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DXXVIII

Confirmation des lettres de Du Guesclin, portant donation à Simon La Grappe, écuyer, huissier d'armes du roi, de tous les biens qui avaient appartenu à Robert de Grantonne, prêtre anglais, dans [p. 163] la châtellenie de Fontenay-le-Comte.

  • B AN JJ. 103, n° 341, fol. 167
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 162-166
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir veu lettres de nostre amé et feal connestable, contenant la fourme qui s'ensuit :

Bertram Du Guesclin, duc de Mouline, connestable de France, à tous presens et avenir, salut. Savoir faisons que, en remuneracion des bons et agreables services que nostre bien amé Symon La Grappe1, escuier, huissier d'armes [p. 164] du roy monseigneur, a fais au roy mon dit seigneur et à nous, en ces guerres, fait encores de jour en jour et esperons que face ou temps avenir, nous, de nostre certaine science, de grace especial et de l'auctorité et puissance royal à nous atribuée et dont nous usons, à ycellui comme à bien desservi, avons donné et octroié et par la teneur de ces presentes donnons et octroions à heritage perpetuel, pour lui et pour ses hoirs, et pour ceulx qui auront sa cause, toutes et chascunes les choses, tant meubles comme heritages, herbergemens, maisons, terres, vignes, prés, pastures, bois, haies, arbres chargens et non chargens, ayves, estans, garennes, cens, rentes, feages, hommages, justices, juridicions, seignories, comme quelconques autres choses, qui furent mons. Robert de Grantonne, prestre anglois, sises celles choses en nostre chastellenie de Fontenay le Conte, à avoir et tenir, poursoir et exploicter du dit Symon, de ses hoirs et de ceulx qui auront sa cause, pour en faire dores en avant toute sa plaine volenté, comme de son propre heritage ; les quelles choses estoient confisquées par ce que le dit mons. Robert de Grantonne a tenu et tient le parti du roy d'Angleterre et de ses adherens, ennemis du roy mon seigneur et de nous. Si donnons en mandement aux capitaines, seneschal, procureur et receveur pour nous en la dicte chastellerie, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que le dit Symon ou son procureur pour lui, il mettent en possession et saisine des dictes choses et chascune d'icelles royalment et de fait, et des rentes, drois, proffis et emolumens qui y appartiennent, le facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement et sans contredit, quar ainsi le voulons nous estre fait et au dit Symon le avons octroié et octroions de grace especial, se mestier est, non obstant quelconques dons, graces, ordonnances, mandemens ou deffenses, et lettres de nous empetrées ou à empetrer au contraire. Donné à Surgieres, soubz nostre seel en las de soye et cire [p. 165] vert, pour ce que ce soit ferme chose et estable à tous jours mais, le treziesme2 jour du mois de septembre l'an mil ccc. lxxii.

Les quelles lettres de nostre dit connestable dessus transcriptes et toutes les choses en ycelles contenues, jusques à la valeur de deux cens livrées de terre annuele à tournois, à l'assiete du dit païs, nous louons, approuvons et de nostre certaine science et grace especial confermons par ces presentes, et les terres et possessions, rentes et revenues dessus dictes, jusques à la valeur de deux cens livres de terre annuele dessus dictes, avecques les biens meubles dessus dis, sans pris et estimacion, avons, pour consideracion des dis services, au dit Simon donné et donnons de nouvel, de nostre grace especial, par ces presentes, se mestier est, à tenir, avoir et possider les dictes terres et possessions et revenues quelconques, jusques à la valeur de deux cens livres de terre annuele et à l'assiete dessus dictes, par le dit Simon, ses hoirs et successeurs et qui d'eulx auront cause perpetuelment, comme leur propre chose. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poitou et à tous les autres justiciers et officiers de nostre royaume, presens et avenir, si comme à eulx et à chascun d'eulx appartendra et pourra appartenir, en commettant, se mestier est, que le dit Symon ou son procureur pour lui mettent et facent mettre en possession et saisine des dictes terres, possessions et revenues, jusques à la valeur de deux cens livres de terre annuele et à l'assiete du païs, avecques les biens meubles du dit Robert dessus dis, et d'iceulx biens le dit Simon, ses hoirs et successeurs et [p. 166] aiens cause d'iceulx perpetuelment facent et seuffrent joir et user paisiblement, comme de leur propre chose, selon la forme et teneur des lettres de nostre dit connestable et ces presentes, sans leur faire sur ce ne souffrir estre fait aucun empeschement ou destorbier, non obstant quelconques autres dons par nous ou autres à faire des dictes terres, possessions et biens à quelconques autres personnes, ordonnances, mandemens ou deffenses à ce contraires. Et afin que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Donné en nostre chastel de Meleun, ou mois de novembre l'an de grace mil trois cens soixante et douze, et de nostre regne le ixe.

Par le roy. T. Hocie.


1 Simon La Grappe n'eut point que les terres situées dans la châtellenie de Fontenay-le-Comte, car, dans une contestation qu'il eut avec Renaud de Montléon, chevalier, au sujet précisément de la possession des biens provenant de Robert de Grantonne, il se dit « ad justum titulum existentem in possessione et saisina plurium locorum, domorum, terrarum, censuum et aliorum hereditagiorum que condam fuerant Roberti de Grandonne, presbyteri de Anglia, et ejus nepotis, apud Sanctum Maxencium et alibi in dicta senescallia Pictavensi. » A la suite d'une sentence du sénéchal de Poitou, condamnant les prétentions de Simon La Grappe, Jean de la Chaussée, sergent du duc de Berry, lui signifia d'avoir à se dessaisir de ses biens et d'en mettre Renaud en possession. Il en appela alors au Parlement. Arnaud de Corbie et Etienne de La Grange, présidents en cette cour, furent chargés d'examiner le bien ou le mal fondé de cet appel. Le procureur du duc de Berry prétendait que Simon avait laissé passer trois mois, c'est-à-dire les délais légaux pour interjeter appel, et que la sentence du sénéchal devait être exécutée. Le demandeur s'excusa sur le service du roi à la guerre qui l'avait empêché d'introduire son instance en temps voulu. La cour jugea, le 31 août 1375, que les lettres de relief d'appel produites par l'huissier d'armes du roi étaient bonnes et suffisantes, et que sa cause serait maintenue et examinée au Parlement. Puis, le 13 septembre suivant, les deux présidents ajournèrent à la prochaine session, aux jours du bailliage de Vermandois, bien que les parties ne fussent point de ce pays, Simon La Grappe, huissier d'armes du roi, damoiseau, demandeur, Renaud de Montléon, chevalier, défendeur, Eudes Fouboucher, procureur du comte de Poitou, et enfin Pierre Boschet, conseiller du roi, « qui in locis, domibus, terris, censibus et hereditagiis de quibus superius fit mentio, jus et racionem se habere pretendit » (X1a 24, fol. 100 v° et 288 v°). Nous ne savons comment cette affaire se termina. La dernière trace que nous en ayions trouvée est du 5 décembre 1376. Renaud de Montléon et Pierre Boschet, parce qu'ils étaient « cousins et grans amis, et pour leur amour continuer », convinrent que celui des deux qui obtiendrait arrêt à son profit, serait tenu de payer à l'autre cent francs d'or sur les biens litigieux. La cour autorisa cet accord, le 5 décembre 1376 (X1c 33).
2 Ce quantième semble devoir être rectifié. S'il est ici en toutes lettres, il pouvait fort bien être sur l'acte original en chiffres romains. Le copiste aura lu xiii, alors qu'il y avait xviii. Le siège de Benon auquel Du Guesclin prit part, dura trois jours, du dimanche 12 au mercredi 15 septembre. Immédiatement après, c'est-à-dire le lendemain, il vint assiéger la forteresse de Surgères, opération qui se prolongea jusqu'au 19 septembre, jour de la reddition de cette place. (Ernest Petit, Campagne de Philipe le Hardi (1372), p. 10.)