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MCCIII

Mandement prescrivant une enquête sur l’utilité d’un marché à Moricq, dont la création était demandée par le seigneur du lieu, Renaud Girard, chevalier, sr de Bazoges.

  • B AN JJ. 184, n° 287, fol. 195 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 218-220
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à noz amez et feaulx gens de noz comptes, salut et dilection. De la partie de nostre amé et feal conseiller et maistre de nostre hostel, Regnault Girard, chevalier, seigneur de Basoges et de Moric1, nous a esté exposé que, comme ledit [p. 219] lieu de Moric soit assis sur la rivière de Loy près de la mer, et d’illec pour aler et venir par eaue de toutes pars et nacions pour marchander, et mesmes des ysles de Ré, Oleron et Marenne, et aussi des villes de la Rochelle, Marant et autres lieux….2, auquel lieu qui est en pays [p. 220] fertil nostre dit conseiller a droit de chastel et chastellenie, et toute justice haulte, comme seigneur chastellain, et seroit le bien et prouffit de nous et de la chose publique, dudit exposant et des autres habitans que audit lieu de Moric eust marché une foys la sepmaine, c’est assavoir chascun jour de vendredi, si comme il dit, sy nous a humblement fait supplier que ledit marché luy vueillons octroyer. Pour quoy nous, ces choses considerées, vous mandons que par certain commissaire, ydoine et souffisant, vous, appellé nostre procureur en nostre seneschaussée de Poictou3, faictes diligemment enquerir du prouffit ou dommage qui s’ensuyvroit, se ledit marchié estoit audit exposant octroyé, et se seroit le prejudice d’icelluy ; et l’informacion qui faicte sera sur ce faictes apporter par devers vous, et, icelle par vous veue, pourveez audit exposant, ainsi que verrez estre à faire par raison. Car ainsi nous plaist il estre fait, et audit exposant l’avons octroyé et octroyons, de grace especial, par ces presentes. Donné à Saincte Katherine de Freboys, le xve jour d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante avant Pasques, et de nostre règne le xxixe4.


1 Renaud était fils de Jean Girard, seigneur de Bazoges-en-Pareds, et de Marie Luneau. Son père a été l’objet d’une notice développée dans notre tome VI. (Arch. hist., XXIV, p. 77.) Conseiller et maître d’hôtel de Charles VII, les services qu’il rendit à ce prince sont surtout d’ordre diplomatique. Au commencement de l’année 1430, il fut chargé, avec Richard Pocaire, bailli de Senlis, d’aller sonder les dispositions du duc de Bretagne et de régler les conditions d’une entrevue entre Georges de La Trémoïlle et le connétable de Richemont. Deux ans plus tard il remplit, avec le sire de Gaucourt, une nouvelle mission à la cour de Bretagne pour préparer le traité de Rennes, qui fut signé le 5 mars 1432. Les ambassades de Renaud Girard en Écosse sont les plus importantes et les plus connues ; il nous en a d’ailleurs laissé une relation. (Bibl. nat., ms. fr. 17330.) Elles avaient un double but : négocier un traité d’alliance entre la France et Jacques Ier et le mariage de Marguerite d’Écosse avec le dauphin. Le sr de Bazoges partit en octobre 1434, accompagné d’un écuyer écossais, Hue Kennedy. Une convention fut signée le 26 février 1435, portant que Marguerite passerait en France au mois de mai suivant. Mais le voyage fut retardé de près d’un an. Renaud Girard était encore en Écosse en février 1436 ; il partit le 15 de ce mois, comblé de présents et ramenant la future dauphine. La princesse débarqua, le 18 avril 1436, à Chef-du-Bois près la Rochelle, et le mariage eut lieu à Tours le 25 juin suivant. Charles VII donna encore mission au sr de Bazoges d’assister la duchesse de Bourgogne aux conférences de Gravelines, en janvier 1439. (Cf. M. de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. II, p. 271, 284, 493-504, t. III, p. 35, 38, 103, 107.) L’historien de la Rochelle, Amos Barbot, rapporte la part considérable prise en 1433 par Renaud Girard, chevalier, sr de Bazoges, et Laurent Poussard, aussi chevalier, sr de Faye, « qui estoient du corps de cette ville », à une expédition maritime contre Mornac, dont les Anglais de Bordeaux s’étaient emparés depuis peu, et qui se termina par la capitulation de la place, que les srs de la Roche et de Pons assiégeaient en même temps du côté de la terre. (Arch. hist. de la Saintonge, t. XIV, p. 299.)

Les registres du Parlement fournissent aussi des renseignements d’ordre privé relatifs au sr de Bazoges. Un nommé Jean Faure, ayant obtenu une sentence lui adjugeant 400 livres tournois contre Jean Girard, écuyer, sr de Givrans, avait fait saisir certains héritages de son adversaire et voulait les faire vendre aux enchères. Renaud Girard, Jean Quenault, les chapelains de Saint-Barthélemy de la Rochelle et les religieux de l’abbaye de Torsay s’opposèrent aux criées. Un accord intervint, le 18 juin 1428, par lequel le sr de Bazoges et consorts consentirent que les revenus des héritages recueillis par les commissaires délégués par le Parlement fussent mis entre les mains de Jean Faure, mais sans préjudice de leurs causes d’opposition. (Arch. nat., X1c 135, n° 96.) Renaud Girard eut à soutenir un autre procès contre Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, au sujet de la possession d’une part de la terre et seigneurie de Moricq, que ce dernier revendiquait comme ayant droit de Simon Ojart. Guillemette Girard, sœur de Renaud, mariée à Jean de Vaux avant 1395, avait eu en dot une partie de cette terre de Moricq ; elle eut un fils, Joachim de Vaux, qui mourut jeune, sans lignée. Le sr de Bazoges pensa alors que, comme héritier de sa sœur et de son neveu, il lui était permis de réunir cette portion à celle qu’il tenait de la succession de son père. Le vicomte de Thouars, dans la mouvance duquel se trouvait Moricq, à cause de sa baronnie de Talmont, prétendit qu’elle lui appartenait à titre d’aubaine et de fief vacant, parce que Joachim de Vaux était décédé sans hoir. Simon Ojart, de son côté, et Jean Ojart revendiquaient depuis longtemps la seigneurie de Moricq, comme leur propre héritage. Au cours du procès, Louis d’Amboise acheta leurs prétendus droits. Enfin une transaction intervint entre lui et Renaud Girard. Celui-ci paya au premier une somme de 400 écus ou réaux d’or, et par ce moyen fut reconnu propriétaire de la part litigieuse. Le vicomte de Thouars l’y reçut à foi et hommage et l’en fit mettre en possession et saisine réelle. L’accord est du 8 juillet 1430, mais il ne fut enregistré au Parlement que le 20 février 1432 n.s., après que la cour eut été autorisée à le faire, nonobstant l’emprisonnement de Louis d’Amboise, par lettres du roi du 7 septembre 1431. (Arch. nat., X1c 143, nos 28-32 ; X1a 8604, fol. 145.) Le 16 avril 1432, le Parlement confirma en appel une sentence du sénéchal de Poitou au profit de Renaud Girard contre Jacques Meschin, chevalier, au sujet d’une rente de quinze quartes de froment, qu’il réclamait à celui-ci, comme ayant droit de Marie Luneau, sa mère. A cette date, Jacques Meschin venait de mourir, laissant pour héritières Béatrice de Montjehan, sa veuve, et ses deux filles, mariées, la première à Giraud de La Noue, la seconde à Jean de Rabaines. (X1a 9192, fol. 279 v°.) Trois ans plus tard, Raymond Bonneau ayant acheté aux enchères des biens appartenant aux enfants mineurs de Jean Chaudrier, de la Rochelle, dont le sr de Bazoges était l’un des tuteurs, fut poursuivi et condamné en première instance, à la requête de celui-ci et de Jeanne de Coulaines, veuve de Chaudrier, alors remariée au sr de la Musse. (Arrêt rendu sur appel, le 26 février 1435, X1a 9193, fol. 66 bis.) Renaud Girard était aussi seigneur de la Tour-d’Anguitard à Poitiers. On conserve aux Archives de la Vienne un bail à ferme par lui passé, l’an 1430, d’un terrain situé près ladite tour. (G. 1129.)

2 Sic. Mots omis par le scribe.

3 On lit « Pontieu » au lieu de Poitou sur le registre.

4 Cf. ci-dessous, à la date de janvier 1453 n.s., le texte des lettres d’institution du marché de Moricq.