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MCXCIV

Rémission en faveur de Colas Béreau, qui dans une discussion d’intérêt avec son fils Georget, outragé et battu par lui, l’avait frappé à la tête d’un coup de bâton dont il mourut le jour même.

  • B AN JJ. 186, n° 15, fol. 8
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 192-194
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Colas Bereau, aagé de lxxv. ans ou environ, contenant que jà pieça ledit suppliant fut conjoinct par mariage avec Perrete Michonnelle, desquelz et dudit mariage yssirent plusieurs enfans, et entre les autres ung nommé Georget Bereau, lequel il norry comme son enfant jusques à ce que icellui Georget fut en aage competant de gangner sa vie, qu’il s’en ala vacabondant par le païs ; de quoy ledit suppliant estoit dolant et corroussié. Et fist tant icellui suppliant qu’il le maria avecques une nommée Jehanne Clemende, et au [p. 193] traicté dudit mariage fut appoincté que lui et sa dicte femme demourroient avecques le père d’icelle Clemende ; mais tantost après lesdictes nopces faictes, icellui Georget, qui estoit oultrageux et noiseux, print debat avecques le père de sa dicte femme, et tellement qu’il les mist hors de son hostel, et s’en alèrent demourer à par eulx, où ilz furent par aucun temps. Et pour ce que ledit suppliant voioit la povreté de son dit filz et de sa femme, meu d’amour naturelle envers eulx, fist tant qu’ilz s’en alèrent demourer avecques [lui], et voult qu’ilz feussent communs en biens meubles. Et tantost après qu’ilz furent ainsi ensemble en communité, certaine maladie print audit Georget, laquelle le detint par aucun temps, pendant lequel temps ledit suppliant et ses gens escardèrent et fillèrent une tresse pour faire ung drap, dont la laine leur avoit esté baillée par ung marchant, et en devoit avoir icellui suppliant pour sa peine xx. solz tournois. Et incontinent que ledit Georget fut guery, il print noise à son dit père, pour ce qu’il lui avoit dit qu’il ne devoit pas avoir tant de l’argent qui estoit venu d’escarder et filler la dicte tresse, comme lui, parce qu’il n’en avoit pas eu tant de peine et de travail. Et à ceste cause s’entreprindrent de paroles, et dist ledit Georget audit suppliant, son père, que c’estoit ce que les gens lui avoient dit qu’il ne feroit jà son proffit de demourer avec son père ; et lui dist bien malicieusement et oultrageusement qu’il se vouloit departir de lui et avoir sa part desdiz biens. Lequel suppliant, jasoit ce qu’il fust bien corroussé de l’oultrage que lui faisoit et disoit son dit filz, et de ce qu’il ne lui vouloit obeir, lui dist qu’il estoit content de lui bailler sa part, puisqu’il le vouloit laisser, mais qu’il vouloit qu’il y eust des gens pour veoir departir leurs biens, et qu’il alast querir pour lui qui bon lui sembleroit. Lequel Georget dist bien arroganment qu’il n’yroit jà querir personne, et que s’il ne vouloit bailler sa partie desdiz biens, qu’il le feroit excommenier. Et lors [p. 194] icellui suppliant, voiant l’oultrage de son dit filz, geta contre lui unes escardes qu’il avoit en sa main ; et adonc icellui Georget print ung baston en soy retournant contre ledit suppliant, son père ; et icellui suppliant, doubtant qu’il le voulsist frapper, en print ung autre et vint contre son dit filz, qui dudit baston qu’il tenoit frapa son dit père sur la main, et ledit suppliant le frappa aussi du baston qu’il tenoit par la teste ung seul cop, dont il ne sailli point de sang. Et ce fait, qui fut environ six heures devers le matin, ledit Georget sailly hors de la maison de son dit père, criant que son père l’avoit frapé et qu’il s’en yroit plaindre à justice et le feroit prendre ; et ala et vint par le vilage où ilz demouroient, depuis souleil levant jusques environ dix heures, à la quelle heure lui print mal, et tellement que cellui jour environ minuit il ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas ainsi advenu que dit est, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce, nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu, etc., qu’il n’avoit point d’entencion de tuer son dit filz, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. cinquante, et de nostre règne le xxixe.

Ainsi signé : Par le roy à la relacion du conseil. Daniel. — Visa. Contentor. E. Froment.