[p. 18]

MCXLI

Lettres de rémission en faveur de Jean Moynaut. Etant archer en la compagnie du vicomte de Thouars, qui se rendait au siège de Pontoise, il avait été chargé avec un autre homme d’armes d’aller préparer les logis à la Grimaudière. Les gens de cette place n’ayant voulu recevoir les deux fourriers et les ayant assaillis en armes, Moynaut, obligé de se défendre, en avait tué un.

  • B AN JJ. 178, n° 188, fol. 110
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 18-22
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue [p. 19] l’umble supplicacion de Jehan Moynaut, natif de nostre pays de Poictou, contenant que, depuis le temps de sa jeunesse, il nous a servi au fait de noz guerres à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Anglois, et a suivy plusieurs compaignies et capitaines de gens d’armes et de trait, avesques lesquelz il a esté present à faire plusieurs belles rencontres sur lesdiz Anglois ; et que pour nous servir au siège de Pontoise, que nous meismes et tenismes en personne contre nos diz ennemis qui occuppoient nostre dicte ville, le dit suppliant se mist en la compaignie de nostre chier et feal cousin le viconte de Thouars1, lequel, en obeissant aux commandemens qui de par nous furent faiz publicquement que tous nobles et autres qui avoient acoustumé d’eulx armer et suivir (sic) les guerres, se missent sus et nous venissent servir audit siège contre nos diz ennemis, assembla plusieurs nobles et gens d’armes et de trait, tant ses subgiez que autres, [parmi] lesquelz et en la compaignie de nostre dit cousin le dit suppliant se mist et habilla en estat d’archier. Après laquelle assemblée faicte par nostre dit cousin, il delibera avec les archiers, escuiers et autres gens de guerre de sa compaignie de faire son chemin et venir par devers nous pour nous servir oudit siège, et qu’il vendroit et sa compaignie logier au lieu d’Oyreveau en nostre dit païs de Poictou ; et eulx estans audit logeis d’Oyreveau, conclurent que d’ilec ilz yroient logier au lieu de la Grimaudière près de Mirebeau, en faisant leur dit chemin ; ouquel lieu de la Grimaudière a place forte2. [p. 20] Et se parti nostre dit cousin et sa dicte compaignie pour aler audit lieu, et pour y faire le logeis envoierent ledit suppliant et ung homme d’armes avec lui. Lesquelz y alerent, et quant ilz furent audit lieu, pour cuidier faire le logeis, les gens de la dicte place saillirent hors d’icelle, pour cuidier empeschier qu’ilz ne feissent ledit logeis et que les dictes gens d’armes n’y logeassent, combien que à prendre le dit logeis ilz ne feussent que deux, c’est assavoir ledit suppliant et ung autre, et que ilz dissent plusieurs foiz et asseurassent les gens de la dicte place qu’ilz n’avoient garde et que on ne leur feroit aucun desplaisir, et que la compaignie ne demandoit que logier pour celle nuyt tant seulement, en passant pays et venant par devers nous ; ce non obstant, ceulx de la dicte place ne furent pas contens et saillirent à puissance, armez et embastonnez pour courir sus ausdiz suppliant et homme d’armes, et blecerent ledit suppliant et son cheval, et aussi blecerent son compaignon qui estoit avec lui, et lui passerent une lance à travers les joes. Lequel suppliant, voyant son dit compaignon et lui estre bleciez et que on chargoit fort sur ledit suppliant, pour le cuidier tuer, il se mist à chemin pour cuidier trouver manière de retirer son compaignon, mais il ne le peut faire ; et survint sur eulx un nommé Jehan Segaut, embastonné et acompaigné de plusieurs autres de la dicte forteresse, lesquelz saillirent à puissance sur eulx, et se combatirent d’une part et d’autre, les ungs contre les autres, et telement que, durant la dicte meslée, ledit suppliant bleça ledit Segaut d’une [p. 21] espée sur la teste, duquel coup ledit Segaut, par default de gouvernement ou autrement, dedans quinze jours ou environ après ledit coup, ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, le dit suppliant doubte que noz officiers voulsissent contre lui tendre à prinse ou emprisonnement de sa personne, et ou temps avenir proceder rigoureusement à pugnicion corporelle, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu qu’il est homme de bon fame, renommée et honneste conversacion, non actaint ou convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, que ledit Segaut et ceulx de la dicte place furent agresseurs et saillirent de la dicte forteresse sur lui et son compaignon, et blecerent icellui suppliant et son cheval, combien qu’ilz ne demandassent riens à ceulx de la dicte forteresse que logier celle nuyt, et les asseuroient ledit suppliant et son compaignon qu’ilz n’auroient aucun desplaisir, et que la dicte bleceure dudit Segaut3 fut faicte par ledit suppliant de chaude cole et non pas d’aguet apensé, et n’avoit ledit suppliant paravant contre lui aucune hayne ou malvueillance, et quant il se vit ainsi blecié, son cheval et son compaignon, et que ceulx d’icelle place saillirent pour les cuidier tuer, ledit suppliant fut esmeu et de chaude cole frappa ledit Segaut, et pour lors ne savoit bonnement s’il avoit frappé ledit Segaut ou non, pour ce qu’il estoit lors tout esmeu et eschauffé, il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, etc., audit suppliant oudit cas avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux bailliz de Touraine, des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois [p. 22] de juillet l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil, P. Le Picart. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Un texte précédent (voy. notre t. VIII, p. 153, 293) rappelait déjà la participation de Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, aux opérations du siège de Pontoise (juin-septembre 1441).

2 M.E. de Fouchier ne mentionne point de forteresse à la Grimaudière, mais il énumère sept fiefs assez importants situés dans cette paroisse : 1° un hébergement à la Grimaudière même appartenait, vers 1440, à Payen Morin, qui se qualifiait seigneur de la Grimaudière ; 2° un autre hébergement en cette localité, dont était seigneur, en 1438, Jacques Peignerre ; 3° les Fontaines de la Grimaudière étaient en possession, l’an 1437, de Jean de Montléon, écuyer, à cause de Perrette de Ry, sa femme ; 4° le fief Jourdain, appartenant alors aux Catus (voy. notre tome VII, p. 222, note) ; 5° Jean du Fouilloux, écuyer, était seigneur, en 1437, d’un troisième hébergement à la Grimaudière, appelé Lorgères ou la Vergère ; 6° Le Grand Surin, tour au nord du bourg, appartenait à Jean Cornu en 1452 ; 7° la Tour-Ringuet, possédée, en 1444, par Christophe Petit, écuyer. (La baronnie de Mirebeau du XIe au XVIIe siècle, p. 188 et suiv.) Un seul de ces fiefs sans doute avait un château-fort.

3 Le texte porte par erreur « dudit suppliant » au lieu « dudit Segaut », que le sens exige.