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MCLXXVI

Rémission en faveur d’Etienne Lamy, marinier, du bourg de l’île de Noirmoutier, coupable d’homicide par imprudence. En jouant aux boules, il avait frappé à la tête sa filleule, Catherine Gazet, qui succomba au bout de dix-huit jours.

  • B AN JJ. 179, n° 297, fol. 169 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 7 p. 119-122
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue [p. 120] l’umble supplicacion de Estienne Lamy, povre homme, laboureur, demourant en l’isle de Nermoustier, aagié de xxii. ans ou environ, chargié de femme et d’enfans, contenant qu’il s’est entremis et apliqué le temps passé, et se y est bien et honnestement gouverné, à l’excercice et mestier de marinier et à mener et conduire par mer et sur eaue marchans, denrées et marchandises, duquel mestier et excercice il a acoustumé vivre et a vesqu le temps passé ; en laquelle isle de Nermoustier a ung bourg bel et notable, lequel est deffermé et ouvert sans aucune closure, et champestre, ouquel demeurent plusieurs habitans et ouquel a plusieurs rues et chemins publiques. Ou quel bourg de Nermoustier, pour ce qu’il est assis sur port de mer, affluent plusieurs personnes d’estranges nacions, marchans et autres de ce royaume en diverses contrées, lesquelz ont acoustumé, et aussi ceulx dudit bourg et isle, prendre leurs esbatemens et jouer tant à la paulme, aux boulles que à autres jeuz acoustumez à jouer en ce royaume, et que le xvme jour du mois de fevrier derrenierement passé ledit suppliant et autres commancèrent à jouer à la boulle par plusieurs rues et chemins dudit bourg publiquement et par plusieurs foiz, en alant et venant par lesdictes rues, et en especial en une rue appellée la rue de Vauzeau, à la veue de chascun qui le vouloient veoir et regarder, ainsi que jeunes gens ont acoustumé de jouer, et que ledit jour ledit suppliant et ung autre jouoient l’un contre l’autre audit jeu des boulles, environ heure de vespres, en la compaignie de plusieurs personnes qui acompagnoient ledit suppliant et celui qui jouoit contre lui, et firent leur jeu par ladite rue de Vauzeau, en laquelle a plusieurs maisons, et y demeurent plusieurs estagiers, et entre les autres y demeure Nicolas Gazet, compère dudit suppliant, lequel a sa maison en ladicte rue ; lequel suppliant a tenu et porté sur les fons une fille dudit Gazet, de l’aage de xii. à xiii. ans, nommée Katerine ; près de [p. 121] laquelle maison dudit Gazet a une place gaste appellée ayraut, close de deux boutz et d’un costé de petit mur de pierre, et de l’autre costé a une maison appartenant à Eustache Bonamy ; ouquel ayraut ou place estoit ladicte fille nommée Katherine Gazete, fille dudit Nicolas Gazet et filleule dudit suppliant. Laquelle ledit suppliant ne ceulx qui jouoient ne les autres qui les suivoient et acompaignoient ne veoient point ny ne povoient veoir, obstant ce que la maison dudit Bonamy estoit entre le dit suppliant et ledit ayraut ou place, en laquelle estoit la dicte fille. Lequel suppliant auquel le tour de jecter la boulle avint, estant en ladicte rue de Vauzeau, print ladicte boulle pour gecter, et pour ce qu’il ne vist personne du monde devant soy, à qui il peust mal faire, gecta ladicte boulle en ladicte rue de Vauzeau, et tantost après qu’il ot gecté ladicte boulle et qu’elle fut partie de sa main, incontinant aperceut ladicte Katherine Gazete, sa filleule, laquelle estoit oudit ayrault ou place, la quelle est devers ladicte rue ou chemin publique, de laquelle boulle ledit suppliant ataigny ladicte Katherine par la teste et lui rompy la char et les os de la teste, tellement que ladicte Katherine tomba à terre toute pasmée, combien qu’elle n’eust riens rompu de la taye de la teste. Lequel suppliant, incontinant qu’il vist ladicte Katherine, sa filleule, ala hastivement vers elle, la leva et print entre ses bras et l’apporta en l’ostel dudit Gazet, père de ladicte fille, et y trouva la mère de la dicte fille et la mère dudit Colas Gazet, ayeulle de ladicte Katherine ; ausquelles femmes il dist, bien desplaisant de tout son cuer, qu’il avoit blecié leur fille, et que pour ce il feust mis remède. Lequel suppliant, desplaisant dudit cas, mist grant peine à estanchier le sang que ladicte fille rendoit ; aussi firent les dictes femmes, et y faisoit chascun du mieulx qu’il povoit. Et assez tost après se partist ledit suppliant dudit lieu. Pour lequel cas, la justice dudit lieu inventoria les biens dudit suppliant. [p. 122] Depuis lequel cas, est survenu à ladicte Katherine certain accident de maladie, telement qu’elle est devenue percuse d’un costé ; à l’occasion de laquelle maladie, ladicte Katherine a esté plus fort grevée et endommagée que par ladicte playe, comme l’en dit. Et depuis, c’est assavoir xviii. jours après ou environ, à l’occasion de ladicte maladie, par faulte de gouvernement ou autrement, ladicte Katherine est allée de vie à trespassement, en bon sens et entendement, et a pardonné audit suppliant et à tous autres. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit suppliant n’a pas fait ledit cas à son esciant, mais est avenu par cas d’aventure et de fortune, dont il a eu et a très grant desplaisance, tant parce que ladite Katherine estoit sa filleule que autrement, etc. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons ou cas dessus dit remis, quictié et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc.xlviii. avant Pasques, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. E. Froment.