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MCCXLIII

Rémission en faveur de Jean Ayrault, de Foussais, au diocèse de Maillezais, coupable du meurtre de Jean Chiron, son beau-père.

  • B AN JJ. 182, n° 7, fol. 3 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 349-352
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons [p. 350] à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Ayrault, demourant en la parroisse de Foussay ou diocese de Maillezais, nostre franc archier pour ladicte paroisse, avons receue, contenant que dès la seurveille de la feste saint Pierre d’aoust derrenierement passée eut quatre ans ou environ, ainsi que ledit suppliant fut venu de besongner de certaine terrasse ou torchis en certain endroit de son hostel où il demouroit et encores demoure, situé et assis ou bourg dudit lieu de Foussay, pour disner, et lui estant à table, dist à Guillemete Chironne, sa femme, qu’elle lui alast querir de l’eaue au puis pour son disner et que son plaisir estoit tel, et ne vouloit boire du vin que ung nommé Jehan Chiron, père de la dicte Guillemete, femme dudit suppliant, avoit apporté en ung barril de l’ostel d’ung sien filz nommé Jehan Chiron, prieur du lieu appellé de Bonnerays auprès de Vouvant. Auquel suppliant la dicte Guillemete, sa femme, respondit qu’elle n’y entriroit jà, au moins jusques à ce quelle eust disné. Et lors icellui suppliant lui dist que s’elle n’y aloit, qu’il lui donneroit deux buffes, mais ce non obstant elle n’y vouloit aler, ains de rechief lui dist qu’elle disneroit avant y aler, et ce endura le dit suppliant. Et après ce que ladicte Guillemete eut disné, elle alla ou fist manière d’aler querir de l’eaue au puis, où elle demoura par longue espace de temps, consideré la situation et distance dudit lieu, et tant qu’il convint audit suppliant soy lever de la table où il estoit pour aler veoir s’elle venoit de l’eaue. Et quant elle fut arrivée, pour ce qu’elle avoit trop demouré, icellui suppliant, tant pour la longue demoure comme aussi par ce qu’elle lui avoit respondu, lui donna deux buffes. Et lors ledit Jehan Chiron, père de ladicte Guillemete, femme dudit suppliant, print icellui suppliant par la chevessaille et le frappa par la teste, en lui disant telles parolles ou semblables : « Truant, paillart, tu ne la batras pas ! » Ce que ledit suppliant endura, [p. 351] sans le vouloir lors frapper, mais le bouta telement contre ung banc qu’il cheut à terre sans le frapper. Et quant il fut relevé, il frappa derechief le dit suppliant d’un baston sur la teste. Auquel le dit suppliant dist que, se il y retournoit plus, qu’il le feroit courroucié. Et ce dit, incontinent icellui suppliant, esmeu et de courage eschauffé et, par chaude colle et temptacion de l’ennemi, frappa ledit Jehan Chiron son sire, d’un pié de banc ou d’un baston semblable sur l’eusse de l’ueil1 ung coup tant seulement, duquel coup il cheut à terre et pardit son sang ; et par faulte de gouvernement ou autrement, il ala le lendemain de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs, où il n’oseroit jamais converser, repairer ne demourer, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme ilz dient, humblement requerant que, attendu que dudit cas il n’est aggresseur et que les parens et amis dudit Jean Chiron lui ont icellui cas pardonné, qui est avenu de chaude colle et par la faulte et coulpe et mauvaitié de la dicte Guillemete, fille dudit feu Chiron, que il nous a bien et loyaument servy ou fait de noz guerres, comme franc archier, mesmement en la reduction de noz païs et duchié de Normandie et de Guienne, soubz et en la compaignie de …2 et autres, que en tous autres cas il a esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans onques mais avoir esté attaint ou convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans en ceste partie misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur des services qu’il nous a faiz et esperons que face encores ou temps avenir, ou cas dessus dit, avons [p. 352] quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou, etc. Donné au lieu de Genac, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. cinquante et trois, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signé. Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Rolant.


1 Le sourcil.

2 Nom illisible.