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DLXII

Par une ordonnance antérieure, le siège du bailliage des Exemptions de Poitou ayant été placé à Saint-Maixent, et l'abbé dudit lieu ayant remontré que cette création était contraire aux privilèges de l'abbaye, le roi lui accorde que ledit siège ne restera pas plus de deux ans dans la ville abbatiale et que le bailli ne connaîtra point des causes du ressort de l'abbaye1.

  • B AN JJ. 104, n° 249, fol. 106
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 307-309
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, comme naguerres nous eussions voulu et ordené par nos autres lettres2 que le siege de nos Exempcions de Poitou seroit et se tenroit par nostre bailli des dictes Exempcions3 en la ville de [p. 308] Saint Maxent, appartenant aux religieux, abbé et convent du dit lieu, qui sont ressortissans à nous sans moyen et exemps de nostre très chier frere le duc de Berry et d'Auvergne, et conte de Poitou, et eussons mandé au dit bailli des dictes Exempcions que d'ores en avant il y mist et tenist son dit siege, si comme ce et autres choses sont plus à plain contenues en nos dictes lettres ; et depuis les dis religieux nous aient fait exposer que par privileges à eulx octroiez par nos seigneurs predecesseurs, roys de France, et par nous confermez, et aussi par pluseurs fais et raisons nous ne povons ne devons metre ne faire tenir nostre dit siege en la ville de Saint Maxent, et que en ce il seroient grevez et grandement dommaigiez, et que nostre dicte ordenance est et seroit contre les dis previleges et les libertés et franchises de la dicte eglise, dont il ont tous jours oy et usé. Savoir faisons que nous, considerans les choses dessus dictes et les bons et agreables services que le dit abbé nous [a] fais ou temps passé, et esperons que il nous face ou temps avenir, et aussi pour la reverence du glorieux saint monsieur saint Maxent, qui repose en la dicte eglise, avons octroyé et octroyons, de grace especial, certaine science et auctorité royal, par ces presentes, aux dis religieux que jusques à deux ans tant seulement, à compter de la date de ces presentes, le dit siege sera en la dicte ville de Saint Maxent, et non oultre les deux ans dessus dis. Et leur avons octroié et octroions, de nostre dicte grace, que au dit lieu de Saint Maxent le dit bailli ne pourra cognoistre de nulle cause, fors tant seulement des causes touchans les autres exemps de Poitou, forclus les causes touchans le ressort des dis religieux de Saint Maxent, [p. 309] [dont] le bailli cognoistra à Chinon en Touraine4 tant seulement, ou en autre [lieu] là ou nostre dit siege de Chinon seroit ou temps avenir ordené, selon la fourme des dis previleges octroyez par nous ou noz dis predecesseurs aux dis religieux. Et ou cas que le dit bailli ou nos autres gens et officiers feroient ou s'efforceroient de tenir le dit siege ou exercer juridicion ou dit lieu, oultre les deux ans dessus dis, nous dès maintenant rappellons et mettons du tout au neant tout ce qui par eulx ou l'un d'eulx seroit fait, et le reputons fait de privé personne, et voulons que il n'ait aucun effect. Et ainsi l'avons promis et promettons aux dis religieux, et voulons que se aucune chose est faicte au contraire, ce ne leur puist porter aucun prejudice. Si donnons en mandement par la teneur de ces presentes à noz amez et. feaulx gens de nostre Parlement, au bailli des dictes Exempcions et à tous nos autres justiciers et officiers, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que les diz religieux facent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace et octroy, et leur defendons par ces presentes que, contre la teneur de ces presentes ou de leurs previleges, libertés et franchises dessus dictes, ne les molestent ou empeschent, facent, seuffrent ou laissent estre molestez ou empeschiez au contraire. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable perpetuelment et à tousjours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf nostre droit en autres choses et l'autrui en toutes. Donné en nostre chastel du bois de Vincennes, le xxviie jour du mois de juillet l'an de grace mil ccc. lxxiii, et de nostre règne le xe.

Par le roy en son conseil. J. d'Ailly.


1 Ces lettres ont été publiées dans le recueil des Ordonnances des rois de France, t. V, p. 626, d'après la même source.
2 « Ces lettres ne se trouvent point dans les Registres de ce temps. » (Note des éditeurs des Ordonnances.)
3 Le même recueil contient, à la date approximative de décembre 1370, un règlement pour la juridiction du bailli des ressorts et exemptions de Touraine, d'Anjou et du Maine, portant qu'il aura son siège à Tours et à Chinon (t. V, p. 369) ; et au 8 octobre 1371, une ordonnance de Charles V, touchant les droits royaux étant de la compétence dudit officier (id., p. 428). Vers la fin de l'année 1372, ou au commencement de 1373, les exempts du comté de Poitou furent placés sous la juridiction du même bailli qui prit le titre ordinaire de bailli des Exemptions de Touraine, Anjou, Maine et Poitou. Le 3 septembre 1372, il ne s'intitulait encore que bailli des Exemptions des duchés d'Anjou et de Touraine et comté du Maine (id., p. 523). On trouve sur les mémoriaux de la Chambre des comptes du 21 mai 1373 mention de la remise des sceaux des Exemptions de Poitou et de Saint-Maixent à Jean de La Tuille, bailli des Exemptions. (Arch. nat., P. 2295, fol. 133.) Celui-ci était déjà bailli des Exemptions de Touraine, Anjou et Maine en 1370 ; il avait succédé à Jean de Brion. (Delaville-Le Roulx, Comptes municipaux de la ville de Tours, t. II, p. 182, note.) C'est sur sa requête que fut rendue l'ordonnance du 8 octobre 1371, dont nous venons de parler. Jean de La Tuille fut créé, le 6 avril 1374, réformateur général des aides ès parties de Picardie (vidimus, JJ. 119, n° 131, fol. 80 v°) ; il n'en continua pas moins à porter le titre de bailli des Exemptions de Touraine, Anjou, Maine et Poitou, joint à celui de réformateur, comme le prouve une quittance de lui délivrée au receveur de Vermandois, à Soissons, le 1er août 1374. Le sceau appendu à cet acte porte un écu à la croix ancrée, penché, timbré d'un heaume cimé d'un chien assis, supporté par une dame et un lion. (Bibl. nat., ms. Clairambault, reg. 108, p. 8463.) Toutefois, il fut remplacé dans les fonctions de bailli des Exemptions, vers les derniers mois de cette année, par Thomas d'Armeville, dont il sera question plus loin, dans un acte de novembre 1377. Ce dernier eut lui-même pour successeur, vers cette époque, Pierre Aillembourse.
4 Voy. les lettres qui précèdent, portant que les affaires de l'abbaye ne seront plus portées à Loudun, mais à Chinon, devant le bailli des Exemptions.