MCLXXXIX
Rémission en faveur de Jean Vernon, gentilhomme originaire d’Ecosse, demeurant à Montreuil-Bonnin, prisonnier à Poitiers pour le meurtre de Berthomé de Puy-Regnault.
- B AN JJ. 180, n° 93, fol. 41 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 175-177
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Vernon, povre gentilhomme du pays d’Escosse, aagée de xlv. ans ou environ, contenant que, xxviii. ans a ou environ, il s’en vint dudit pays d’Escosse pour nous servir en noz guerres, en la compaignie de pluseurs nobles d’icelui pays, et en icelles noz guerres nous a longuement servy jusques à ce que, douze ans a ou environ, il s’en vint demourer au lieu de Monstereul Bonin1, auquel lieu il a tousjours depuis continuelment demouré honnestement et doulcement vesqu, entre toutes manières de gens, sans meffaire ne mesdire à aucun, et que le jeudi derrenier jour du mois d’avril derrenier passé, icelui Vernon s’en ala au lieu de la Chappelle2, près dudit lieu de Monstereul Bonin, auquel lieu il avoit grant assemblée de gens pour l’onneur et voyage de monsieur saint Eutrope. Et avint que, à l’eure [p. 176] de deux heures après my jour ou environ, ledit Vernon s’en ala à l’oustel d’un nommé Pierre Bauchier, demourant audit lieu, lequel tenoit pain et vin à vendre, et illecques s’en entra ou jardin de la dicte maison, ouquel il trouva ung nommé Berthoumé du Puys Regnault, qui naguères estoit arrivé au pays et retourné du voyage que lui et les autres avoient fait ou pays de Normandie, auquel ledit Vernon demanda comment il se portoit de son voyage. Et ledit de Puis Regnault lui respondit qu’il se portoit mieulx que ledit Vernon ne voulsist, et que icelui Vernon avoit autres foiz fait desplaisir à ses amis, mais qu’il l’en compareroit, et passeroit par ses mains. Et en disant ces paroles, tira une dague qu’il avoit et s’efforça d’en frapper ledit Vernon ; mais icellui Vernon mist la main au devant et expella le coup, et en ce faisant fut blecié en ung doy de la dague dudit Puy Regnault ; lequel Vernon, soy sentant ainsi blecié et doubtant que ledit Puy Regnault, qui estoit jeune homme, grant et fort, le blessast plus avant, tira semblablement sa dague et d’icelle frappa ledit du Puis Regnault ung coup seulement par le cousté, et ce fait se recula et se absenta d’illec ; et tantost après ledit du Puis Regnault cheyt à terre. Pour occasion de quel coup, icellui du Puys Regnault est alé de vie à trespassement. Soubz umbre duquel cas, ledit Vernon a esté prins par noz gens et officiers et mis en noz prisons à Poictiers, èsqueles il a demouré par aucun temps ; et depuis, pour ce qu’il est clerc, a esté rendu aux gens de la justice de nostre amé et feal conseillier le patriarche d’Anthioche, evesque de Poictiers3, [p. 177] et illecques detenu en ses prisons, à grant povreté et misère et en voie d’y finer miserablement ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui estoient imparties sur ce. Et pour ce nous ont humblement supplié et requis que, comme ledit cas soit avenu par chaude colle, que ledit du Puis Regnault fut le premier invaseur, le service que nous a fait le dit Vernon en noz guerres, et que en tous autres cas il a esté bien famé et renommé, sans ce que jamais il fust actaint ne convaincu d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde en ceste partie estre preferée à rigueur de justice, en faveur des services à nous, comme dit est, faiz par ledit Vernon, à icelui Jehan Vernon avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Essay, ou mois de may l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxviiie.
Ainsi signé : Par le roy, le sire de Torcy4, Jacques Cuer, Estienne Chevalier5, et autres presens. P. Aude. — Visa. Contentor. Chaligaut.