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MCLXIX

Rémission pour Imbert Mézeau, fils de Lucas, hôtelier de Vouzailles, poursuivi comme complice du meurtre de la femme d’un bateleur.

  • B AN JJ. 179, n° 192, fol. 106 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 98-102
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amys charnelz de Ymbert Mezeau, fils de Lucas Mereau (sic), hostellier demourant à Vouzailles, aagié de xviii. ans ou environ, contenant [p. 99] que ledit Ymbert Mereau, Loys Bareau, Pierre Pyneau et autres, ou mois de septembre derrenier passé, alèrent tirer de l’arbaleste au lieu de Banançay1, et après ce qu’ils eurent tiré de l’arbaleste, s’en retournèrent devers le soir en l’ostel du prieur dudit lieu de Vouzailles2, pour ce qu’il y avoit vin à vendre, et demandèrent s’il y avoit que soupper, et se assirent au bout de la table, où le prieur dudit lieu souppoit, et en leur compaignie estoit Julien Charpentier. Et lequel prieur leur commança à dire que, s’ilz eussent esté audit lieu de Vouzailles, il leur eust fait mettre [en prison3] ung basteleur qui estoit venu au dedans de la barrière de la dicte forteresse, lequel faisoit agenoillier les bonnes gens devant lui et leur preschoit plusieurs gabuseries et museries, et que pour lui n’avoit voulu cesser, dont il n’estoit pas content. Après lesquelles paroles, ledit Julien Charpentier commança à dire aus dessus diz qu’il y avoit des basteleurs logiez en l’ostellerie de Lucas Mereau, père dudit Ymbert, qui avoient ung bouc et ung cinge, et qu’il trouveroit bien manière de les avoir, ou cas qu’il plairoit audit Ymbert, et qu’ilz s’en esbatroient. A quoy ledit Ymbert Mereau respondi qu’il en estoit bien content, mais qu’on ne fist point de noise. Et alors icelui Charpentier dist qu’il n’y auroit aucune noise et que, se ledit basteleur et ses gens s’en apparcevoient, il diroit qu’il aloit querir ses ferremens qui estoient ou planchier de la maison et hostellerie dudit Lucas, et qu’il s’en vouloit aler hors la maison. Après les quelles parolles, les diz Bareau, Charpentier, Pineau et Ymbert Mereau se departirent dudit prieur et se rendirent devant la grant porte de la dicte [p. 100] hostellerie. Auquel hostel, ledit Ymbert, pour ce qu’il estoit filz de ceans, voult et s’efforça de entrer pour soy retraire, et en ouvrant ladicte porte trouva ledit bouc attachié à une charrète, lequel fut prins par le dit Bareau et autres, et le emmenèrent devant la barrière du prioré dudit lieu de Vouzailles, et ilec le attachèrent. Et pour ce que le dit bouc faisoit grant bruit, ledit Ymbert Mereau, qui demoura à la porte dudit prioré, avec lequel estoient les diz Pineau, Perrin Prahée, dit Cholet, le fist ramener en la court de la dicte hostellerie où il avoit esté prins, et assez tost après, icelui Prahée, dit Cholet, retourna par devers les diz Ymbert et Pineau, qui estoient à la dicte barrière, et leur dist que les diz Loys Bareau et Julien Charpentier, qui estoient demourez en la dicte maison pour avoir le dit cinge estoient descouvers. Et tantost après les diz Pineau et Ymbert Mereau et ledit Prahée, dit Cholet, s’en retournèrent et revindrent vers la maison de la dicte hostellerie, et se misdrent en ung cymetière qui est devant la dicte maison, et eulx estans oudit cymetière, oyrent que le dit basteleur et ses gens faisoient grant noise à l’occasion de ce qu’ilz avoient oïz les diz Bareau et Charpentier oudit hostel, et telement que ledit basteleur yssi hors de la dicte hostellerie pour savoir que c’estoit. Et alors les diz Pineau, Cholet et autres d’entr’eulx commancèrent à giecter des pierres vers la porte où estoit ledit basteleur, telement qu’il se remist en ladicte hostellerie et ferma l’uys sur lui et ses gens. Et pour ce que de rechief iceulx basteleur et ses gens, après qu’ilz eurent fermé l’uys, commencèrent à cryer et à tancer plus que paravent, ne scet le dit Ymbert à qui, et pour doubte que lui et ses diz compaignons ne feissent vilennie audit Lucas Mereau, hostellier, son père, il fist tant que ladicte porte lui fut ouverte, et entra dedans, et commança à dire audit Loys Bareau et Charpentier que ce n’estoit pas bien fait de faire ceste noise, et leur dit : « Je vous pry, alez vous en ». Et adonc les diz Bareau et Charpentier [p. 101] yssirent hors de la dicte hostellerie, et demoura en ladicte maison ledit Ymbert. Après lesquelz Bareau et Charpentier, Gilette, femme de Olivier Guillardet, basteleur, contre la voulenté dudit Ymbert, yssi hors, la quelle ledit Ymbert cuida de son povoir desmouvoir qu’elle ne yssist hors la dicte hostellerie ; mais ce nonobstant, elle yssi hors en cryant à haulte voix et par plusieurs foiz : « Aux larrons ! aux larrons ! » Contre laquelle femme, ainsi que on dit, ledit Julien Charpentier retourna, et pour la faire taire ou autrement, de sa voulenté, lui donna d’un baston qu’il avoit sur la teste ou ailleurs, telement qu’elle cheut au travers de l’usserie. A l’occasion de laquelle bateure et choses dessus dictes, ladicte Gilette qui estoit grosse d’enfant, comme l’en disoit, cinq ou six jours après ou environ, ala de vie à trespassement. Pour lequel cas ledit Ymbert Mereau, doubtant rigueur de justice s’est absenté du pays et a delaissé ses père et mère et autres ses parens et amys, et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que ledit Ymbert Mereau est jeune filz et tout son temps s’est porté et gouverné bien et deuement, et est enfant de bon fame et renommée, etc., et que, s’il donna conseil d’aler en la maison de son dit père, ce fut moyennant ce qu’ilz ne feroient point de noise, et que quant il fut entré en la dicte maison il departit les diz basteleur, Bareau et Charpentier, à son povoir, afin qu’il n’y eust aucune noise, et que les diz coups qui furent baillez par ledit Charpentier ou Bareau à la dicte femme dudit basteleur ne lui furent pas baillez par lui, et n’en fut cause ne consentant de ce faire, aussi n’estoit il pas present et en fut très desplaisant, et que desja satisfacion a esté faicte audit mary par celluy qui fist le coup, il nous plaise sur ce lui pourveoir et impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., audit Ymbert Mereau oudit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux bailli de Touraine et des ressors [p. 102] et exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, le xvie jour de decembre l’an de grace mil cccc.xlviii, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. G. de Bloys. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Sic. Peut-être faudrait-il lire « Benassay ».

2 Le prieuré et la cure de Saint-Hilaire de Vouzailles dépendaient de l’abbaye de Bourgueil en Touraine. La seigneurie ayant titre de châtellenie appartenait à la même abbaye et relevait de Mirebeau.

3 Mots omis. « Il les eust fait mettre en prison », lit-on dans le texte des lettres octroyées à Louis Bareau pour la même affaire. (Octobre 1448, ci-dessus, n° MCLXVIII.)