MCCIV
Rémission accordée à Pierre Micheau, hôtelier de Moricq, commis à l’administration du prieuré de Saint-Benoît, dépendant de l’abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm, fermier de l’imposition des xii. deniers pour livre à Moricq, et à son gendre, André Goupilleau, coupables du meurtre de Pierre Herbreteau, qui avait insulté la femme dudit Micheau.
- B AN JJ. 185, n° 105, fol. 81 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 220-226
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble [p. 221] supplicacion des parens et amis charnelz de Pierre Micheau et André Gouppilleau, son gendre, contenant que ledit Micheau, lequel tient son dommicile au lieu de Moric en la parroisse d’Angles en nostre païs de Poictou, a acoustumé tenir hostellerie et logier les poissonniers qui vont querir poisson au port dudit lieu de Moric, qui est port de mer, et ilec environ, et aussi recevoir et logier les marchans du païs de Bretagne et autres, qui ont acoustumé converser et frequenter ilec environ, pour aler querir et acheter des vins en Tallemondoys et ailleurs ou païs environ ledit lieu, pour les charger au port dudit lieu de Moric et les enmener ou païs de Bretaigne. Lequel Pierre Micheau et ung nommé Pierre Herbreteau ont esté, depuis dix ans ençà, commis et ordonnez à lever soubz nostre main le temporel du prieuré Sainct Benoist, membre deppendant de l’abbaye de Saint Michiel en Lair, lequel a esté prins et saisy en nostre dicte main pour plusieurs causes plus à plain declairées ès lettres de commission. Duquel lieu de Moric, où est demourant ledit Micheau, ledit lieu de Sainct Benoist est distant de demie lieue ou environ. Duquel prieuré de Sainct Benoist lesdiz Micheau et Gouppilleau ont prins et levé soubz nostre main plusieurs années les fruitz, prouffiz, revenues et emolumens, comme compaignons ensemble, de quoy ilz ont encores à compter au prieur dudit lieu de Sainct Benoist, lequel a, comme l’on dit, fait lever et hoster nostre dicte main dudit prieuré. Par le moyen de laquelle commission et aussi de la ferme de l’imposition de xii. deniers pour livre, de laquelle ledit Micheau estoit fermier de par nous audit lieu de Moric, ledit Pierre Herbreteau, qui demouroit aux Moustiers des Maufaiz, à deux lieues dudit lieu de Moric et aussi dudit lieu de Sainct Benoist, a souvent conversé et frequenté en l’ostel dudit Micheau audit lieu de Moric, et avecques lui y a conversé ung nommé Anthoine Caut, dudit lieu des Moustiers, qui y aloit pour ses affaires et se logeoit avecques [p. 222] ledit Herbreteau en l’ostel dudit Micheau, pour ce qu’ilz estoient voisins et dudit lieu des Moustiers. Lesquelz Herbreteau et Caut, le xiie jour du mois de mars derrenier passé, estans en l’ostel dudit Micheau audit lieu de Moric, en la compaignie d’aucuns marchans et poissonniers qui y estoient logiez ; et ainsi qu’ilz beuvoient et mengeoient, ledit Caut dit publiquement audit Pierre Herbreteau en adreçant ses paroles à lui, que c’estoit il qui autresfoiz avoit volu chevaucher leur hostesse, femme dudit Micheau, laquelle estoit là presente avec son dit mary. Et aussi estoit present ausdictes paroles ledit André Gouppilleau, filz de ladicte femme et gendre dudit Micheau ; mais que ladicte femme l’avoit reffusé et contredit, et l’avoit rebouté et reppousé comme une asnesse, tellement qu’il ne l’avoit peu faire. Desquelles paroles ladicte femme, qui estoit presente à icelles, fut bien esmerveillée et desplaisant et dist audit Le Caut que c’estoit mal dit à lui de dire telles paroles, lesquelles n’estoient pas vrayes et qu’il s’en teust. Aussi lui disdrent lesdiz Pierre Micheau et André Gouppilleau, filz de la dicte femme, et les autres qui estoient presens, qui blasmèrent fort ledit Caut d’avoir dit lesdictes paroles. Lequel Herbreteau, duquel ledit Caut avoit dit lesdictes paroles, ne fist pas grant response, et sembloit à sa contenance et manière que lesdictes paroles eussent esté dictes de son consentement et qu’il en eust esté et feust d’accord, combien que au derrenier et après ce que ledit Herbreteau vit et oyt que ladicte femme eust respondu audit Caut, et que les marchans qui estoient presens ausdictes paroles le eurent blasmé d’avoir dit lesdictes paroles et lui avoient dit qu’il laissast icelles paroles et qu’elles ne valoient riens, il dist qu’il estoit vray que c’estoit mal fait de dire lesdictes paroles et qu’il n’estoit riens de ce que disoit ledit Caut, et que jamais n’avoit pryé ne requis ladicte femme. Et atant se departirent lesdiz Herbreteau, Caut et autres qui y estoient ilec presens, [p. 223] et s’en alèrent chacun à ses affaires. Et ledit jour, devers le soir, lesdiz Herbreteau et Caut retournèrent de rechief en ladicte maison dudit Pierre Micheau, en laquelle estoient lors logiez certains marchans poissonniers de Fontenay le Conte, pour y coucher et logier, et en celle heure qui estoit environ jour faillant, survint en ladicte maison ung nommé Mathurin Jauneau, qui estoit d’ilec environ, et demanda aucuns marchans du païs de Bretaigne qui avoient logié oudit hostel, pour avoir l’argent d’un tonneau de vin qu’il leur avoit vendu ; lesquelz il ne trouva pas et s’en estoient jà partiz et retraiz pour aler coucher en leurs vesseaulx, qui estoient au port sur la mer. Lequel Jauneau ala après les diz marchans et en aconceut ung ou chemin, et le fist retourner à l’ostel dudit Pierre Micheau. Et quant il fut oudit hostel, ledit Mathurin lui demanda, en la presence desdiz Pierre Micheau, sa femme, André Gouppilleau, gendre dudit Micheau, Herbreteau et de pluseurs autres l’argent de son tonneau de vin qu’il lui avoit vendu. Auquel Jauneau ledit marchant de Bretaigne respondit que son marchant qui avoit acheté de lui ledit tonneau de vin et le devoit paier estoit jà party et s’en estoit alé à ce jour en Bretaigne par terre et que, au regard de lui, il ne le lui devoit pas paier, combien qu’il eust tasté ledit vin, et encores le paieroit il voulontiers s’il avoit argent, mais qu’il n’en avoit point, au moins tant qu’il lui en estoit deu, et que à l’autre venue qu’il vendroit ou païs il le paieroit sans nulle faulte, en le requerant qu’il lui pleust attendre. Auquel marchant ledit Jauneau respondit qu’il vouloit estre paié et qu’il ne attendroit point tant que demandoit ledit marchant, et qu’il avoit neccessité et besoing de son argent, et que avant qu’il partist du païs, qu’il seroit paié. Et lors la femme dudit Micheau dist audit Jauneau qu’il estoit bien raison qu’il feust paié, mais qu’il avoit faulte que plus tost il n’estoit venu requerir et demander son argent, avant que les autres marchans [p. 224] s’en feussent alez, et qu’il convenoit qu’il attendist ledit marchant à sa première venue pour estre payé, pour ce que lors il n’avoit de quoy le paier. En disant lesquelles paroles par ladicte Jehanne, ledit Herbreteau qui estoit present et retourné en l’ostel dudit Micheau, pour y coucher et logier, print les paroles pour ledit Jauneau, qui demandoit son argent et commença à tenser à ladicte Jehanne, en lui disant telles paroles : « Voire, dame, et dont ce povre homme yra après eulx sur la mer, nouant1 comme les goilètes, querir son argent ! » Et commencèrent lors lesdiz Herbreteau et Gouppilleau à eulx entreprendre de paroles hayneuses et contencieuses. Lequel Gouppilleau dist audit Herbreteau qu’il pourroit bien avoir tort de tancer et dire tant de paroles à sa mère, comme il lui disoit. Et ledit Micheau pareillement lui dist que oyl et qu’il alast en sa maison sans tanser. Et lors ledit Caut dist audit Herbreteau qu’il alast querir sa jument et qu’ilz s’en alassent ; et se misdrent lesdiz Herbreteau et Caut à chemin pour querir la dicte jument et eulx en aler. Et eulx en alant, lesdiz Micheau et Gouppilleau, qui estoient indignez et courrouciez des paroles que avoit dictes ledit Herbreteau à la femme dudit Micheau, mère dudit Gouppilleau, saillirent hors et alèrent à l’estable où estoit la jument dudit Herbreteau, lequel aussi y aloit et tousjours tanssoit. Lesquelz, en alant, eurent pluseurs paroles entre eulx contencieuses, et disoit ledit Herbreteau pluseurs paroles injurieuses, à l’occasion desquelles et des autres qui avoient esté dictes par avant, ce mesme jour, de la femme dudit Micheau, mère dudit-Gouppilleau, dont ilz se sentoient fort injuriez, tant par ce que elles avoient esté dictes publiquement et en la presence de plusieurs marchans de divers lieux que autrement, ledit Gouppilleau, à l’occasion aussi de ce que ledit Herbreteau se voult [p. 225] efforcier d’assaillir, villener et injurier du corps ledit Gouppilleau et se print à lui, print une pierre et en frappa ledit Herbreteau par la teste ; et ledit Micheau, meu de chaudecole, doubtant que ledit Herbreteau le voulsist frapper ou lui courir sus, et aussi pour deffendre son dit gendre, tira son cousteau et l’en frappa ung coup ou cousté ; duquel coup ledit Herbreteau, par faulte de gouvernement ou autrement, est alé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, lesdiz Micheau et Gouppilleau, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du païs et n’y oseroient jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerans que, attendu ce que dit est et que lesdiz Pierre Micheau et André Gouppilleau sont gens paisibles, de bonne fame et renommée et honneste conversacion, non actains ne convaincuz d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et que ou temps dudit cas et qu’il advint, ilz estoient troublez et esmeuz des paroles dictes de la dicte femme dudit Micheau, mère dudit Gouppilleau, qui touchoient grandement son honneur, laquelle est bien renommée, et aussi parce que ledit Herbreteau se voult efforcier de courir sus audit Gouppilleau, par quoy il fut meu, pour soy deffendre, gecter ladicte pierre contre ledit Herbreteau, et que par avant lesdictes paroles dictes de la femme dudit Micheau, mère dudit Gouppilleau, n’avoit entre eulx aucune hayne precedent, debat ne division, mais conversoient et partissipoient ensemble, comme bons amis, et que ledit cas est advenu de chaudecole et pour les paroles qui avoient esté dictes de la femme dudit Micheau, et aussi de ce que ledit Herbreteau avoit tanssé et tanssoit ladicte femme, et leur avoit dit plusieurs paroles injurieuses, comme dit est, desquelles ilz estoient esmeuz et eschauffez, et aussi que c’estoit au soir et après boire, et que lesdiz Micheau et Gouppilleau sont chargez de femmes et petiz enfans, lesquelz seroient en avanture [p. 226] de mendier et aler miserablement querir leur vie, se les diz Micheau et Gouppilleau estoient corporelement puniz ou estoient longuement absentez du païs, il nous plaise sur ce leur impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz Pierre Micheau et André Gouppilleau et à chacun d’eulx avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxixe, après Pasques.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil, H. Machet. — Visa. Contentor.