[p. 61]

CCCCXCVI

Don à Jean de Bauçay, chevalier, de la terre de la Motte-Fresneau et du village de Nuaillé, qui avaient appartenu à feu Guillaume de Bauçay, chevalier, son cousin, possédés depuis par le sire d'Aubeterre, et qui avaient été confisqués sur lui à cause de sa rébellion.

  • B AN JJ. 100, n° 754, fol. 223 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 61-63
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. Comme feu Guillaume de Baussay1, jadis chevalier et cousin de nostre amé et feal chevalier, Jehan de Baussay2, tenist, ou temps qu'il [p. 62] vivoit, ou duché de Guianne la Mote de Fresneau et ses appartenances, et le village de Nuaillé3 et appartenances, assises en la seneschaucie de Xanctonge, que tient à présent le sire d'Aubeterre4, nostre rebelle et ennemi, si [p. 63] comme l'en dit, nous, pour consideracion des services que le dit Jehan de Baussay nous a faiz et fait chascun jour, et en reconpensacion aucune des dommages qu'il a euz et encouruz pour le fait de noz guerres et de grant quantité de terre qu'il a perdue ou païz de Guienne, en demourant en nostre obediance et sous nous, luy avons donné, et de nostre grace especial, certaine science et auctorité royal, luy donnons la dicte Mote de Fresneau et le village de Nuaillé avecques leurs appartenances, et appendances, et generalement toute la terre que soloit tenir le dit feu Guillaume ou dit duché, à tous jours, pour lui, ses hoirs et aians cause, ou cas que le dit païs de Guienne, ou elles sont assises, se gaigneroit pour nous ou revendroit en nostre obeissance, non obstant quelconques donz par nous à faire des dictes terres à quelque personne que ce soit et lettres subreptices à ce contraires. Si donnons en mandement à tous noz officiers et commissaires, presens et avenir, que le dit Jehan de Baussay facent et lessent joir de nostre presente grace et don, senz aucun empeschement, et de ce ou cas dessuz dit le mettent en saisine et possession paisiblement, et en ycelles le gardent et maintiengnent en ostant tout empeschement qui mis lui seroit sur ce. Et que ce soit ferme, etc., nous avons fait mettre nostre scel, etc. Sauf, etc. Donné au Boiz de Vincennes, l'an m. ccc. lxx. septiesme de [nostre] regne, en may.

Par le roy, en ses requestes. Montagu.


1 Guillaume de Bauçay ne figure pas sur le fragment de généalogie que M. Beauch et-Filleau a donné de cette famille (Dict. des familles du Poitou, t. I, p. 234-238). Il est nommé dans un arrêt du Parlement réglant définitivement la possession des deux terres dont il est question ici, et sur lequel nous aurons occasion de revenir plus loin. Mais pas plus dans ce dernier acte que dans celui-ci, sa filiation n'est indiquée. On en peut inférer seulement que sa mort arriva vers 1355, comme nous le verrons. Il était sans doute fils d'un frère cadet d'Hardouin II de Bauçay. On sait en effet qu'Hardouin Ier eut plusieurs fils, et entre autres Jean, marié à une fille de Guillaume de la Rajace, et qui pourrait bien être le père de ce Guillaume.
2 Jean de Bauçay était fils d'Amaury et d'Aumur ou Ænor de Maillé. (Beauchet-Filleau, op. cit., p. 238.) Il épousa la fille unique d'un bourgeois de la Rochelle, Aimery Sudre, qui était lui-même marié à Hippolyte de Bauçay, comme on le voit dans plusieurs arrêts du Parlement. Si la filiation donnée par l'auteur précité est exacte, Hippolyte était la sœur de Jean, qui aurait ainsi épousé sa nièce. Aimery Sudre soutint un procès contre l'abbaye de Moreilles au sujet de la possession d'un pré situé à l'embouchure de la Sèvre. Un arrêt rendu en cette affaire, le 14 août 1374, contient le texte en langue vulgaire d'un curieux acte de vente du pré litigieux, daté de janvier 1276 (X1a 23, fol. 450). Le même personnage et sa femme étaient appelants, en 1377, d'une sentence du gouverneur de la Rochelle en faveur de Geoffroy de Kerrimel, de Geoffroy Budes, chevaliers, et de Geoffroy Payen, écuyer. (Mandement du Parlement au sénéchal de Saintonge, le 22 aoû't 1377, X1a 26, fol. 96 v°). Aimery mourut à la fin de 1378 ou au commencement de 1379. Un procès qu'il avait au Parlement contre Jacques Poussart, de la Rochelle, qualifié de legum professor, fut continué par sa veuve et son gendre, qui reçurent ajournement à comparaître le 15 mars 1379 n. s. (X1a 28, fol. 32).
Le 29 août de la même année, la cour commit deux conseillers au Parlement pour procéder à une enquête (id. fol. 98 v°). Un arrêt du 18 février 1380 n. s. (X1a 29, fol. 130 v°) ne mit pas fin à l'affaire, car nous retrouvons, au milieu de l'année 1382, Jean de Bauçay prisonnier au Châtelet de Paris, à la requête de maître Jacques Poussart. Il obtint, le 12 juin, son élargissement dans l'enceinte de Paris, mais pour trois semaines seulement et sous peine de 500 livres parisis d'amende, s'il s'éloignait de la ville (X2a 10, fol. 144). Dans l'intervalle, il eut à soutenir un autre procès au sujet de la succession de son beau-père contre la veuve de celui-ci qui s'était remariée avec Thibaut Le Jau ou Le Jaut. (Voy. mandement au gouverneur de la Rochelle, du 31 juillet 1380, et arrêt du Parlement, le 1er septembre suivant, X1a 29, fol. 78 et 185.) Dans les textes que nous venons d'indiquer, la femme de Jean de Bauçay est appelée tantôt Amette, tantôt Guillemette Sudre. Ils n'eurent que deux filles : Jeanne et Marie, dame de la Motte-de-Bauçay. Cette dernière fut mariée deux fois : 1° à Jean d'Ausseure ; 2° à Guillaume de Chaunay, chevalier, auquel elle survécut. Elle vivait encore en 1437.
3 Il était dans la destinée de ces deux terres de changer souvent de maîtres. A la mort de Guillaume de Bauçay, elles étaient passées, par droit de succession, à l'héritière de la branche aînée de Bauçay, Jeanne, femme de Charles d'Artois, comte de Longueville. Ceux-ci en firent don, l'an 1367, au sire d'Aubeterre, dont ils attendaient d'importants services, puis cherchèrent inutilement à révoquer cette donation. Saisies sur ce dernier, comme nous le voyons ici, et données à Jean de Bauçay, elles firent retour, à la paix, par suite du traité du 15 décembre 1372, dont nous publions le texte dans ce volume, au sire d'Aubetere. Charles d'Artois et sa femme les obtinrent de nouveau par lettres du roi du 31 janvier 1374 (ci-dessous, à cette date) ; mais nous verrons à cet endroit que le Parlement adjugea définitivement la Motte-Fresneau et Nuaillé à Jean Raymond d'Aubeterre. Jean de Bauçay d'ailleurs ne put guère jouir de cette donation ; car les Anglais occupaient encore le pays à cette époque. On verra ci-dessous deux actes de Charles V : le premier de mai 1371, qui promet à Amaury et à Jean de Bauçay, son fils, de leur restituer leurs terres de Poitou et de Saintonge, usurpées par les Anglais, quand ces provinces seront replacés sous l'obéissance du roi de France ; le second qui ratifie cette promesse et rend à Jean de Bauçay la terre que son père avait été contraint d'abandonner à Gautier Spridlington, est du 26 novembre 1372.
4 D'après un arrêt du Parlement du 5 mars 1379 (X1a 28, fol. 147), que nous analyserons ci-dessous, à l'occasion des lettres du 31 janvier 1374, le seigneur d'Aubeterre se nommait, à l'époque dont il est question ici, Gadicilde, Gadicildus (aliàs Guardrade) Raymond. Il mourut peu de temps après et eut pour héritier son frère Jean. Ils étaient tous deux fils de Pierre Raymond, auquel la carde des clefs, tours et forteresses de la ville d'Aubeterre avait été restituée par lettres du roi Jean, en mars 1356 n. s. (JJ. 84, n° 508, fol. 266 v°). Le 9 décembre 1360, son fils aîné eut en don du roi les biens confisqués sur Leger de Poyat et Naudonet de Nabinais (JJ. 89, fol. 179) ; dans cet acte rédige en latin, il est appelé Gerardradus ouGuardradus. Il était mort avant le 4 octobre 1376 (JJ. 110, fol. 70), d'après des lettres où son prénom est écrit Gérardre. Son frère Jean obtint, à cette même date, des lettres de rémission pour tout ce qu'il avait entrepris contre le roi de France, pendant qu'il était au service des Anglais, et la restitution de ses biens confisqués, notamment de Nuaillé, la Motte-Fresneau, Malval, les Forges, la Remondière, etc. (JJ. 109, n° 294, fol. 140, et J. 623, n° 81).