1 Les renseignements sur cette famille sont très rares. Nous pouvons cependant citer un accord conclu, le 15 janvier 1427 n.s., entre Jean Queyraut, écuyer, seigneur de la Pépinière, qui pourrait avoir été le frère aîné de Pierre, et Jean Eschalart, chevalier, sr de la Boulaye. Ce dernier avait acquis de feu Jean Baudriau les fiefs de la Marzelle, de l’Oriollière et de la Planche, qui étaient tenus à hommage plein de la seigneurie de la Pépinière, et comme il n’avait pas obéi à la coutume et fait « exhibition au suzerain du contrat de vente », Queyraut avait fait saisir lesdits lieux pour manquement au devoir féodal. La transaction qui mit fin au litige porte que les lieux saisis demeureront la propriété de Jean Eschalart et qu’il en obtiendra mainlevée, à condition de payer à Jean Queyraut le droit de rachat dû à cause de la mort de Jean Baudriau et qu’il se reconnaîtra tenu à faire hommage audit seigneur de la Pépinière. Elle fut passée le 27 décembre 1426, en présence de Guyon, seigneur du Puy-du-Fou, Jean Fouchier, seigneur de l’Esmentruère, Simon Eschalart, sr de Maillé, Pierre Bouhet, sr de Langebaudière, Jacques du Puy-du-Fou, écuyer, etc., et entérinée au Parlement le 15 janvier suivant. (Arch. nat., X1c 133, n° 2.) La complicité de Pierre Queyraut dans le meurtre du prieur de Soullans avait été dénoncée, au pied de l’échafaud, par Jean Philippe, le 21 juillet 1435. (Id., X2a 21, à la date.)
2 Avant de périr assassiné en 1435, Jean Lorson avait eu à subir, par suite de son avidité et de son caractère altier, bien des persécutions. Après avoir fait de bonnes études à Paris, il était devenu secrétaire, d’abord du cardinal de Vergy (Guillaume de Vergy, archevêque de Besançon, cardinal, 1398, mort en 1407) et ensuite du cardinal de Milet (Conrad Carraccioli, napolitain, archevêque de Nicosie, transféré à l’évêché de Mileto, 1402, cardinal en 1405, chargé par le pape Alexandre V d’une légation en France, 1409-1410, mort en 1411), et à leur service il avait acquis, disait-il, « moult de beaux meubles ». Revenu en Poitou, après le décès de son dernier protecteur, il s’était fait religieux à l’abbaye de Nieul-sur-l’Autize. Il fut successivement prieur du Fougeré, de la « Charonière », de l’Angle-aux-Chanoines, « qui estoit de grant revenu en blé et en vins », et enfin, vers 1430, prieur curé de Soullans. Le frère de sa mère, Guillaume Crespin, avait été serviteur de Thibault VIII Chabot, seigneur de la Grève. Jean Lorson profita de ces relations pour se lier avec Louis Chabot, fils de Thibaut, qui était en mauvais termes avec son père ; il lui rendit des services et lui vint même en aide pécuniairement. Il fit si bien que celui-ci se l’attacha en qualité d’intendant et lui abandonna l’administration de ses biens, quand il en eut la jouissance, après la mort de Thibaut. Lorson s’était imposé, paraît-il, à la faiblesse de celui-ci et, pendant la courte existence de Louis Chabot, il abusa de sa situation et s’enrichit au détriment de son maître. Du moins il en fut accusé par les fils de Louis, Thibaut IX, devenu seigneur de la Grève, et Renaud. Soit qu’ils eussent réellement à se plaindre de son administration et qu’ils poursuivissent, comme ils le prétendaient, la réparation des vols dont ils avaient été victimes, soit, ce qui semble plus vraisemblable d’après les pièces du procès, qu’ils eussent résolu de s’emparer de ses richesses, bien ou mal acquises, de concert avec Guillaume, seigneur d’Argenton, beau-père de Thibaut IX, ils s’assurèrent par surprise de la personne de Jean Lorson, qu’ils firent prendre à Chantemerle par une troupe armée, dirigée par Renaud Chabot et par Bertrand de Vaux, capitaine de Jarnac. Après avoir fait main basse sur tout ce qu’ils trouvèrent dans son hôtel, ils le traînèrent de prison en prison et lui firent subir les pires traitements. En route, il put s’échapper un instant et se réfugia en franchise dans une église ; mais il en fut arraché de force et accablé de coups. Il fut ensuite mis en un cachot pendant deux mois au château de Pressigny, au pain et à l’eau et enferré si étroitement que ses membres saignaient.
Jean Lorson ayant fait appel de ces violences au Parlement, nous le retrouvons prisonnier à Poitiers, au mois de mars 1425. L’affaire fut plaidée les 15 et 22 de ce mois. Les avocats exposèrent en détail, l’un les actes de violence dont le prieur avait à se plaindre, l’autre les nombreux méfaits que lui imputaient les frères Chabot et le sr d’Argenton. Il serait beaucoup trop long de les suivre et même de les résumer. Blasphèmes quotidiens, malversations, vols, faux, tentatives de meurtre et d’incendie, telles étaient les charges relevées contre Lorson. Il s’était vanté, disait-on, d’avoir gagné en une seule année douze mille écus sur Louis Chabot, quand il avait le gouvernement de sa maison. Son but était de ruiner entièrement les fis de son maître. Lors de son arrestation, une perquisition faite chez lui avait amené la découverte d’argenterie et de joyaux appartenant au sr de la Grève. Même, depuis qu’il était prisonnier, il avait juré qu’il « détruirait » Thibaut Chabot et que le sire d’Argenton ne périrait que de sa main. D’autres accusateurs, personnages aussi importants, s’étaient joints aux frères Chabot. Jean Rabateau, se rendant pour le service du roi, le dimanche avant la saint Michel 1424, de Fontenay-le-Comte à Saint-Maixent, avait été battu et détroussé par les Bretons de la garnison des Essarts, qui s’étaient mis en deux embuscades. Il prétendait avoir reconnu Jean Lorson armé parmi ses agresseurs. On savait dans le pays qu’il avait également des accointances avec ceux de Châteaumur, et l’abbé de l’Absie, qui avait été pillé, déclarait que le prieur de l’Angle était certainement l’instigateur des vols. Le Parlement eut d’abord à régler la question de compétence. L’abbé de Nieul, l’évêque de Luçon et l’évêque de Poitiers se disputaient le prisonnier : le premier disait que Lorson étant son religieux, la connaissance lui en appartenait, même in causa criminali ; le deuxième, sous prétexte que le prieuré de l’Angle, domicile réel de l’accusé, était dans son diocèse, le réclamait comme son sujet ; quant à l’évêque de Poitiers, il prétendait avoir la juridiction totale sur les clercs délinquants et faisait remarquer que d’ailleurs certains des délits avaient été commis dans son diocèse. Ce dernier obtint la garde du prisonnier, à l’élargissement duquel le sire d’Argenton, les frères Chabot, l’abbé de l’Absie et Jean Rabateau s’opposaient unanimement. Mais la cour retint le jugement du procès. Le 29 mars, Lorson répondit à ses adversaires, les accusa de n’agir que par haine contre lui et nia toutes les charges qu’ils lui imposaient. Puis il revint sur les odieux traitements dont il avait été victime. Tout ce qu’il avait chez lui à la Grève, à Chantemerle et ailleurs avait été pris sans inventaire. Son père et sa mère, sans considération pour leur grand âge, avaient été jetés hors de leur domicile. Son frère, Guillaume Lorson, avait été mis en prison et menacé de mort, etc. Le 16 avril, le prieur, qui jusque-là avait été détenu à la Conciergerie du Palais en la chambre du concierge, fut derechef baillé, « par manière de garde et prisons empruntées », à l’évêque de Poitiers, que la cour exhorta à tenir ledit frère « en prison honneste et moins grevable que faire se pourra ». Puis, le 25 mai, fut rendu un premier arrêt, favorable à l’accusé. Il portait que les parties seraient tenues de faire la preuve de ce qu’elles avançaient, et en conséquence prescrivait une enquête. En attendant Lorson serait remis en liberté ; Thibaut Chabot devait lui bailler par écrit une déclaration des points sur lesquels il entendait lui demander des comptes, et faire mettre entre les mains de la cour réellement et de fait tous les biens qu’il avouait avoir fait saisir chez l’accusé. Le 23 juin, autre arrêt. La cour prononce disjonction en ce qui concerne l’accusation portée par Jean Rabateau, ordonne une enquête sur ce point spécial, et déclare de nouveau que Lorson sera élargi ubique et que ses biens lui seront rendus. (Arch. nat., X1a 9190, fol. 344 v° ; X1a 9198, fol. 45, 48, 53, 56, 87 ; X2a 19, fol. 18 ; X2a 20, fol. 8 ; X2a 21, fol. 28, 31.)
L’affaire suivit son cours. A la fin de l’année 1425, Thibaut Chabot, qui servait à l’armée, demanda à la cour de le dispenser de venir en personne et de lui permettre de se faire représenter par procureur. Si aucune charge n’avait pesé sur lui, cette requête eût été admise sans difficulté. Mais Jouvenel, l’avocat du prieur, la combattit de toutes ses forces, disant que Thibaut avait refusé d’obéir à l’arrêt du 25 mai. Le premier huissier du Parlement le lui avait signifié à Poitiers, en l’abbaye de Saint-Hilaire, où logeait alors le connétable de Richemont, en la compagnie duquel se trouvaient les srs de la Grève et d’Argenton. Au commandement qui lui fut fait de restituer les biens saisis, il tira sa dague et voulut en frapper Jean Lorson, déclarant qu’il le tuerait. Et depuis il avait fait maltraiter et piller le père du prieur, âgé de quatre-vingts ans, et son frère Guillaume, qui fut mutilé, percé de vingt-cinq blessures par les hommes des Chabot et mené prisonnier aux Essarts. Celui-ci guérit néanmoins, et quand Thibaut le sut, il entra dans une violente colère et s’écria : « J’avais donné l’ordre qu’il fût pendu. » Jean Rabateau plaida pour Chabot et insista, malgré tout, pour qu’un procureur pût se présenter à sa place aux ajournements. (Id., X2a 18, fol. 83 v°.) Depuis, il n’est plus question de ces poursuites sur les registres du Parlement. Il est probable que le procès était encore pendant lorsque Thibaut IX Chabot, sr de la Grève, fut tué à la journée dite des harengs (12 février 1429).
C’est vers cette époque que Jean Lorson fut transféré au prieuré-cure de Soullans. Le 10 décembre 1432, nous le retrouvons, avec ce titre, devant la cour. De concert avec Jean Gordeau et Jean Lortie, écuyers, il avait porté plainte contre Jean Jousseaume, sr de la Geffardière, tuteur des enfants mineurs de feu Jean Jousseaume, sr de Commequiers, qui les avait fait expulser de force de ce château, sans même vouloir leur rendre les vivres qu’ils y avaient apportés. Perceval Chabot, sr de la Turmelière, s’était, peu de temps auparavant, emparé de Commequiers, qu’il prétendait lui appartenir, mais par arrêt récréance en avait été faite, en attendant l’issue du procès engagé, aux mineurs Jousseaume. C’est alors que le sr de la Geffardière, sous prétexte que Lorson, Gordeau et Lortie avaient soutenu le parti de Perceval, les fit mettre dehors. Non content de cette exécution sommaire, Jean Jousseaume les fit traquer par les gens qui tenaient garnison à Commequiers. Plusieurs d’entre eux avaient envahi l’église de Soullans pendant que le prieur y accomplissait Ie service divin, et s’étaient efforcés de le tuer ; il n’avait pu qu’à grand’peine échapper à leur fureur. La cour ordonna que le sr de la Geffardière viendrait quam citius répondre de ces faits. (Id., X1a 9200, fol. 110 v°.) On voit que Jean Lorson était véritablement prédestiné à finir de mort violente.
3 Jean Philippes et Étienne Bernard, les deux principaux coupables du meurtre du prieur de Soullans, avaient obtenu des lettres de rémission, et la cour du sénéchal de Poitou, présidée par le lieutenant général, avait consenti à leur entérinement. Mais le procureur général releva appel de cette décision et le Parlement, jugeant que, pour mettre un terme aux violences contre les personnes qui se multipliaient alors dans des proportions effrayantes, un exemple était nécessaire, refusa aux meurtriers le bénéfice de la grâce royale et les fit exécuter. Voici le dictum de l’arrêt qui fut rendu contre eux, le 16 juillet 1435 : « Il sera dit qu’il a esté mal fait et mal appoincté par ledit seneschal ou son lieutenant, et bien appelé par ledit procureur, et en faisant ce que ledit seneschal ou son lieutenant deust avoir fait, sera dit que la court ne obtempère point aux lettres de rémission impetrées par lesdiz Philipes et Bernard sur le meurtre commis en la personne de feu frère Jehan Lorson, prieur de Soullans, et que, nonobstant icelles, ilz seront penduz au gibet et estranglez. Et ordonne la court que sur leurs biens sera prinse la somme de cxxv. livres, chacun par moitié, pour convertir et employer, assavoir cent livres en euvres pies pour le salut de l’âme du defunt, deux anniversaires chaque jour de l’an, c’est-à-dire une messe en l’église de Soulans, où fut fait ledit meurtre, et l’autre en la ville de Poictiers, moitié en l’eglise des Jacobins, moitié en celle des Cordeliers, et les xxv. livres seront pour les despens desdiz prisonniers et pour les frais de leur execution. » Cet arrêt fut prononcé aux deux meurtriers, le jeudi 21 juillet, et ils furent immédiatement livrés au bourreau. « Ce jour furent executez à mort Jehan Philippes et Estienne Bernard, et eulx estans devant le gibet, deirent à moy J. d’Asnières, presens Maurice Barbier et Geufroy Le Vavasseur, les choses qui s’ensuivent : c’est assavoir ledit Jehan Philippes que Pierre Queraut et Jehan Baillaut (ou Vaillant) estoient consentans de la mort de feu frère Jehan Lorson, en son vivant prieur de Soulans, et qu’il n’estoit recors s’il les avoit nommez ou procès, et pour ce les nommoit et declairoit lors ; et ledit Estienne Bernard que oudit procès il avoit accusé Pierre Farineau, Jehan Mayner et Pierre Chauvet d’estre et avoir esté coulpables et consentans de la mort dudit feu frère Jehan de Lorson, et toutes voies que pour vray ilz n’en furent oncques consentans, mais seulement de le batre, et pour ce les desaccusoit de ladicte mort. » (Arch. nat., X2a 21, dates des 16 et 21 juillet 1435.)
On lit sur le même registre, au 10 décembre de la même année, que la cour évoqua la connaissance de toutes les causes introduites et pendantes en la cour du sénéchal de Poitou à cause du meurtre de J. Lorson, jadis prieur de l’Angle et de Soullans. Ce jour, Louis Bernard, habitant de cette dernière localité, prisonnier à la Conciergerie comme complice de l’assassinat, fut élargi par la ville de Poitiers seulement et s’engagea à ne pas en sortir. Puis, le 23 décembre, il fut remis en pleine liberté, à condition de se représenter devant la cour à toute réquisition. Enfin, le 4 avril 1436, on trouve un décret d’adjudication, moyennant 45 livres tournois, à Jean Philippes, damoiseau, sr de Bissus, du manoir ou village (manerium seu villagium) de la Roche-des-Loups, en la paroisse de Montigny, châtellenie de Châteaumur, ayant appartenu à Jean Philippes, l’un des meurtriers de Jean Lorson, ledit manoir saisi et vendu aux enchères publiques, parce que l’amende de 125 livres tournois, dont il est question dans l’arrêt du 16 juillet 1435, n’avait pas été fournie intégralement par le produit des biens meubles desdits Philippes et Étienne Bernard. (Id., X2a 20, fol. 91 v°.)