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MCXCVI

Rémission en faveur de Jean de Montvent, coupable du meurtre de Colas Peyreta, fermier, révoqué à cause de ses exactions, des fermes royales de la Roche-sur-Yon, Montaigu, les Essarts, etc., qui avait trouvé moyen de le faire excommunier sans motif par l’évêque de Luçon.

  • B AN JJ. 186, n° 43, fol. 25 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 196-199
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan de Montvent, contenant que ung nommé Colas Peyreta, natif de Dampierre sur la Roche sur Oyon, pour la detestable et enorme vie dont il vivoit et avoit acoustumé vivre, et aussi pour les grans excès et torts qu’il faisoit au povre peuple indeuement en exhigeant les deniers d’aucunes de noz fermes, dont il estoit fermier, fu par les seigneurs tant dudit lieu de la Roche, Montagu, les Essars que autres païs voisins dechassié d’icelles terres et seigneuries, et mesmement par aucuns noz officiers estans oudit païs lui [fut] interdit et deffendu, sur certaines grosses peines à nous à applicquer, de plus tenir nos dictes fermes èsdiz païs. Après lesquelles choses ainsi faictes, ledit Peyreta en perseverant tousjours en sa mauvaise voulenté, trouva autre manière de vexer nostre dit peuple et faigny estre clerc, et soubz umbre de ce prenoit des divisions et debatz avecques ung chascun, afin de les faire convenir par la court de l’eglise, et entre les autres, pour faire travail et dommaige audit suppliant, trouva manière de le faire excommunier par [p. 197] l’evesque de Lusson1, disant et maintenant icellui Montvent avoir autresfoiz mis la main en luy, en lui ostant une jeune femme mariée ; pour laquelle chose se meu entre iceulz Peyreta et Montvent, suppliant, très grant debat, tellement qu’ilz se deffièrent l’un l’autre. Pour laquelle deffiance, icellui Peyreta pourtoit continuelment à sa saincture une dague et une espée en sa main à l’encontre dudit Montvent, suppliant, en se vantant ledit Peyreta en plusieurs lieux et par diverses foiz que, s’il trouvoit ledit Montvent à son avantaige, il le turoit. A quoy, pour resister à la mauvaise voulenté dudit Peyreta, icellui Montvent, suppliant, se print à porter une gisarme pour soy deffendre, se ledit Peyreta l’assailloit. Et avint que, jeudi xixe jour du moys de……2, icellui Peyreta et Montvent se rencontrèrent, aussi comme environ soleil couchant, en la ville de Marueil, devant la maison dudit Peyreta, où ilz eurent ensemble grosses parolles et injurieuses, tellement que icellui Peyreta tira sa daigne, en soy efforçant de vouloir frapper ledit Jehan de Montvent. Et ce voyant, icellui de Montvent se contregarda du coup que lui vouloit bailler ledit Peyreta et donna audit Peyreta ung coup de sa dicte gisarme sur une de ses jambes par derrière ; et incontinent icellui Peyreta s’en fouy et entra en la maison de Colas Boutin3, [p. 198] joignant à celle dudit Peyreta ; et en entrant en laquelle, tousjours injurioit icellui Jehan de Montvent, suppliant, pour laquelle cause, icellui Montvent le frappa ung autre coup du bout de sa gisarme, dont il le navra, et entra après en la maison dudit Colas, poursuivant icellui Peyreta pour les causes (sic), grans et excessives injures qu’il lui disoit ; lequel Peyreta s’en fouy droit à la rivière du petit Maruillet jusques au coing du vergier d’un nommé Pierre Ouvrart, peletier, ouquel vergier estoit ung appellé Jehan de Sepeau, qui veoit comment ledit Peyreta s’en fuioit et aussi comment ledit Montvent le poursuivoit. Et lors ledit de Sepeaux commança à appeller ledit Peyreta, et lui dist qu’il entrast oudit vergier, et qu’il lui aideroit à soy sauver. Lequel Peyreta entra oudit vergier, tenant sa dague en sa main, de laquelle il voulu frapper ledit de Sepeaulx, et lors icellui de Sepeaulx print son espée et lui haussa sa dague pour obvier au coup du dit Peyreta, mais toutesvoies icellui Perretta (sic) lui bailla de ladicte dague ou front et le blessa jusques au sang. Et pour ce que ledit de Sepeaux vit que ledit Peyretta ne se vouloit desister de tousjours le vouloir frapper et lui courre sus, lui bailla deux ou trois coups de sa dicte espée parmy les jambes et ung autre cop par le costé. Et adonc eut illec ung grant cry, auquel cry vint Henry Saffaut et aussi ledit de Montvent, et adonc qu’ilz furent ensemble, se prindrent tous troys à frapper sur icellui Pereta, et ce veant, ledit Peyreta s’en fouy à la rivière qui près d’illec estoit. Et tantost lesdiz suppliant, Jehan de Sepeaulx et Saffaut s’en alèrent et laissèrent la ledit Peyreta, lequel se tira de la dicte rivière au mieulx qu’il peut, et [p. 199] delà en fu enporté par aucuns des voisins en une civière jusques à l’ostel dudit Pierre Ouvrart, ouquel hostel peu après, à cause desdiz coups par defaulte de gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement icellui Peyreta. A l’occasion du quel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté dudit lieu et n’y oseroit jamaiz converser ne repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que ledit Peyreta a tousjours esté tenu et repputé de mauvaise et dissolue vie par tous ceulx qui de lui avoient congnoissance, et que de lui mesmes trouva le moyen d’avoir noise et faire desplaisir audit Montvent [et l’eust tué, s’il4] ne se feust deffendu et ne lui eust resistée, comme il est vraysemblable, et que en tous autres cas ledit suppliant, etc., nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde prefferer à rigueur de justice, audit suppliant, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Montbason, ou moys de decembre l’an de grace mil iiiic l, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signées : Par le roy, maistre Loys de Harecourt5 et autres presens. De La Loère. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Nicolas Cœur, frère du célèbre argentier de Charles VII, d’abord chanoine de la Sainte-Chapelle de Bourges, fut élu évêque de Luçon en remplacement de Jean Fleury (cf. l’introduction de notre t. VIII, p. xxxvi), décédé le 17 octobre 1441. Le catalogue des évêques de Luçon, cités par la Gallia christiana (t. II, col. 1410), dit qu’il mourut lui-même le 1er octobre 1451, après un pontificat de dix ans et seize jours. Il fut inhumé dans la cathédrale de Bourges. Nicolas Cœur, auquel s’était adjoint le procureur général, exerça des poursuites au criminel contre. Simon Pison, prieur de Longeville, Jean Pison, écuyer, son frère, Jean de Saint-Chartre, etc., pour port d’armes, rebellions et autres graves excès dont ils s’étaient rendus coupables, pour se venger de la perte d’un procès jugé au profit de l’évêque de Luçon, contre le prieur de Longeville et Jean Pelaut, chantre de l’église de Poitiers. (Mandements des 6 juillet et 20 août 1450, Arch. nat., X2a 26, fol. 66 v° et 81.)

2 Le nom du mois est resté en blanc.

3 Ce nom est commun à plusieurs familles poitevines. Aux personnages mentionnés dans la nouvelle édition du Dictionnaire de MM. Beauchet-Filleau, nous pouvons ajouter Pierre Boutin qui, le 24 mars 1449, rendit aveu au connétable de Richemont, seigneur de Parthenay, pour une terre herbergée appelée le Robin en la paroisse de Vernou-en-Gâtine, appartenant à sa femme, Michelle de la Voyrie. Il devait aussi l’hommage au même seigneur, pour des terres sises à la Touche-Machon, paroisse de Secondigny, pour la terre dite la Billotière près du Chillou, et pour une dîmerie sur le tènement de Bellefaye, qu’il avait acquise de Pierre Vrignaut. (Arch. nat., R1* 190, fol. 133, 252 v°, 256 et 266.)

4 Les mots entre crochets, nécessaires au sens, ont été omis sur le registre.

5 Sans doute Louis d’Harcourt, dit aussi le bâtard d’Aumale, fils de Jean d’Harcourt, comte d’Aumale et de Mortain, qui devint archevêque de Narbonne en 1452.