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MCCXXVIII

Rémission accordée à Guillaume Siet, d’Ambière (aujourd’hui Saint-Genest), [p. 296] poursuivi pour refus de payer le droit d’apetissement levé par le vicomte de Châtellerault et coupable d’avoir rompu son arrêt, à condition qu’il réintégrera la prison où il était détenu.

  • B AN JJ. 184, n° 230, fol. 154
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 295-298
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Siet1, povre homme, parroissien d’Ambière en la viconté de Chastelerault, chargié de femme et enfans, contenant que ou mois de juing ou de jullet l’an mil iiiicli, pour lors que les assises furent tenues ou chastel de Gironde pour ledit viconte, pour ce que ledit viconte avoit par long temps levé ou fait lever par ses gens et officiers en ladicte viconté, quoy que soit en ladicte chastellenie, l’appetissement du vin vendu à detail qui est la xe partie, par droit et octroy par nous à luy fait, comme il vouloit dire, et que ledit suppliant et autres avoient contredit et reffusé à payer icelluy appetissement au fermier dudit viconte, ilz furent trais en court et procès par ses gens et officiers, et leur fist l’en peticion et demande dudit appetissement. Et pour ce que en furent reffusans et contredisans de le payer, disans qu’ilz avoient vendu à la grant mesure et par ce qu’ilz ne devoient riens, ilz furent detenus et mis en l’arrest de la court, et leur fut deffendu de partir dudit chastel. Mais ce non obstant, ledit suppliant s’en party et s’en ala en sa maison, et en enfraigny ledit arrest et la deffence faicte par le juge de Chastelerault qui tenoit et avoit tenu les dictes assises. Et pou de temps après, ung nommé Perrin Mirebeau, soy disant [p. 297] sergent en la chastellenie, se transporta en l’ostel dudit suppliant, lequel il voult excecuter et prendre de ses biens pour ledit appetissement. Pour laquelle chose il en appella à nous et à nostre court de Parlement, en laquelle il a depuis relevé son dit appel bien et deuement, et fait adjourner le dit sergent et intimer ledit viconte. Mais ces choses nonobstans, aucuns des officiers dudit Chastelerault, avec ung nommé Guyon Vorry et Guillaume de La Chèze, eulx disans noz sergens, armez et embastonnez, vindrent et se transportèrent depuis en l’ostel dudit suppliant à heure de nuyt, heure indeue et deffendue, accompaignez d’aucuns frans archers, duquel ilz prindrent realment et de fait, tant par jour que par nuyt, plusieurs des biens dudit suppliant en très grant nombre et quantité, comme blé, vaisselle, or et argent et plusieurs autres choses. Depuis lesquelz exploix ainsi faiz, ledit suppliant se trahy incontinent par devers nouz et nostre chancelerie estant à Taillebourg2, afin d’illec prendre et trouver sa provision touchant les faiz dessus diz. Mais en icelle pourchassant et à la requeste de ses parties adverses, qui ne queroient que à le destruire, soubz umbre de ce qu’ilz le disoient avoir enfraint l’arrest dont dessus est faicte mencion, ilz le firent prendre au corps et constituer prisonnier en la grosse tour dudit Taillebourg, où il fut detenu l’espace de trois sepmaines et plus, où il fut interrogué par maistre George Havart3, maistre des requestes de nostre [p. 298] hostel, et par le prevost de noz mareschaulx. Et depuis fut amené prisonnier ès prisons de Poictiers, desquelles il a trouvé moyen de saillir et soy mettre hors, et les a de fait enfraintes et rompues, et s’est mis icellui suppliant en franchise en l’eglise Saint Pierre le Grant dudit Poictiers. Et s’est icellui suppliant par long temps absenté du pays, pendant lequel deux de ses enfans sont alez de vie à trespassement ; lequel, qui pour raison des choses dessus dictes a grandement perdu du sien, et n’a ausé ne ause retourner sur son bien, pour demourer avec sa dicte femme et enfans, doubtant que à l’occasion dessus dicte aucuns de noz subgetz ou officiers le vueillent pour ceste cause prendre ou apprehender en sa personne, ou le vexer et traveiller en nostre royaume, ouquel il n’oseroit bonnement converser ne repairer, se nostre grace et misericorde ne luy estoit sur ce impartie, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu qu’il a esté tousjours de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans onques avoir esté actaint ne convaincu d’aucuns autres villains cas, blasme ou reprouche, nous luy vueillons sur ce impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur de sa dicte femme et enfans, avons, ou cas dessus dit, quicté, remis et pardonné, etc., ensemble les deffences, ban ou appeaulx qui en seroient contre luy ensuys, etc., pourveu que ledit suppliant sera tenu de reintegrer lesdictes prisons où il estoit prisonnier detenu, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. cinquante deux, et de nostre règne le xxxe.

Ainsi signé : Par le conseil. Cornu. — Visa. Contentor. Valengelier.


1 On lirait plutôt Fiet en cet endroit ; mais dans de nouvelles lettres de rémission obtenues par ce personnage en janvier 1454 n.s., publiées ci-dessous, le nom est très lisiblement écrit Siet. Cette forme ayant paru plus satisfaisante, on l’a adoptée pour les deux textes. Guillaume Siet était prisonnier à Poitiers, le 20 novembre 1464, à la requête de Jean Barbin (ci-dessus, p. 288, note). A cette date, le Parlement mande au sénéchal de Poitou de le remettre en liberté, s’il appert qu’il a fait ce qu’il devait pour désintéresser ses créanciers. (Arch. nat., X2a 34, fol. 56.)

2 Charles VII séjourna à Taillebourg depuis les premiers jours de juillet 1451 jusqu’à la fin de l’expédition de Guyenne, c’est-à-dire pendant les mois de juillet, août et septembre. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 75, 76.)

3 Georges Havart, chevalier, seigneur de la Rosière au Perche et autres lieux, vicomte de Dreux et sénéchal héréditaire du comté d’Eu, conseiller du roi, nommé maître des requêtes de l’hôtel vers 1450, remplit diverses missions politiques durant les dernières années du règne de Charles VII et sous Louis XI. Il mourut l’an 1484 et avait épousé Antoinette d’Estouteville. (Blanchard, Les généalogies des Maistres des requestes, in-fol., 1670, p. 178 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V et VI, passim.)