MCCXLIX
Rémission octroyée à Perrot Bruneau, de Saint-Jean-de-Mont en Bas-Poitou, coupable du meurtre de son frère aîné, Jean Bruneau, dans une rixe qu’ils avaient eue ensemble sur une question d’intérêts privés.
- B AN JJ. 182, n° 61, fol. 37
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 373-375
Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Perrot Bruneau, povre homme de labour, aagé de xxxiiii. ans ou environ, de la parroisse de Saint Jehan de Mons ou bas païs de Poictou, chargié de jeune femme et d’enfans, contenant que, puis certain temps ença, Jehan Bonneau1, frère aisné dudit suppliant et icellui suppliant ont fait partie et division ensemble de certains heritaiges qui estoient par indivis entr’eulx, et ont joy chacun de sa part et porcion. Mais, ou mois de fevrier derrenier passé, le dit Jehan Bruneau s’efforça de faire ung fossé en certain chemin qui estoit demouré commun entre eulx, et par lequel chascun d’eulx alloit et passoit pour aller à son heritaige. Laquelle chose venue à la notice et congnoissance dudit suppliant, il se [p. 374] transporta par devers son dit frère qui besongnoit oudit foussé et lui remonstra doulcement qu’il ne devoit point ilec faire de foussé, et que le chemin qui y estoit estoit commun entre eulx. Lequel Jehan Bruneau respondy bien oultrageusement qu’il feroit ledit foussé, voulsist icelui suppliant ou non. Et lors ledit suppliant qui avoit une ferrée en sa main, se print à deffaire ledit foussé et le remply. Et incontinant ledit Jehan Bruneau, qui pareillement avoit une ferrée en son poing et dont il besongnoit, frappa ledit suppliant de la dicte ferrée sur la jambe, et non content de ce le cuida refraper d’icelle ferrée, mais il mist sa dicte ferrée au devant, et ataigny ledit Jehan Bruneau sur le braz. Et adoncques icellui Jehan qui estoit eschauffé mist ladicte ferrée contre et bien près du visaige dudit suppliant. Et ce voyant icellui suppliant, doubtant que son dit frère le bleçast, destourna le coup qu’il lui cuidoit bailler, et en le destournant ataigny sondit frère du plat de sa dicte ferrée sur la teste, duquel coup il chey à terre et incontinant se releva, et commança à besongner comme devant. Et lors ledit suppliant, desplaisant d’avoir frappé ledit Jehan, son frère, se departy d’ilec et s’en ala, et laissa icellui suppliant [son dit frère] besongnant. Et tantost après, revint ledit suppliant et rempli ledit foussé, au moins ce qui estoit en son prejudice. Et ledit Jehan besongna jusques au soir qu’il s’en ala à son hostel et icellui suppliant au sien, sans eulx faire autre mal. Et environ jour couchant, ledit Jehan se commença à plaindre, disant qu’il avoit mal au cueur et qu’il se vouloit aller coucher, ce qu’il fist, sans boire ne menger ; et environ l’eure de mynuyt il ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est, il s’est bien et doulcement gouverné, sans [p. 375] avoir fait ou commis ne estre actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, et que paravant n’y avoit aucune hayne ou malvueillance entre lui et ledit feu Jehan, son frère, et fut ledit feu aggresseur, il nous plaise nos dictes grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit, en faveur de ses diz femme et enfans, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, etc., à nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante et trois avant Pasques.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor.