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DXVIII

Amortissement d’une rente annuelle de quarante livrées de terre destinée à la dotation d’une chapelle que Marguerite de Flandres, vicomtesse de Châteaudun, projetait de fonder dans l’église Notre-Dame de Moncontour.

  • B AN JJ. 110, n° 89, fol. 52
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 132-134
D'après a.

Karolus, Dei gracia Francorum rex. Deo et ecclesie devotorum nostrorum fidelium proposita, presertim que divini cultus nominis concernunt augmentum, prosequi laudabile reputantes, eis libenter annuimus ut per hoc optato potiantur affectu. Notum itaque facimus universis, presentibus et futuris, quod, ad supplicacionem dilecte et fidelis nostre Margarite de Flandria1, vicecomitisse Castriduni, [p. 133] desiderantis unam capellam seu capellaniam fundare in ecclesia Beate Marie de Moncontour2 vel alibi, ad sue et suorum predecessorum et successorum animarum remedium et salutem, et ad ipsius dotacionem et fundacionem, vel ad alios pios usus, quadraginta libratas terre [p. 134] seu annui et perpetui redditus ad turonenses donare et assignare, per capellanum instituendum ibidem, vel alios quibus assignate fuerint, perpetuo possidendas ; nos volumus et dicte Margarite concessimus de nostris speciali gracia, auctoritate regia et certa sciencia, et concedimus per presentes ut dictas quadraginta libratas terre seu annui et perpetui redditus ad turonenses acquisitas, vel acquirendas per ipsam Margaritam, eciam in feudo et justicia, quas pro fundacione et dotacione dicte capelle seu capellanie, vel aliàs, ad augmentum laudis divini nominis, duxerit assignandas, capellani ibi instituendi vel alii quibus ad opus hujusmodi assignate fuerint, ad nutum dicte Margarite et eorum successorum, tenere et possidere possint et valeant pacifice, perpetuo et quiete, absque eo quod ipsas vel partem quamlibet earumdem vendere seu alienare, vel aliàs extra manus suas ponere, vel nobis aut successoribus nostris financiam propter hoc solvere quomodolibet cogi possint ; nos etenim financiam nobis indè debitam, cujuscunque summe vel valoris, eidem Margarite donavimus et remisimus, de nostris gracia et sciencia supradictis. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, sigillum nostrum presentibus litteris duximus apponendum. Salvo in aliis jure nostro et in omnibus quolibet alieno. Datum Parisius, mense augusti anno Domini m. ccc. lxxii. et regni nostri nono.

Per regem. Yvo.


1 Marguerite, fille puînée de Jean de Flandres, seigneur de Crèvecœur, châtelain de Cambray, et de Béatrix de Châtillon, avait épousé Guillaume 1er surnommé le Grand, seigneur de la Ferté-Bernard, de Sainte-Maure, vicomte de Châteaudun, fils d'Amaury III de Craon. Il était seigneur de Moncontour du chef de sa mère, Isabeau de Sainte-Maure, et avait assigné, dès le 4 mai 1341, 1500 livres de douaire à Marguerite de Flandres, son épouse, sur la vicomté de Châteaudun (acquise du comte et de la comtesse d’Auvergne par Amaury de Craon, son père) et sur ses terres de Moncontour et de Marnes, ce qui fut confirmé par le roi au mois d’août suivant. Guillaume de Craon vivait encore en 1382 et eut de sa femme quatre fils et deux filles. (Le P. Anselme, Hist. généal., t VIII, p. 570 ; voy. aussi t. II, p. 744, et t. V, p. 7 ; E. de Fouchier, Moncontour et ses seigneurs, Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, année 1880, p. 450 et s.)
2 A la date de ces lettres d’amortissement, il n’y avait guère qu’un mois que Moncontour avait été replacée sous l’obéissance du roi de France. Les Anglais l’avaient occupée plus d’une année. Au commencement de septembre 1371, la place était défendue par une petite garnison française commandée par Jourdain de Cologne. Froissart ajoute Pierre de la Grésille ; mais nous trouvons ce dernier parmi les chevaliers de l’armée de secours. Thomas de Percy, à la tête de 3000 hommes d’armes et accompagné des principaux barons poitevins, vint l’assiéger et s’empara du château après six jours de résistance, dix jours, suivant d’autres ; la garnison, sauf son chef, fut massacrée et remplacée par 500 Anglais sous le commandement de Jean Cressewell et de David Hollegrave. (Froissart, édit. Kervyn de Lettenhove, t. VIII, p. 86-90.) A la nouvelle de l’attaque de Thomas Percy, Louis de Sancerre, maréchal de France, qui défendait la Touraine, et Olivier de Clisson, lieutenant du roi ès Basses-Marches, reçurent l’ordre de concentrer à Tours une armée capable de débloquer la ville et d’en faire lever le siège. Des forces importantes furent mises sur pied du 1er au 6 septembre, et les Français eurent bientôt réuni une armée aussi nombreuse que celle des assiégeants. Cependant, malgré la rapidité des opérations, elle ne fut prête à agir qu’après la prise de Moncontour (voy. Delaville Le Roulx, Comptes municipaux de la ville de Tours, t. II, p. 340-341 ; Delisle, Mandements de Charles V, in-4°, nos 813, 814 ; Catalogue Joursanvault, Techener, 1838, in-8°, t. II, p. 281). L’année suivante, après avoir repris Chauvigny, Lussac et Montmorillon, Du Guesclin et Clisson vinrent attaquer Moncontour, et après quatre jours de préparatifs de siège et deux jours de combat, les Anglais capitulèrent et sortirent de la place, abandonnant au vainqueur leurs armes et tout ce qu’ils possédaient. (Froissart, ibid., VIII, p. 148-154 ; Cabaret d’Orville, Chronique du bon duc Loys de Bourbon, édit. Chazaud, p. 88-89). Cet heureux événement se produisit, selon toute apparence, dans la première quinzaine de juillet 1372 ; il est antérieur de plusieurs jours au siège de Sainte-Sévère, dont la prise eut lieu à la fin de ce mois.