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CCCCXCII

Don à Jean Du Mesnil, écuyer, en récompense de ses services de guerre, des biens confisqués de Jacques le Tailleur.

  • B AN JJ. 100, n° 785, fol. 233 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 48-51
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., que comme Jacques le Tailleur1 se soit rendu nostre rebelle et ennemi en [p. 49] tenant le parti de Edwart d'Angleterre et de Edwart de Gales, son filz ainsné, qui ont commencié et font guerre ouverte contre nous et noz subgez, pour quoy tous les heritages et biens quelconques d'iceli Jacques assis en la duchié de Guienne, en la viconté de Brosse et ailleurs, quelque part qu'il soient en nostre royaume, qui furent jadis au Borgne de Seris2, nous sont acquis et à nous appartiennent, comme commis et confisqués pour la forfaiture d'icely Jacques, lequel est demourant en Guienne avec noz diz ennemis, en leur donnant tout le confort et aide qu'il puet contre nous et nostre royaume, en commettant crime de lese majesté. Et puent bien valoir iceulx heritages et biens cent livres tournois de terre ou rente par an, si comme l'en dit. Nous, pour consideracion dez bons et aggreables services que Jehan Du Mesnil3, escuier, nous a fais le tamps passé, fait encores chascun jour en noz presentes guerres, ès quelles il a esté pris prisonnier par pluseurs fois et derrainement en la besoigne de Chandos4, et mis à très [p. 50] excessive raençon, montant à sept cens frans, et esperons que encores nous face ou temps avenir, à iceli Jehan Du Mesnil à tous jours mais, pour li, ses hoirs et qui de lui auront cause, avons donné et octroié, donnons et octroions, par ces presentes, de nostre auctorité royal, de nostre certaine science et grace especial, les heritages et biens du dit Jacques le Tailleur dessus diz, c'est assavoir prés, vignes, bois, terres, dismes, estans, cens et rentes, terrages, avec tous autres drois, proffis, emolumens et appartenances quelconques, jusques à la value dez cent livres tournois de terre ou rente par an dessus dictes, à nous advenues et appartenans, pour la cause dessus dicte, comme dit est, à tenir, possider et en lever lez drois, proffis et emolumens par le dit Jehan Du Mesnil, ses hoirs et qui de lui aront cause, à tous jours mais, comme de sa propre chose. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal d'Anjou et du Maine et à tous nos autres officiers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d'eulx, comme à lui appartendra, que des heritages et biens dessus dis, jusques à la value d'icelles cent livres à tournois de terre ou rente par an, à nous ainsi advenues et appartenans, comme dit est, mettent tantost et facent mettre, chascun en droit soy, le dit Jehan Du Mesnil ou son procureur pour lui, en possession et saisine, et d'icelle facent et sueffrent li, ses hoirs et qui de li auront cause, joir et user paisiblement et à tous jours mès, sans li mettre ne souffrir estre mis en ce aucun empeschement, non obstant que ce deust estre apliquié et mis à nostre demainne et ordenances quelconques à ce contraires. Toutesvoies n'est pas nostre entente que, se pour aucune cause il advenoit que nous rendissions ou feissions rendre yceulx heritages et biens au dit Jacques, nous fussions tenus d'en faire aucune recompensacion au [p. 51] dit Jehan Du Mesnil, à ses hoirs ou aians cause de ly. Et que ce soit ferme, etc. Sauf, etc. Donné en nostre hostel de Saint Pol lès Paris, le xxe jour de mars, l'an de grace mil ccc. soixante et neuf, el de nostre regne le sisiesme.

Par le roy. J. de Vernon. — Visa.


1 Peut-être ce Jacques le Tailleur doit-il être identifié avec « uns escuiers englès qui s'appelloit Jakes Taillour », que Froissart donne comme capitaine de la garnison anglaise de Gençay, au mois de décembre 1372, après la capitulation de Thouars et pendant la captivité d'Adam-Chel, sr d'Agorissart. (Édit. Kervyn de Lettenhove, t. VIII, p. 219.)
2 Guy le Borgne de Céris ou de Séris était chambellan de Philippe de Valois. Ce prince lui fit don en 1328 de la maison de la Voue et d'autres propriétés (JJ. 65a, fol. 143, n° 211). Des lettres de rémission lui furent accordées en février 1357 (JJ. 89, fol. 11). Il était mort avant le mois d'avril 1369. A cette date, on trouve des lettres de confirmation en faveur de Jean, son fils, de la donation qui lui avait été faite, en 1317, de l'hébergement d'Orsons, avec divers droits, de la sergenterie de Champagné, etc. (JJ. 100, n° 838, fol. 247 v°). Peut-être ce personnage appartenait-il à la même famille que Guillaume de Séris, de la Rochelle, premier président du Parlement, dont il sera question plus loin. Un André de Céris était, en 1355 et 1358, trésorier de Saint-Hilaire de Poitiers (X1a 16, fol. 11 v° et 490 v°).
3 Jean Du Mesnil, dit Macé, sergent d'armes du roi, reçut de Charles V, au mois de mars 1365, une mission secrète auprès du duc d'Anjou, alors à Avignon. « Nous envoions très hativement pour certaines besoingnes qui nous touchent nostre amé sergent d'armes Jean Du Mesnil », etc. Ordre de lui payer trente francs d'or. (L. Delisle, Mandements de Charles V, p. 91.)
4 Ce texte qui nous donne le nom d'un des acteurs français du combat de Lussac, où Jean Chandos trouva la mort et où Kerlouët et Louis de Saint-Julien demeurèrent prisonniers des Anglais, mérite, à ce titre, de prendre place dans notre recueil, bien que Jean Du Mesnil ne paraisse pas originaire du Poitou. En ce qui concerne « la besoigne de Chandos », nous nous contenterons de renvoyer au dramatique récit de Froissart et aux savantes annotations de M. Siméon Luce (t. VII, p. lxxxv-lxxxvii, 196-207, 389-396).