MCCXXXIV
Rémission octroyée à Jean Colart, homme de guerre, demeurant à Celles, poursuivi pour faux, et réfugié en franchise en l’église Notre-Dame-la-Petite de Poitiers.
- B AN JJ. 185, n° 295, fol. 204
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 316-320
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Colart, homme de guerre, aagé de xl. ans ou environ, chargié de femme et d’enfans, demourant ou bourc de Nostre Dame de Celle en nostre païs de Poictou, contenant comme, puis vint ans ença il nous ait servy ou fait de noz guerres avec pluseurs noz chiefz et cappitaines de guerre, tant ou voiage que fismes pour nostre couronnement que en la [p. 317] frontière de Normandie, ès journées de Sillé le Guillaume1 et Vernueil2, que en pluseurs autres besongnes et exploiz de guerre, monté et armé souffisanment, comme homme d’armes, à l’encontre de noz adversaires les Anglois, depuis le recouvrement de noz ville de Bordeaux et pays de Bordelois, a tousjours esté et demouré en frontière et garnison en nostre ville de Blaye3, jusques à nagaires que lui et autres, voians que les diz Anglois s’efforçoient de jour en jour courir sus sur noz subgiez du pays d’environ la dicte ville, pour leur resister, feust ledit suppliant avec autres de la dicte garnison allé sur la rivière estant près la dicte ville de Blaye, et en combatant ausdiz Anglois eust esté blecié tellement que à peine povoit retourner en la dicte ville, en laquelle il feust demouré malade par pluseurs journées, non povant trouver barbier ne cirurgien expert à sa garison expedier. Et pour ce, desirant sa dicte garison, s’en feust venu de la dicte ville de Blaye à son hostel oudit lieu de Celle assez près de la ville de Nyort, esperant tantost retourner audit lieu de Blaye. Toutevoye, après ce qu’il a esté comme gary, voulant retourner à Blaye en garnison, ung nommé Jehan Guillouet lui a empeschié, par ce que en la sainte sepmaine de Quaresme derrenier passé, il l’a fait prendre et mener prisonnier ès prisons de Saint Maixent, desquelles il a esté eslargi à caucion, moiennant qu’il s’est deu rendre prisonnier à Poictiers, à certain jour ensuivant, après Misericordia4 ; pendant lequel temps il a obtenu certaines noz lettres d’estat, lesquelles il a presentées à nostre seneschal [p. 318] de Poictou ou à son lieutenant, qui à icelles noz lettres n’a voulu obtemperer, mais a fait constituer le dit suppliant en noz prisons du dict Poictiers, où il a esté et demouré par deux jours et deux nuis ; et luy interrogué et examiné sur les cas desquelz ledit Guillouet et nostre procureur en Poictou le chargoient a liberalment confessé que en l’an mil cccc. cinquante et ung, à la requeste de Jehan et Thomas Guillouès, frères, ou l’un d’eulx, il s’estoit transporté devers nostre bien amé Guillaume Palain, dit Peliège, escuier, bailli de Montargiz5, lequel devoit ausdiz frères ou audit Thomas, comme il disoit, xx. livres de rente et pluseurs arrerages, et le fist et constitua ledit Guillouet son procureur pour vendre, se mestier estoit, la dicte rente et arrerages, ou autrement appoincter audit Peliège. Et de fait appoincta icellui suppliant en tele manière que ledit Peliège estoit tenu paier et bailler la somme de six vins escuz d’or. Et après ce s’en retourna ledit suppliant à Paris, pour faire savoir audit Thomas s’il estoit content dudit appoinctement ; lequel respondi que oy. Et ce fait, ledit suppliant retourna à Montargis de rechief et fist passer lettres dudit appoinctement et pour la dicte somme de vixx escuz, lesquelz ledit Peliège promist paier en telle manière, c’est assavoir par le greffier de nostre court de Parlement xx. escuz d’or, lesquelz ledit suppliant comme aiant povoir à ce, eut et receut, et cent escuz d’or dedans la feste de Toussains prouchain après ensuivant, à l’ostel de Janoilhac6 à Poictiers ; lequel paiement des dix cent escuz ledit Peliège ne fist pas, pour ce que depuis le dit Guillouet dist audit Peliège qu’il ne baillast point audit suppliant [p. 319] la dicte somme, combien que icellui suppliant la cuidoit [avoir] pour soy recompenser des coustz et fraiz qu’il avoit fais et soutenuz pour ledit Guillouet et son frère, et que aussi il l’avoit constitué son procureur pour prendre et recevoir ladicte somme, et pour les fraiz faiz par ledit suppliant de sa chevance, pour aidier à delivrer de noz prisons de Poictiers les diz frères qui avoient esté chargez de faire or, pour ce que on les chargoit d’arquemie et autres abuz touchant monnoye. Et après qu’ilz furent hors de prison, ledit Thomas requist audit suppliant qu’il alast avec lui ou pays d’Alemaigne, pour faire l’or d’arquemie. Lequel suppliant et ledit Thomas y alèrent et puis retournèrent en Bourgongne et à Lyon, et d’ilec au Puy en Auvergne et à Clermont ; et se essaya ilec ledit Guillouet, ledit suppliant present, faire ledit or d’arquemie et argent blanc, en quoy icellui suppliant n’estoit aucunement expert, mais acompaignoit le dit Guillouet, et furent ensemble par l’espace de deux mois ou environ et despensèrent bien six vins francs ou environ, sans en ce riens proffiter ; et fist ledit Thomas faire à Clermont ung mole à couler metail, pour prendre emprainte de monnoye, pour eviter la noise qu’il eust peu faire, s’il eust frappé en coing la dicte monnoye, et dist audit suppliant que autrefoiz il avoit fait en telz moles comme cellui de semblables monnoyes. Et pour les grans abusions que ledit suppliant vit que faisoit ledit Thomas, se deppartit de lui, et après ala devers ledit Peliège, pour cuider recevoir la dicte somme de cent escuz, lequel Pelège ne lui voulut riens bailler, pour la defense que lui avoit fait ledit Thomas, dont ledit suppliant fut bien couroucé, non pensant plus estre recompensé des grans despens, mises et pertes qu’il avoit faiz et portez pour ledit Thomas et sondit frère, qui montent plus que ladicte somme de cent escuz, ymagina comme il la pourroit recouvrer. Si entendi que ung nommé Robin de Courcelles feroit bien lettres comme se ledit Thomas [p. 320] lui eust transportée ladicte somme. Et adonc ledit suppliant, considerant qu’il estoit comme destruit de chevance et qu’il avoit acoustumé d’estre bien monté et armé en nostre service, ouquel par ce il ne se povoit excercer, et que icellui Thomas avoit empesché les diz cent escuz, ala devers ledit Robin de Courcelles et pourchassa que icellui de Courcelles lui feist lettres signées et seellées, contenant contre verité que ledit Thomas lui avoit transporté les diz cent escuz. Et toutesfoiz il avoit nyé èsdictes prisons qu’il eust fait faire les dictes faulses lettres. Et aucun temps après, doubtant la disete de prison et que on le voulsist traicter rigoreusement, ainsi que les sergens le menoient par devant l’eglise Nostre Dame la Petite de Poictiers, il s’eschappa d’eulx et s’en bouta en franchise en la dicte eglise ; et depuis s’en est yssu et absenta du pays, et s’en est alé en nostre dicte ville de Blaye, où il nous sert de present à l’encontre de nos diz adversaires. Pour occasion desquelz cas, ledit suppliant n’oseroit jamais retourner, demourer ne converser avecques ses diz femme et enfans, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, nous humblement requerant que, attendu que en tous autres cas ledit suppliant a esté et est homme de bonne vie et renommée, etc., et mesmement qu’il nous a servy longuement ou fait de nos dictes guerres et sert encores de present, comme dit est, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pourquoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, etc., à icellui suppliant ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Jazenueil, ou mois de may l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et le xxxie de nostre règne.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. P. Burdelot. — Visa. Contentor. P. Aude.