MCCXV
Rémission octroyée à Jacques Poussart, écuyer, coupable d’avoir frappé mortellement de plusieurs coups de javeline le sr Bouchart qui avait envahi, avec d’autres officiers de la dame de Cherveux, la cour de son hôtel de Beauregard et voulait se saisir de lui au nom de ladite dame.
- B AN JJ. 185, n° 242, fol. 173
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 251-257
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jacques Poussart1, escuier, aaigié de xxvi. à xxvii. ans ou environ, contenant comme pour occasion de la mort de feu Simon Peletier, ledit suppliant eust obtenu noz autres lettres en double queue, desquelles l’on dit la teneur estre tèle : « Charles, etc… Donné à Paris, le xxiime jour de juing l’an de grace mil quatre cens cinquante, et de nostre règne le xxviiime2. » Lesquelles noz lettres dessus transcriptes il eust presentées à nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, et de lui eust obtenu ses lettres executoires, par vertu desquelles il eust fait adjourner la vefve et autres parens d’icellui feu Simon par devant nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant audit Poictiers, à certain jour ensuivant. Auquel jour les [p. 252] dictes parties comparurent et mesmement ledit suppliant en sa personne, et requist l’enterinement de ses dictes lettres dessus inserées, sur le contenu desquelles il fut examiné ; et après furent les dictes lettres debatues par nostre procureur et autres parties adverses dudit suppliant, et ledit suppliant mis en recreance de sa personne ; et sur ce a esté tellement procedé que les parties furent appoinctées contraires et en enquestes, si comme on dit ce plus à plain apparoir par l’acte de la court de nostre dit seneschal. Et depuis, ou mois de mars derrenier passé, icelui exposant, pour ce qu’il se disposoit pour nous venir servir au recouvrement de nostre païs de Guienne, obtint noz lettres d’estat jusques à six moys, lesquelles lui furent enterinées par nostre dit seneschal ou son lieutenant, du consentement de ses parties adverses. Nonobstant lesquelles choses dessus dictes, la dame de Cherveux3, à l’occasion de la mort dudit feu Simon, envoya, le penultime jour dudit mois de mars, à l’ostel de Losmelière appartenant à Mathurine Lamberte4, mère dudit suppliant, pluseurs [p. 253] personnes armés et embastonnez d’armes invasibles et deffendues, cuidans y trouver ledit suppliant pour le faire prendre, jasoit ce qu’il fust en recreance et en procès, comme dit est. Et pour ce qu’ilz ne le trouvèrent pas, prindrent et ravirent oudit hostel grant quantité de biens appartenans à icelle Lamberte et les emportèrent ou bon leur sembla, et ne vouldrent oncques cesser, pour quelque opposicion ou appellacion qu’elle fist, et laquelle appellacion elle a depuis bien et deuement relevée en nostre court de Parlement et fait adjourner sur actemptaz Jehan Chaigne à comparoir en personne en nostre dicte court. Et depuis ladicte Lamberte s’est traicte par devers les officiers de la dicte dame de Charveux, en leur requerant qu’ilz lui voulsissent rendre et restituer ses diz biens et lui en faire delivrance ; lesquelz deuement acertainés les diz biens estre et appartenir à icelle Lamberte, lui en ont fait planière delivrance. Mais icelle dame de Cherveux n’a à ce voulu obtemperer en haine dudit suppliant, et qui plus est a dit par pluseurs foiz et s’est ventée, et aussi ledit Chaigne, ung appellé Bouschart et autres serviteurs et officiers d’icelle dame, que tous les maulx et desplaisirs qu’ilz pourront pourchasser à ladicte Lamberte et audit suppliant, son filz, qu’ilz le feront, et que s’ilz povoient prendre icelui suppliant, qu’ilz le feroient pendre, et par pluseurs foiz se sont transportez les diz Bouschart, Chaigne et autres au lieu de Beauregart et autres lieux, pour cuider prendre ledit suppliant, et fait en iceulx lieux pluseurs maulx et oultraiges, comme batu chamberières, prins et ravy les biens estans en iceulx et fait pluseurs [p. 254] autres maulx. Et entre les autres, le mercredi d’après Pasques, vindrent audit lieu de Beauregart appartenant à Guillaume Lambert, oncle du dit suppliant, environ soleil levant, Jehan Paler, de Nyort, soy disant nostre sergent, ledit Jehan Chaigne, Jehan Boutet, André Bouschart, Jehan Barreau, l’aisné, Millet Rouillé, Jehan Fornerat, Jehan Peletier et pluseurs autres jusques au nombre de vint ou environ, armez et embastonnez d’espées, dagues, javelines, espioz, fourches de fer et autres armes invasibles. Et quant ilz furent arrivez audit lieu, ilz entrèrent au dedans de la court dudit hostel, jusques au nombre de sept ou huit par une petite…5 qui est devers le coulombier, qu’ilz rompirent, et alèrent ouvrir ung autre huys, et eulx estans ainsi dedans la dicte court et gardans les portes dudit hostel, vint le paige dudit suppliant par devers lui, lui estant encores couchié en ung lit, et lui dist : « Mon maistre, il y a en la court de ceans ung grant taux de gens embastonnez qui ont ouvert et rompu les portes et veulent entrer ceans. » Et incontinent icellui suppliant se leva et print son pourpoint, sa jacquète et son espée au costé, et s’en ala sur le valet6 de la porte qui entroit oudit hostel, et regarda en la dicte court où il vit les dessus diz et les portes rompues et gens qui les gardoient, et entre lesquelz il y apperceut ledit Bouschart qui tenoit ung espiot en sa main. Et pour ce que les aucuns d’eulx estans dessoubz ledit valet s’efforçoient d’entrer dedans le dit hostel, ledit suppliant leva deux hais du plancher et gecta deux pierres, ne scet s’il en frappa aucuns ou non ; aussi ne savoit il lors qui ilz estoient. Mais, à l’occasion des dictes pierres, s’en saillirent dudit valet et laissèrent ung cheval dedans. Et [p. 255] lors icelui suppliant, ayans à memoire les menaces que lui avoit faites et données ladite dame de Cherveux et ses serviteurs, et mesmement ledit Bouschart, lequel s’estoit pluseurs foiz jacté et venté que s’il povoit tenir à son avantaige ledit suppliant, qu’il le pendroit au premier arbre qu’il trouveroit, s’il n’y avoit autres qui le pendissent, doubtant cheoir entre leurs mains, veant qu’il ne povoit garder qu’ilz n’entrassent oudit hostel, s’en sailli d’icellui hostel et dist à son dit paige qu’il lui baillast sa javeline par là où il avoit levé lesdiz deux hais, ce que ledit paige fist. Et quant icelui suppliant fut en la court du dit hostel, il rencontra ledit Paler, nostre sergent, auquel il dist, en mettant la javeline encontre lui, qu’il se ostast de son chemin et s’en saillist hors de la dicte court, ou autrement qu’il le tueroit. Lequel Paler, dist audit suppliant : « Pour Dieu, mercy, je ne vous demande riens. » Et adonc lui dist ledit suppliant que non faisoit il pas à lui. Et pour ce icelui suppliant, cuidant s’en fouyr et aler hors dudit hostel, se tira vers la porte qui estoit rompue ; à laquelle porte il trouva ledit Bouschart et pluseurs autres, ausquelz il dist qu’ilz se ostassent de son chemin, ou autrement il les tueroit. Lesquelz se ostèrent, excepté ledit Bouschart qui se mist à costé de la porte par le hors, dressant son espiot contre icellui suppliant pour le vouloir frapper, en passant la dicte porte. Auquel ledit suppliant dist : « Je suis appellant de toy, de la dame de Cherveulx et de tous ses officiers, et non obstant l’appel tu es venu ycy pour me tuer ; mais par le sang Dieu, tu te osteras ou je te tueray ». Lequel Bouchart ne se voult aucunement oster dudit chemin. Et adonc ledit suppliant le frappa de ladicte javeline par le braz ou par le costé, ne scet lequel. Et lors ledit Bouchart se recula, et icellui suppliant sailli hors de la dicte court. Mais pour ce que ledit Bouchart avoit tousjours son espiot tendu contre lui, et ne disoit mot, et se tenoit tousjours ou chemin dudit suppliant, [p. 256] icelui suppliant, doubtant que lui et autres se raliassent contre lui, frappa ledit Bouchart de ladicte javeline parmy le braz et par l’espaule trois ou quatre cops, en le reculant jusques devant la grant porte dudit hostel, sans aucunement avoir voulenté de le tuer, mais le reculer de son chemin. Et lors ledit Bouchart commença à crier au murtre et s’en fouir, et tous ses compaignons, excepté ledit Paler, qui estoit transi de paour, combien qu’il n’eust esté aucunement frappé. Lequel Paler requist audit suppliant qu’il eust son cheval, qui estoit demouré audit valet ou en la dicte court, et il lui dist qu’il le alast querir, ce qu’il fist. Et lui bailla son page, pour lui aider à monter, parce que, comme dit est, il estoit comme transi ; et dist icelui suppliant audit Paler que plus il ne autres ne retournassent oudit hostel, et que, s’ilz y retournoient, qu’il les villeniroit du corps. Et ce fait, ledit suppliant se habilla et monta à cheval et s’en ala audit lieu de Losmelière, appartenant à sa dicte mère, querir certain argent qu’il y avoit laissé, et puis s’en retourna audit lieu de Beauregart, où estoient ses chevaulx et habillemens de guerre, et s’en parti pour aller ou païs de Guienne. Et le lendemain, ledit Bouchart, à l’occasion desdiz cops ou autrement par mauvaiz gouvernement ala de vie à trespassement. Par le moien duquel cas ainsi avenu que dit est, ledit suppliant, qui tousjours a esté en nostre service au recouvrement de nostre païs et duchié de Guienne, doubtant rigueur de justice, n’a osé ne encores n’ose retourner au païs, se nostre grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties. Et pour ce, nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que ledit cas est avenu de chaude colle et, quant ledit Bouchart et autres estans avec lui, vindrent audit hostel, il doubtoit qu’ilz le voulsissent prendre et mener à la dicte dame de Cherveulx qui s’estoit ventée de le faire pendre, s’elle le povoit tenir, que, quant il frappa premierement ledit Bouchart, icelui se doubtoit, [p. 257] pour ce que ledit Bouchart avoit ung espiot, qu’il le voulsist blecer et villener, et ne se vouloit oster de son chemin, il nous plaise nos dictes grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées et les bons et agreables services que ledit suppliant nous a faiz, tant au recouvrement de nostre païs et duchié de Guienne que autrement, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit, en faveur des choses dessus dictes et de son jeune aaige, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Maixent, ou moys de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. Chaligaut.