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MCLXX

Rémission pour Aimery Grosdenier qui, en se défendant, avait frappé Aimery Arnault d’un coup de fourche, dont il mourut au bout de huit jours.

  • B AN JJ. 179, n° 203, fol. 115
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 102-103
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Aymery Grosdenier, simples homs de labour, contenant que, le xxviiie jour du mois de novembre derrenier passé, ung appellé Aymery Arnault se adreça au varlet dudit suppliant, nommé Mathelin Marchays, qui venoit des champs ou des prez de admener les beufz dudit suppliant de pasturer, et dist audit varlet dudit suppliant teles parolles ou semblables en substance : « As tu admené tes beufz ? » Et ledit Mathelin lui respondi que oy, et ledit Aymery Arnault lui va dire teles paroles : « Et n’as tu pas admené les miens ? » Et ledit varlet respondi que non et qu’il ne les avoit veuz du jour. Et ledit Aymery Arnault lui dist teles parolles : « Se tu les eusses admenez, tu eusses esté bien batu. » Et ledit suppliant qui avoit ouy les parolles oultrageuses et sans raison que ledit Aymery Arnault avoit dictes à son dit varlet et courroucié dont il avoit ainsi parlé à lui, respondy audit Aymery Arnault teles parolles ou semblables en substance : « Il eust esté batu ! Vostre fievre quartaine ! » Et ledit Aymery Arnault respondy : « Voire, qui te puisse sangler ! » — « Mais toy », respondy ledit suppliant. « Mais toy ! » dist ledit Arnault. Et en disant les dictes parolles, icellui Arnault print une pierre et ung baston en sa main, et vint [p. 103] audit suppliant qui estoit en son estable, et donnoit à mengier à ses beufz, et le voult frapper ; et adonc ledit suppliant print en sa main une fourche de bois et vint au devant dudit Arnault et lui dist qu’il ne le frappast point. Et ledit Arnault en jurant le sang de Nostre Seigneur, dist que si feroit, et de fait s’efforça de le frapper. Et quant ledit suppliant congneut qu’il estoit force qu’il feust batu ou qu’il se deffendist, frappa et donna audit Arnault du bout des fourcherons de la dicte fourche qu’il tenoit sur les dens soubz le nefz, tant qu’il chey à terre. Et lors la mère dudit Arnault qui estoit presente se mist entre lesdiz suppliant et Arnault et les deppartit, sans que ledit suppliant le frappast plus, et en emmena ladicte mère ledit Arnault, son filz, en sa maison. Et depuis ce, ledit Arnault a esté malade en sa dicte maison et, comme sept ou huit jours après, est, à cause dudit coup ou autrement par son mauvais gouvernement, alé de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit plus converser ne repairer, se nos grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit. Et pour ce nous a humblement supplié et requis que, les choses dessus dictes considerées et que, etc., il a satisfait à partie et que le dit cas est advenu de chaude colle, sans aucun guet apensé ou propoz deliberé, et comme en reppellant force par force, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, etc., audit Aymery Grosdenier, ou cas dessus dit, etc., avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à noz seneschal de Poictou et bailly de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc.xlviii, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Ja. Audé. — Visa. Contentor. E. Froment.