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MCCIX

Rémission en faveur de Jean Legé, du Poiré-sous-la-Roche-sur-Yon, coupable du meurtre de Jean Chauchet dans une rixe.

  • B AN JJ. 185, n° 149, fol. 114
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 239-241
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Legé, filz de Guillaume Legé, povre homme de labour, chargié de femme et de quatre filles à marier, de la parroisse du Peyré près la Roche sur Oyon en nostre païs de Poictou, contenant que audit Guillaume Legé, père dudit suppliant, compette et appartient par heritage certaine pièce de terre labourable, assise en la parroisse de la Genestoie, laquelle ledit Guillaume Legé, père dudit suppliant, avoit pieça bailliée par tiltre de louage à certain temps prefix à ung nommé Jehan Chauchet, parroissien dudit lieu de la Genestoie. Et après ce que le temps dudit louage fut escheu et passé, qui puet avoir cincq ans ou environ, ledit père dudit suppliant et lui aussi requisdrent par pluseurs foiz audit Chauchet qu’il leur rendit leur dicte pièce de terre et qu’il n’y feist plus aucun labour ; ce qu’il ne voult faire, mais s’en voult ensaisiner et icelle detenir et exploictier. Laquelle chose veant ledit suppliant, considerant que son dit père et sa mère estoient debilitez et anciens, et qu’il avoit la principale charge de leur labour et du soustenement de leur [p. 240] ostel, vit ung jour entre les autres ledit Chauchet labourant en ladicte terre, acompagnié de Françoys Chauchet et ung sien varlet, qui lui aidoient, et lors ala requerir audit Jehan Chauchet qu’il se desistast de plus y labourer et la leur rendist, ainsi que faire devoit. Lequel Chauchet en fust refusant et contredisant et respondit audit suppliant pluseurs grosses et malgracieuses parolles, par quoy ledit suppliant, voulant empescher que ledit Chauchet ne labourast plus en ladicte terre, ala querir ung pal en une haye près d’ilec, et se mist tantost après, ledit pal en sa main, devant les beufz dudit Chauchet, labourans en ladicte terre. Et lors ledit Chauchet, meu de mauvaise voulenté, vint, ung autre pal en sa main, au devant des beufz que menoient labourant lesdiz Françoys, son frère, et varlet, où estoit ledit suppliant qui seulement vouloit empescher qu’ilz ne labourassent plus. Lequel suppliant, doubtant que ledit Jehan Chauchet qui venoit vers luy, le voulsist frapper, ledit suppliant leva son dit pal qu’il avoit sur son col et en bailla sur les doiz audit Jehan Chauchet ; et incontinent ledit Jehan Chauchet leva son dit pal et en donna sur la teste dudit suppliant tellement qu’il cheut à terre, et ledit Chauchet se mist sur luy, et atant se departirent. Lequel suppliant en soy retournant vers ladicte charrue et ainsi qu’il avoit le doz tourné audit Chauchet, icellui Chauchet, continuant en son mauvaiz propoz, poursuivy tousjours ledit suppliant et en le poursuivant le promouvoit de parolles à noyse et debat. Laquelle chose veant, icellui suppliant qui estoit esmeu et eschauffé de ce que ledit Chauchet l’avoit batu et fait cheoir, et doubtant que encores voulsist faire, ainsi qu’il estoit vraissemblable à croire, se retourna hastivement vers ledit Chauchet et soubzdainement en arrière main, sans aviser à ce qu’il faisoit, en soy tournant, frappa ledit Chauchet du pal qu’il avoit sur la teste telement qu’il cheut à terre, et dedans sept ou huit jours après, par le moyen dudit cop, par [p. 241] faulte de bon gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, dès ledit temps s’absenta du pays et y delaissa sesdiz père et mère, vieulx et debilitez, et aussi sa femme et sa fille despourveuz de leur vie, et n’y oseroit jamais retourner ne converser, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Requerant humblement que, attendu que ledit Chauchet en soy retournant il ne le cuidoit pas frapper sur la teste, et que en tous autres cas il est de bonne fame, renommée et honneste conversacion, en aiant aussi pitié et compassion de sesdiz père et mère, femme et filles, et afin qu’ilz ne cheent en mendicité, et que ses dictes femme et filles ne soient contraintes par povreté de mener vie dissolue, il nous plaise sur ce luy impartir nostre grace et misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschal de Poictou et bailli de Touraine et des ressors et exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Taillebourg, ou moys de juillet l’an de grace mil cccc.li, et de nostre règne le xxixme, soubz nostre seel ordonné en l’absence du grant.

Ainsi signé : Par le conseil. Badovilier. — Visa. Contentor. Chaligaut.