[p. 57]

CCCCXCV

Lettres inachevées portant donation des châtellenies de Montmorillon, de Jassay, de maisons à Poitiers, des terres de Latillé et de Bellefoye. etc., confiquées sur deux chevaliers anglais, Adam Chel et Gautier Spridlington.

  • B AN JJ. 100, n° 809 bis, fol. 242
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 57-60
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que comme Edouart d'Angleterre et Edouart de Galez, son [p. 58] ainsnez filz, nous aient commencié et fait guerre ouverte et à nos subgés, et facent encores chascun jour, et Adegorissoir, autrement apellé Adan Cheel, et la dame de Mortemer1, à présent sa femme, et Gautier Spelliton, angloys d'Angleterre, pour eulz, en tenant, raençonnant, pillant et robant noz subgés, boutant feulx et faisant tous autres maulz que l'en puet faire pour guerre, et se soyent renduz noz rebellez et ennemis, par quoy tous [leurs] biens meublez [p. 59] et non meublez, en quelconques lieux que soyent assiz en nostre royaume, nous sont confisqués et venuz en commis ; les quelz Adan Cheel et sa femme eussent et tenissent ou temps de la dicte guerre commenciée, ou païs de Poitou et de Xantonge certaines forteresses, maisons, terres et revenuez ; item la chatellenie de Montmorillon avecques ses appartenances, que souloit tenir nostre très chier et amé oncle le duc dOrliens2, la quelle chastellenie a donnée le dit Edouard de Galez au dit Adan Cheel ; item la chastelenie de Jassail le Cotal avec ses appartenances, la quelle fu au seigneur de l'Ille-Bouchard3 ; les quellez choses dessus dictes puent bien valoir par an mil livres tornois de terre ou rente, ou environ ; et le dit Gautier Spelliton et sa femme eussent et tenissent ou dit païs de Poytou et de Xanctonge certeins hostelz ou maisons, assiz en la ville de Poitiers et illuecques environ, avecques leurs appendances ; item la terre de Latillé, seant en la chastellenie de Monsterueil Bonin, la quelle fu jadis de Philippe de Paille4, chevalier, avec ses appartenances ; item un hostel apellé la Courgée avec ses appartenances, assis en la chastellenie de Mirebeau, qui fu jadis à Adam de la Courgée5 ; [p. 60] item la terre de Bellefoye6, avec ses appartenances, qui fu jadis à Thiebaut de Mabau7, et toutes les autres choses que yceulz Gautier et sa femme ont et puent avoir ou dit pays de Poitou et de Xantonge, jusques à la valeur de mil livres tournois de terre ou rente par an, qui sont en somme toutez les choses dessus dictes iii. mille livres de terre ou rente par an, ou environ, si comme l'en dist, annuelle et perpetuelle, qui nous sont acquises et confisquées, comme dit est. Nous, pour consideracion des bons, loyaulz et agreablez services que nostre amé et feal chevalier nous a faiz ou temps passé, fait de jour en jour en nos presentes guerrez et esperons que encores nous doye mielx faire ou temps avenir, à ycelui nostre chevalier avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces presentes.....8.


1 La femme d'Adam Chel, seigneur d'Agorisses ou d'Agorissart (ci-dessus, p. 42, note 1), était Radegonde Béchet, fille d'Aimery Béchet, chevalier, seigneur des Landes. Antérieurement elle avait eu déjà deux maris, nous ne savons dans quel ordre : Arnaud d'Ambleville et Guy Sénéchal, seigneur de Mortemer. Ce dernier avait été sénéchal de Rouergue, titre qu'il prend dans une quittance de gages pour services de guerres en Limousin et en Angoumois, datée du 11 avril 1348. Sur son sceau on distingue un écu au chef portant deux pals de vair, penché, timbré d'un heaume. (Demay, Invent des sceaux de la coll. Clairambault, t. I, p. 688.) Il vivait encore le 9 février 1353 (voy. notre second volume, p. 247, note 1). Quand il mourut, ne laissant qu'une fille, la terre de Mortemer demeura à sa veuve. Lors du contrat de mariage de Radegonde Béchet avec Arnaud d'Ambleville, son père et Gaspard Béchet, son frère, lui avaient promis pour sa dot 1000 livres tournois une fois payées et une rente annuelle de 100 livrées de terre à l'assiette de Poitou. Gaspard avait assigné pour cette rente les terres de Bouhet et de Sainte-Soule en Aunis, qui avaient été livrées à ladite dame. Elle prit donc, du consentement de son frère, possession desdites terres, en toucha les revenus sans contestation, et cela pendant un temps suffisant pour que la propriété lui demeurât acquise. Mais après la mort de Gaspard Béchet, sa veuve Françoise, dame des Landes, et des gens soudoyés par elles envahirent de force et à main armée le domaine de Bouhet et l'occupèrent. Procès s'en suivit devant le bailli des exemptions de Poitou et de Touraine, et par arrêt de celui-ci, Radegonde fut maintenue en possession de cette terre. Mais Françoise des Landes en ayant appelé au Parlement, son adversaire, on ne sait pourquoi, fit défaut, si bien qu'elle perdit le bénéfice de la première sentence et fut condamnée aux dépens, par arrêt de la cour du 31 août 1378 (X1a 27, fol. 193 v°). Les renseignements qui précèdent ont été puisés dans ce document. Radegonde Béchet, veuve d'Arnaud d'Ambleville, et de Guy Sénéchal, se retira en Angleterre avec son troisième mari, Adam Chel, seigneur d'Agorisses, après la capitulation de Gençay. Elle revint en Poitou, sans doute, après la mort de celui-ci, en 1398 ; mais elle retourna bientôt après vivre soit en Guyenne, soit en Angleterre. Sa fille du premier ou du second lit ne l'avait point accompagnée, mais était restée dans son pays, où on la retrouve en 1390, qualifiée dame de Mortemer et mariée à Etienne d'Avantois, chevalier. (Voy. ci-dessous les actes du 22 février 1375 et du 7 avril 1376) Radegonde Béchet vivait encore le 14 juillet 1407. (Carte, Catalogue des rôles gascons, in-fol., t. I, p. 191.)
2 Ainsi la châtellenie de Montmorillon aurait fait partie, avec Civray, Melle et Chizé, du domaine de Philippe, duc d'Orléans, comte de Valois et de Beaumont, oncle de Charles V, ce qui expliquerait pourquoi cette ville ne figure pas dans le procès-verbal de délivrance du Poitou à Jean Chandos. (Voy. notre t. III, Introduction, p. xlviii.)
3 Bouchard VIII de l'Isle-Bouchard, chevalier, fils de Barthélemy IV et de Jeanne de Sainte-Maure, fit le voyage de Terre-Sainte en 1362, d'après la généalogie donnée par M. Carré de Busserolle (Dict. géographique d'Indre-et-Loire, t. III p. 370). Il avait épousé Agathe de Bauçay, dont il eut deux fils, Jean et Bouchard, et une fille, Jeanne, femme de Pierre d'Avoir (1360). Il a été question des démêlés du seigneur de l'Ile-Bouchard avec le comte de Sancerre, dans le précédent volume, p. 347, 348, note 3.
4 Le nom de Philippe du Paile, de Latillé, se rencontre fréquemment dans notre second volume (voy. notamment, p. 120 note, 138, 163. 189).
5 Un passage des lettres du 23 novembre ci-dessus (p. 5) en faveur de Jean Andrieu donne à supposer que celui-ci avait épousé la fille d'Adam de la Courgée. Il est difficile de savoir où était situé l'hôtel de la Courgée. M. de Fouchier ne cite qu'une Marie de la Corgée, qui possédait un hébergement à Pierrefitte, lieu détruit, de la paroisse de Douçay, mais au commencement du xvie siècle seulement (Le baronnie de Mirebeau, p. 185). Cf. Courgé, commune de Saint-Sauvant (Vienne).
6 Cette terre de Bellefoye, aujourd'hui village de la commune de Neuville (Vienne), était litigieuse en 1378 entre Jean Gouffier, écuyer, d'une part, et Geoffroy Kaerrimel et Geoffroy Budes d'autre part. Ces deux chevaliers, compagnons de Du Guesclin, sont nommés ci-dessous, à la date de janvier 1373, dans une confirmation royale d'une donation faite par le connétable à son écuyer. Ils prétendaient tenir cette terre par don du roi (X1a 27, fol. 63 ; X1a 28, fol. 137). On ne peut guère admettre qu'ils fussent les donataires anonymes du présent acte, et que le roi leur fit cadeau de trois mille livres de rente en terres ; il est plus naturel de supposer qu'il s'agit d'une donation spéciale de la terre de Bellefoye seule, qui eut lieu ultérieurement.
7 Sic. La leçon Mavau, Mavault serait sans doute préférable. On a vu précédemment qu'il y avait à cette époque une famille de ce nom en Poitou, dont un membre Pierre de Mavault figure dans notre second volume, p. 360 et s.
8 Il est vraisemblable que ces lettres ne furent jamais expédiées et qu'il s'agit d'un simple projet ; le clerc de la chancellerie en ayant commencé la transcription par mégarde, l'interrompit lorsqu'il s'aperçut que le nom du donataire était resté en blanc. Quoi qu'il en soit cette pièce renferme des renseignements intéressants, et sa publication n'est pas inutile. Je lui ai attribué la date d'avril 1370, à cause de la place qu'elle occupe entre des lettres de cette époque.