostre dit frere, le duc de Berry, conte des dis païs, ou nos officiers, à yceulx biens bailler et delivrer à ceulx à qui il appartenoient ou temps et par avant les dis dons, afin que des dis biens donnés il puissent joir à plain et au delivre ; et seront ceulx qui aucune chose en ont pris ou levé contrains à leur rendre et restituer.

9. Item, et se il avenoit que guerre fust meue ès dis pays de Poitou et de Xantonge par nostre dit adversaire, ses enfans ou aucuns de leurs païs, ou d'autres leurs subgiez et alliés qui, ou nom d'eulx, porroient faire guerre aus dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, leurs subgiés et alliés, ou aucuns d'eulx, nous et nostre dit frere de Berry les garderons et defendrons, si comme nous ferons et sommes tenus de garder et defendre nos autres subgiez.

10. Item, et se il avenoit que les dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis perdissent pour la dicte guerre aucuns de leurs chastiaus, villes, forteresces, terre ou pays, nous et nostre dit frere de Berry les ayderons, si comme nous ferions nos autres subgiez.

11. Item, voulons et octroions que les dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis et leurs subgiez et alliés soient et demeurent quittes, deschargiés et delivrés, eulx et leurs hoirs et successeurs, et tous autres dont il seroient tenus de prendre la defense de leurs biens, de toutes tailles, imposicions, prinses de blez, de vins, bestes et autres choses, d'abus de justice fais par eulx, ou aucuns d'eulx, en leurs terres et pooir, et sur leurs subgiés ou alliés, en quelque païs et en quelque [p. 187] temps, et contre quelconque personne que ce soit, sans ce que l'en leur puisse jamais riens demander pour le temps passé jusques au jour de la saint Andrieu darreniere passée4.

12. Item, et leur avons octroié et octroions que, [se] depuis les accors et convenances faites entre feu nostre très chier seigneur et pere, que Dieux absoille, et nostre dit adversaire, ses enfans, alliés et subgiez, aucuns procès avoient esté fait en la court de nostre parlement ou en autres de nos cours, ou de nos freres dessus dis, par nous ou aucuns de nos subgiez, ou de nos dis freres ou de noz (sic) contre les prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, ou contre leurs alliés et subgiez ou les predecesseurs d'eulz ou d'aucuns d'eulx, ou sur leurs biens, yceulx procès et tout ce qui s'en est ensuy et pourroit ensuir, jusques au jour de la date de ces presentes, seront mis et les mettons au neant, et ne voulons yceulx estre d'aucun effect, mais voulons et octroions que les dessus dis prelas et gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres, et leur subgiez et alliés, soient receus à leurs raisons et defenses et soient en tel estat comme il estoient et devoient estre au temps des dis accors et paravant.

13. Item, et voulons, accordons et octroions aus dis prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, et à leurs alliés et subgiez, que eulx et tous leurs païs soient doresenavant tenus en leurs usages, franchises, libertés et coustumes anciennes, telles comme le roy saint Loys, jadis roy de France, et le conte Alphons, jadis conte de Poitou, tindrent et avoient accoustumé à tenir leurs predecesseurs, et leurs dis pays et subgiez, sans ce que chose qui ait esté ou soit faite au contraire par nous, nostre [p. 188] dit frere de Berry, ou nos predecesseurs, ou par autres, ou chose qui s'en soit ensuie depuis le dit temps, leur face ou porte prejudice, ou que nous ou nos officiers, nous en puissions aydier, ores ne ou temps avenir.

14. Item, et avec [ce] voulons et avons octroié et octroions aus prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, et leurs alliés et subgiez que, se eulx ou aucuns d'eulx, pour leurs fais ou de leurs predecesseurs, estoient ou sont tenus et obligiés en aucunes restes de deniers ou autres choses envers nous, ou nostre dit frere de Berry, ou en la chambre de nos comptes, ou de nostre dit frere, ou envers aucuns nos officiers qui à present sont ou ont esté, de nostre temps et de nostre dit frere, ou de nos predecesseurs, à cause des dis offices, par quelque cause que ce soit, que ceulx qui obligiez ou tenus en seroient, en soient et demeurent quictes et en paix, et leurs pleges, s'aucuns en y a, et les en tenrons et ferons tenir quittes envers tous ceulx qui aucune chose leur en porroient demander.

15. Item, et voulons et avons octroié et octrions aus prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus [dis], que eulx et chascun d'eulz soient et demeurent franchement et delivreement, sans nul empeschement ou contradicion aucune, en saisines et possessions de choses et drois que il tiennent à present, et que eulx et leurs predecesseurs ont acoustumé à tenir ou temps passé, c'est assavoir à cause de leur ancien heritage, que il tienent paisiblement, et de ce que il porront monstrer à ceste cause à eulz appartenir, et voulons et leur octroions que il en joissent paisiblement et sans empeschement aucun.

16. Item, et leur avons accordé et octroié, si comme ont fait nos dis freres, connestable et cousin, que les domages qui leur ont esté fais depuis et contre la soufrance qui leur fu octroiée jusques à la saint Andrieu passée, leur seront amendés et que il seront des dommagiés de tout ce qui leur [p. 189] a esté pris contre la dicte soufrance, dont il porront ensaignier souffisanment, à ce contraindrons ou ferons contraindre tous ceux qu'il appartendra.

17. Item, et aus prelas, gens d'eglise, barons, seigneurs, dames et autres dessus dis, et leurs alliés et subgiés, et tous les habitans des païs de Poitou et de Xantonge dessus dis, les quelz sont par le dit traitié de leur bonne volenté venus et retournés en nostre obeissance et subjection, avons de bon cuer et de bonne volenté, quittié, remis et pardonné, et leur quittons, remettons et pardonnons toute hayne, ire, malivolence, courous et rancune, s'aucunes avons eu ou que nous poons avoir eu contre eulx ou aucuns d'eulx, pour cause de la rebellion ou desobeissance, s'aucunes en ont faites à nous ou à noz gens et officiers, en tenant aussi le parti de nostre adversaire, et pour quelconque autre cause que ce soit, et les avons et recevons en nostre benivolence et en nostre bonne grace.

18. Item, et toutes les choses dessus dictes et chascune d'icelles, si comme elles sont contenues et devisées, nous promettons à tenir et acomplir en bonne foy et en parole de roy, et à ycelles faire tenir et acomplir par nos dis freres, connestable et sire de Cliçon, et par tous autres à qui il appartendra, sans venir ou faire ou souffrir [estre fait] encontre par nous ne par autre, en quelque maniere que ce soit.

Si donnons en mandement et estroitement enjoignons à nos amés et feaulx gens tenant nostre present parlement et qui tendront nos parlemens à venir, aus seneschaus de Poitou et de Xantonge, et à tous nos justiciers et officiers, et les justiciers de nostre royaume, ou à leurs lieustenans, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que les choses dessus dictes il tiengnent et gardent et acomplissent, et facent par tous ceulx à qui il appartendra, garder, enteriner et acomplir, sans faire ou souffrir par aucuns estre fait le contraire, et les prelas, gens d'eglise, barons, [p. 190] seigneurs, dames et autres dessus dis, et leurs alliés et subgiez, et les habitans des dis pays et chascun d'eulz, facent et laissent joir et user paisiblement de tous nos octrois et graces dessus dictes et de chascunes d'icelles, en rappellant et faisant rappeller et remettre au premier estat et deu tout ce que il trouveront estre fait contre les choses dessus dictes, ou aucunes d'icelles, et contre la teneur de ces presentes, en contraignant à ce viguereusement et deuement tous ceulx qu'il appartendra et qui à ce feront à contraindre. Et pour que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Ce fu fait et donné à Paris, en nostre chastel du Louvre, le xve jour de decembre l'an de grace mil ccc. lxxii, et le neufviesme de nostre regne5.

Par le roy, en son conseil. G. de Montagu6.


1 Ce document capital, négligé par les éditeurs du recueil des Ordonnances des rois de France (voy. ci-dessous p. 211, note), n'est autre que la confirmation du traité qui fut accordé aux trois états de Poitou et de Saintonge en conséquence de la reddition de Thouars, le 1er décembre 1372, à Loudun. Le registre des comptes de l'hôtel du duc de Berry nous fournit la preuve que ce prince, maître de Poitiers (7 août), eut recours aux négociations pour obtenir la soumission des barons poitevins restés fidèles au parti anglais. Dès le 10 août, il dépecha vers deux de leurs chefs, le vicomte de Châtellerault et le sire de Parthenay, son écuyer et échanson, Jean Adeuil, porteur de propositions de paix (KK 251, fol. 90). Un instant ébranlés et découragés par la chute imprévue de leur capitale, ceux-ci cependant refusèrent alors de traiter et promirent aux lieutenants du prince de Galles de continuer la résistance. Pendant que l'armée anglaise se concentrait dans Niort et que les contingents gascons, sous la conduite du captal de Buch, se retiraient à Saint-Jean-d'Angély, pour se tenir prêts à toute éventualité, les Poitevins s'enfermaient dans Thouars. Les seigneurs de France vinrent les assiéger. Le récit de Froissart, dont la chronologie est si confuse, ne permet pas de déterminer le jour exact où les Français se présentèrent sous les murs de la ville. Suivant lui, les opérations commencèrent quatre jours après la reddition de Fontenay-le-Comte qui eut lieu en réalité le 10 octobre, mais qu'il avance de plus d'un mois. Les assiégeants se contentèrent de bloquer la place, trop forte et trop bien défendue pour être prise d'assaut, et après quinze jours de pour parlers, les assiégés se décidèrent à accepter une trêve qui devait durer jusqu'au jour de saint Michel, 29 septembre. (Edit. Luce, t. VIII, page li, 89-98.)
La vérité en ce qui concerne cette trêve est toute différente. Elle ne fut point signée à Thouars, mais à Surgères, pendant le siège de cette dernière ville (ci-dessus, page 175, note), et elle ne devait expirer que le 30 novembre, jour de saint André. Cette date donnée par les Grandes Chroniques (t. VI, p. 336), est confirmée par un passage du traité que nous publions ici (ci-dessous, p. 187). D'ailleurs le texte de la convention de Surgères subsiste ; il est conservé dans un registre de la Chambre des comptes d'Anjou (Archives nat. P. 13341, fol. 23 ; voy.aussi Bibl. nat., ms. fr. 20684, p. 138), et il vient d'être publié par M. Siméon Luce (édit. de Froissait, t. VIII, appendice, pièce I, p. clv). La trêve fut conclue le samedi 18 septembre, veille de la capitulation de Surgères, entre le duc de Berry, comte de Poitou, lieutenant du roi, d'une part, les évêques de Maillezais et de Luçon et plusieurs seigneurs, stipulant au nom des habitants du Poitou, sujets du roi d'Angleterre, d'autre part. L'article principal de cette convention portait que si, le 30 novembre suivant, Edouard III ou le prince de Galles ne se trouvaient pas devant Thouars avec des forces capables d'obliger les Français à lever le siège, les signataires du traité, leurs sujets et alliés feraient leur soumission dès le lendemain et rentreraient en l'obéissance du roi de France. Les événements avaient marché depuis le 10 août. Bien des villes de Poitou et de Saintonge, la Rochelle en tête (8 septembre), avaient ouvert leurs portes aux armées françaises ; Jean de Grailly, captal de Buch, et Thomas de Percy, sénéchal anglais de Poitou, avaient été faits prisonniers à l'affaire de Soubise (23 août) ; Du Guesclin, Clisson, les ducs de Bourgogne et de Bourbon marchaient de succès en succès. La cause anglaise était donc fort compromise. La convention de Surgères lui enlevait encore une bonne partie de ses meilleures soutiens, les chevaliers poitevins, réduits ainsi à l'inaction dans Thouars pendant deux mois et demi.
Libre de ce côté, le duc de Berry employa le temps qu'il avait devant lui à reconquérir une à une les villes et places fortes de Poitou et de Saintonge qui étaient encore au pouvoir des Anglais. Le duc de Bourgogne, qui était venu le rejoindre à Poitiers, le 28 août, le duc de Bourbon, Du Guesclin et Clisson lui prêtèrent un concours efficace dans cette campagne, dont chaque jour fut marqué par une victoire, et qui fit rentrer successivement en l'obéissance de Charles V, plus des trois quarts du pays. De son côté, Edouard III ne perdait pas son temps. Il avait levé une armée considérable, destinée d'abord à débloquer la Rochelle, à laquelle se joignirent les troupes déjà préparées par le duc de Lancastre, et avec laquelle il s'embarqua lui-même à destination du Poitou. Froissart estime les forces anglaises réunies en cette circonstance, à 400 vaisseaux, 4000 hommes d'armes et 10000 archers. (Edit. Luce, t. VIII, p. 94.) Repoussée par des vents contraires, cette flotte ne put gagner les côtes et fut obligée de rentrer dans les ports anglais. Thomas de Felton, d'autre part, avait convoqué à Bordeaux la chevalerie de Gascogne et vint à Niort renforcer le petit corps d'armée anglaise, commandé par Jean Devereux, le sire d'Agorisses, Jean Cressewell, etc. Réunis, ils formaient plus de 1200 lances ; mais ils étaient incapables d'arrêter les progrès de Du Guesclin et même de porter un secours efficace a ceux de Thouars, bien qu'ils leur aient offert de combiner une sortie et une double attaque contre l'armée française.
Quand le 30 novembre arriva, les Français, fidèles au rendez-vous, vinrent camper devant Thouars de tous les points de la province et des provinces voisines. Cette armée était imposante, et toute résistance était réellement impossible. Aux ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, aux troupes commandées par Du Guesclin et Clisson, s'étaient joints le duc de Lorraine, les comtes d'Alençon, du Perche, et beaucoup d'autres. Froissart porte toutes ces forces réunies à 15,000 hommes d'armes et 30,000 fantassins. (Id. p. 97, 311.) Ce chiffre est évidemment exagéré, comme c'est la coutume du chroniqueur, quand il s'agit de l'armée française ; mais ne fût-elle que de la moitié ou même du tiers, c'était plus qu'il ne fallait pour rendre vains les efforts des Poitevins unis aux Anglais et aux Gascons. Cependant les barons enfermés dans Thouars hésitaient encore ; ils étaient partagés en deux camps, l'un se prononçant pour la capitulation, l'autre persistant dans les idées de résistance. Toutefois le parti de la soumission prévalut. Le mercredi matin 1er décembre, l'armée française était encore aux champs devant Thouars. Le soir, la place était en son pouvoir. Des lettres hâtives annonçant cette heureuse nouvelle furent aussitôt adressées au roi. (E. Petit, Campagne de Philippe le Hardi en Poitou et en Saintonge, p. 18.) La campagne était terminée ; les ducs et les principaux chefs de l'armée se dirigèrent vers Paris par divers chemins, et ils y étaient tous arrivés, comme on le voit par la date de ce traité, avant le 15 décembre. Le duc de Berry était allé d'abord à Bourges, où il était le 8. (Voy. son itinéraire en tête de ce volume.) Le duc de Bourgogne arriva à Paris le 11 ; ce jour-là, Du Guesclin, qui l'y avait précédé, revint au-devant de lui à Bourg-la-Reine avec plusieurs chevaliers et écuyers, et tous arrivèrent le soir à Paris « en cour devers le roi. » (E. Petit, op. cit., p. 19.) A ce témoignage on peut joindre celui du greffier du Parlement de Paris : « Samedi xi décembre 1372. Ce jour retournèrent de la conqueste du Poitou, Xantonge et Angoloisme et la Rochelle, et entrèrent à Paris noz seigneurs les duz de Berry, Bourgoigne et Bourbon, et pluseurs autres barons et seigneurs en leur compaignie, et aussi le connestable de France. Et lors Pieret d'Auvillier, escuier, amena le captal de Buch, messire Guillaume (sic) de Percy et le sire de Mareuil, et autres prisonniers gascoins et anglois. Le dit Pieret avoit pris en bataille le dit captal, etc. — Dimanche xii. Ce jour le duc de Berry fist hommage au roi de la conté de Poitiers, et le sire de Partenay et autres barons du Poitou firent serment de feauté au roi, et par especial d'estre contre le roy d'Angleterre et ses enfants, etc., au Louvre à Paris. » (Arch. nat., X1a 1470, fol. 6.)
L'itinéraire du duc de Berry montre que ce prince retourna à Bourges dans les premiers jours de janvier et que, sauf quelques pointes en Auvergne, il séjourna en Berry les mois de janvier, février et mars ; il ne revint à Poitiers que dans la première moitié d'avril et resta en Poitou jusqu'à la fin de l'année 1373.
Au 1er décembre 1372, les Anglais occupaient encore en Poitou huit places fortes au moins : Niort, Chizé. Mortagne, la Roche-sur-Yon, Lusignan, Gençay, Mortemer et Château-Larcher
2 On peut connaître les noms des principaux seigneurs poitevins et saintongeais qui signèrent le traité du 1er décembre, en se reportant à la convention de Surgères, en tête de laquelle un certain nombre sont désignés nominativement. Ce sont les évêques de Maillezais et de Luçon, la vicomtesse de Thouars, le sire de Parthenay, le vicomte de Châtellerault, Miles de Thouars, seigneur de Pouzauges, Renaud de Vivonne, Jacques de Surgères, Guy, seigneur d'Argenton, Renaud de Thouars, Guy de la Forêt, Aimery d'Argenton, le sire d'Aubeterre, Hugues de Vivonne, Aimery de La Roche, André Bonnaut, Perceval de Cologne, Lestrange de Saint-Gelais, Jean de Machecoul, Guillaume d'Appelvoisin, le sire de Nieul (Maurice de Volvire), etc. (S. Luce, édit. Froissart, t. VIII, appendice, p. clv.)
3 Dans un acte du mois de février 1376 n. s, on trouve une addition importante à ce passage : « Depuis la trieve ou souffrance qui par noz diz freres, connestable et sire de Cliçon, comme nostre lieutenant, ou aucun d'eulx fu accordé ou donné à Lodun, le ixe jour de juillet dernier passé... » Cette trêve qui n'est mentionnée nulle part ailleurs, et sur laquelle nous ne pouvons fournir aucun détail, aurait donc été conclue après la reprise de Moncontour par Du Guesclin et Clisson. Le lendemain 10 juillet, le connétable était à Chinon, d'où il data la donation faite à Alain Saisy des château, ville et châtellenie de Mortemart, confisqués sur Aimery de Rochechouart, à cause de sa rébellion (JJ. 103, fol. 77, n° 141). Quelques jours après, il alla opérer sa jonction avec le duc de Berry et mettre le siège devant Sainte-Sévère (arr. de La Châtre, sur l'Indre), qui eut lieu certainement dans la seconde quinzaine de juillet.
Cette date du 9 juillet offre par conséquent un point de repère important pour les opérations du connétable. Elle nous est fournie par des lettres d'abolition données à Paris en faveur d'un chevalier, nommé Guillaume Gardras, seigneur de Libeau en Saintonge, qui avait tenu le parti anglais. Charles V déclare qu'il entend que ce personnage jouisse du bénéfice du traité de réduction du Poitu et de la Saintonge, et il vise particulièrement les articles 2, 3 et 8, dont il reproduit intégralement le texte (JJ. 108, fol. 97, n° 160)
4 Le 30 novembre, terme fixé à la trêve conclue à Surgères le 18 septembre précédent, à laquelle il est fait allusion en cet endroit et deux pages plus loin. (Voir la note en tête de ces lettres de confirmation, p. 177.)
5 Voy. ci-dessous, p. 211, la note relative à l'omission du texte de ce traité par les éditeurs des Ordonnances des rois de France.
6 A la suite de ce traité on lit sur le registre : « Item similis carta pro domino de Pertiniaco ». Il y eut un traité spécial conclu le 1er décembre entre Louis d'Harcourt, vicomte de Châtellerault, le duc de Berry et Du Guesclin, agissant au nom du roi. C'est l'acte qui suit immédiatement, confirmé le 15 décembre par Charles V. Il n'en fut point de même sans doute pour le sire de Parthenay, la mention de la chancellerie que nous notons paraissant indiquer qu'une expédition du traité général fut faite en son nom personnel.