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CCCCLXXXIX

Lettres de rémission et sauvegarde octroyées à l'abbé et aux religieux de Saint-Léonard de Ferrières. Menacés d'être chassés et de voir leur abbaye rasée, ils avaient dû, cédant à la violence, prêter serment de fidélité au prince de Galles, se reconnaître ses sujets, bien qu'ils fussent du ressort de Loudun, et se retirer à Thouars.

  • B AN JJ. 100, n° 400, fol. 125
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 38-41
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'unble supplicacion de noz biens amez les povres religieux, abbé et convent de Saint-Lienart de Ferrieres1, contenant que comme ils fussent, [p. 39] soient et aient esté d'ancienneté, et de tel temps qu'il n'est memoire du contraire, en et du ressort de nostre chastel et chastelenie de Lodun en Tourainne, et pour ce que la dite abbaye et ses appartenances estoyent et est assise en plat païs, ès metes et marches d'Anjou, de Thourainne et de Poitou, depuis iiii. ans ou environ, pour les grans griés, dommages et empeschemens que le senescal de Poitou donnoit et faisoit donner chacun jour aus dis religieux, à leurs gens et officiers, et que de fait vouloit faire abatre et arraser la dite abbaye, pour ce qui disoit et maintenoit ycelle estre assise ou duchié de Guienne, et que les dis religieux ne lui vouloient donner obeissance, en maintenant par eulx et disant le contraire, et que il estoyent du ressort dessus dit ; pour quoy causans les merveilleus empeschemens du dit senescal, comme yceulz religieux ne peussent vivre en pais ne faire le divin service, il leur a convenu, comme contrains à ce oultre leur gré et contre leur volenté et raison, faire serment et obeissance au dit senescal, ou non et pour le prince de Galles, et que il soient alez demourer en la ville de Thouars, estant ou duchié de Guienne, distant de leur dite abbaye à troys lieues ou environ, et en ycelle ville prendre leur retrait et demourance, [p. 40] pour ce que plus ne povoient demourer en leur dicte abbaye, pour raison et occasion de la guerre lors meue ou dit duchié de Guyenne, jasoit ce que les dis suplians et leurs officiers en cuer et en volenté soyent et aient esté tousjours bons et loyalz françois, et n'orent onques ne aient autre propos et volenté, Neantmoins pour yceulz serement et obeissance par eulz fais et prestez en ce temps au dit senescal, ou nom et en la maniere que dit est, les dis supplians et leurs officiers se doublent avoir encouru nostre indignacion ou autrement avoir fait offence contre nostre royal majesté, et pour ce nous ont fait humblement supplier que, consideré les grans griefs, la contrainte et notables empeschemens dessus dis, nous leur vousissons estendre sur ce nostre grace et misericorde. Nous adecertes, ces choses considerées, meuz de pitié et de compacion, aux diz religieus et leurs officiers, et chascun d'iceulz, le fait dessus dit et tout ce qui en peut et porroit dependre, avec toute poine et offense corporelle, criminelle et civile, en quoy euls et chascun d'euls auraient et porroient avoir encouru envers nous, comment et par quelque maniere que ce soit, pour raison et occasion des choses dessus dites, avons quittié, remis et pardonné, quittons, remettons et pardonnons, de nostre certainne science, grace especial, plaine puissance et auctorité royal par ces presentes, et les restituons à leur dite eglise, au païs, à leur bonne renommée et biens quelconques. Et en ampliant nostre dite grace et pour greigneur seurté, nous les diz religieus, leur dite abbaie et membres d'icelle, et leurs officiers avons prins et mis, prenons, mettons et recevons par ces mesmes presentes en nostre protection et sauve garde especial, avecques toutes leurs possessions et biens quelconques, La quelle nostre sauve garde nous voulons, à la requeste d'iceuls religieus, pour la seurté et defense d'iceuls et à la conservacion de leurs diz biens, estre publiée et notifiée par tout où il appartendra. Si donnons en mandement au [p. 41] senescal d'Anjou et de Touraine et à tous noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, à leurs lieux tenans et à chascun d'iceulz, que les diz religieux et leurs officiers, et chascun d'euls, facent, sueffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement de nostre presente grace, remission et octroy, sanz les molester ou empescher ne aucuns d'iceulz souffrir estre molesté ou empeschez pour raison des choses dessus dites ou d'aucunes d'icelles, ores ne ou temps avenir ; et se aucuns des biens de la dite eglise et de leurs officiers, ou de l'un d'eulz, estoient pour ce prins, saisis, arrestez, donnez, distraiz ou alienez, ou leurs corps et d'iceuls leurs officiers, ou de l'un d'eulz, pour ce emprisonnez ou empeschez, nous voulons et mandons yceuls estre mis sanz aucun delay à plainne delivrance. Et pour ce que ce soit ferme, etc. Sauf, etc. Donné au Bois de Vincennes, l'an de grace mil ccc. lxix. et de nostre regne le vie, ou mois de janvier.

Par le roy en ses requestes. P. de Montyon. — Visa. Fileul.


1 Les renseignements sur l'histoire del'abbaye de Saint-Léonard de Ferrières sont très rares. Le Gallia christiana lui consacre une notice de quatre lignes et donne une liste de ses abbés, qui ne comporte guère qu'une colonne, il n'y en a pas un seul de mentionné pour le xive siècle (t. II, col. 1296). Aussi ne nous saura-t-on pas mauvais gré d'indiquer ici deux documents qui l'intéressent, bien qu'ils ne se rapportent pas à la période qui nous occupe actuement. En 1333, les religieux et le procureur du roi joint avec eux poursuivaient Jean de Mage, Guillaume Bouyer, Jean de Champagne, Guillaume Couteau, Hilaire Richardeau et autres complices qui, en troupe et armés, avaient fait irruption dans la maison de Philippe Raoulin, frère donné de ladite abbaye, y avaient tout brisé ou emporté, emmenant ledit Raoulin de prison en prison, malgré la sauvegarde royale qui protégeait l'abbaye et tous ses membres. (Mandement au bailli de Touraine de se saisir des coupables et d'instruire leur procès, 28 juin 1333, X2a 3, fol. 177 v°.) On retrouve encore la mention de l'abbaye de Ferrières, douze ans plus tard, dans les registres de la cour, à propos de deux causes d'appel qu'elle soutenait contre Louis, vicomte de Thouars, et sur lesquelles il n'est fourni aucun détail. Le 11 juin 1343, le Parlement avait autorisé les parties à faire un accord sans amende (X1a 9, fol. 389), et comme il n'y fut pas procédé alors, la permission leur fut renouvelée le 5 avril 1345, à condition que l'affaire fût réglée aux jours du Poitou de la prochaine session (X1a 10, fol. 185 v°).
M. Alfred Richard a tout récemment publié le plus ancien document authentique, daté de 1256, qui ait survécu du chartier de l'abbaye de Ferrières, et rectifié les erreurs grossières propagées par le prétendu Jean de la Haye, dans ses Mémoires et recherches de France et de la Gaulle Acquitanique, touchant la fondation et les origines de cet établissement. (Note sur quatre abbés poitevins du nom de Billy, dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 3e trimestre de 1886.).