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MCLXII

Rémission octroyée à Alexandre du Leude et à Jean Pichier, écuyers, qui avaient frappé mortellement un nommé Etienne Paris, pour se venger de ce que celui-ci, quelques jours auparavant, avait aidé à conduire en prison ledit du Leude qui, dans une taverne à Rom, s’était pris de querelle avec Jean Audouyn et lui avait donné un coup de dague.

  • B AN JJ. 179, n° 132, fol. 69
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 77-80
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Alixandre du Leude et Jehan Pichier1, escuiers, contenant que deux ans a ou environ que ledit Alixandre se transporta à Rom en nostre pays de Poictou, en l’ostel d’ung nommé Gibault, lequel tenoit vin à vendre audit lieu ; en laquelle maison estoient plusieurs autres personnes et gens de villaige ; lequel Alixandre vouloit affermer et bailler à ferme certaines dismes estans en ladicte parroisse de Rom, appartenans à lui, à Jehanne [p. 78] et Marie de Leude, ses seurs ; et pareillement oudit hostel estoit audit lieu de Rom ung nommé Jehan Audouyn2, homme non noble, lequel avoit mis les dismes de l’arceprestre dudit lieu de Rom à pris, et eulx estant ensemble ainsi en la dicte maison, lesdiz Alixandre et Audouyn eurent parolles contencieuses d’une pièce de terre, en laquelle ledit Alixandre disoit avoir droit de prandre dismes, et ledit Audouyn disoit au contraire et que [la] disme de ladicte pièce de terre appertenoit audit arceprestre. Auquel Audouyn ledit Alixandre dist qu’il mentoit, à quoy ledit Audouyn respondit mais lui mentoit. Après lesquelles parolles ledit Alixandre incontinent tira sa dague et en frappa ledit Audouyn par l’espolle ; et incontinent qu’il [eut] ainsi frappé ledit Audouyn, quinze ou seize compaignons, qui illec estoient à la taverne, prindrent ledit Alixandre de leur auctorité privée, sans auctorité de justice et sans aucun sergent ne commandement d’aucun juge ayant à ce puissance, et ledit Alixandre lièrent et lui ostèrent sa dague, et après le menèrent en prison au lieu de Couhé, ès quelles prisons il demoura depuis le dimenche jusques au jeudi [p. 79] ensuivant. Et après que les dessus diz eurent ainsi mis et mené le dit Alixandre en prison, ilz s’en retournèrent en l’ostel d’un nommé Gentet, auquel avoit vin à vendre, et despendirent la dague dudit Alixandre. Et depuis, c’est assavoir le viiime jour de juing derrenierement passé, les diz Alixandre et Jehan Picher, mari de sa seur, supplians, estans au lieu de Roche Picher, en la maison dudit Jehan Picher, se transportèrent au lieu de la Feole, pour affermer leurs mestaieries, et d’ilec s’en alèrent soupper au Petit boys en l’ostel d’ung nommé Biroil, et après ce qu’ilz eurent souppé, se partirent dudit lieu pour aller coucher au Mimerez, [et] rencontrerent en leur chemin Estienne Paris et ung nommé Courtois, lesquelz les saluèrent ; et quant ilz furent passez oultre lesdiz supplians, ledit Alixandre eut memoire que c’estoit ung d’iceulx qui l’avoient menné en prison, et dist audit Jehan Picher, son frère, telles parolles : « Veez là de ceulx qui furent à moy mener en prison. Je vueil retourner pour lui donner ung soufflet. » Et lors ledit Picher dist audit Alixandre qu’il le prioit qu’il ne lui feust fait chose pour quoy ilz feussent en dangier de justice. A quoy ledit Alixandre respondy que non feroit il, et incontinent les parolles dictes, ilz s’en retournèrent et alèrent après ledit Paris ; lequel, quant il vit lesdiz supplians retourner contre lui, commença à fouyr à travers buisson ; lequel lesdiz supplians cerchièrent, et quant ilz l’eurent trouvé, mirent pié à terre et tirèrent leurs espées, et lors ledit Pichier le frappa deux cops du pommeau de son espée sur les espaules, et ledit Alixandre le cuida frapper du pommeau de son espée sur le visaige ; et ainsi que le dit Paris tourna le visaige, ledit Alixandre l’ataingny et le frappa sur la teste ung cop tant seulement, et atant se departirent. Et s’en ala ledit Paris à sa maison, et fut le dimenche ensuivant à la messe. Et ce fait, les diz supplians s’en alèrent couchier audit lieu de Mimerez. Lequel Paris a depuis vescu xi. jours, et le xii° jour ensuivant, [p. 80] par deffault de gouvernement, par accident d’autre maladie qu’ilz se meurent (sic), ou autrement, ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, les diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays et n’y oseroient jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerans que, attendu ce que dit est, et que les diz supplians sont gens de bon fame et renommée et honneste conversacion, non actains ou convaincus d’aucun autre vilain cas, blasme ou reproche, et qu’ilz n’avoient point entencion de blecer, mutiler ne tuer ledit Paris, et ne le frappèrent point d’estoc ne de taille de leurs espées, qu’il a longuement vescu depuis ladicte baterie, et lui peut estre soudainement sourvenue aucune maladie, de laquelle il peut estre alez de vie à trespassement, il nous plaise leur impartir icelles. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, aus diz supplians oudit cas avons remis, quicté et pardonné, etc., satisfaction faicte à partie civilement tant seulement, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bleré, ou moys de juillet l’an de grace mil quatre cens xlviii, et de nostre règne le xxvime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. E. Froment. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Nous avons vu que Jean Pichier fut l’un des écuyers de la compagnie de Jean de La Roche (La Rochefoucault), sr de Barbezieux, sénéchal de Poitou, et qu’il pouvait être fils de Guillaume Picher, écuyer, et de Catherine Janvre (vol. précédent, p. 13, note 5). Le nom de Jean Picher, écuyer, figure encore, parmi les témoins, au bas d’un acte d’hommage rendu à Barthomé Légier, seigneur de la Sauvagère, le 12 septembre 1460. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 170.)

2 Plusieurs familles de ce nom ont coexisté en Poitou et tous les personnages notés à l’article Audouin du Dict. des familles du Poitou (nouv. édit., t. I, p. 168) n’appartiennent pas à la même. Il serait d’ailleurs facile d’augmenter cette liste. Un Jean Audouin, dit de Laurière, aliàs de Lorroyère, poursuivi par le chapitre de l’église collégiale de Saint-Pierre du château de Thouars, en payement des arrérages d’une rente de 12 livres, qu’il devait depuis l’an 1400, et condamné par le sénéchal de Thouars, par le sénéchal de Poitou et par les Grands jours qui ordonnèrent la saisie des biens qu’il possédait dans la vicomté, entre la Sèvre et la Dive, transigea le 11 juillet 1419 et prit termes pour le payement de sa dette. (Arch. nat., X1c 118, n° 11.) Toutefois, il soutenait un nouveau procès au sujet de la même rente, le 10 février 1431 n.s., contre ladite église collégiale. (Id., X1a 9192, fol. 225.) Jean Audouin et Pierre Lamy, gardes de la Monnaie de Poitiers, furent condamnés à 200 livres d’amende et suspendus de leur office, le 30 avril 1433. (X2a 21, à cette date et au 2 mai suivant.) Un autre personnage de mêmes nom et prénom, qui par la région où il demeurait paraît appartenir à la famille de celui qui figure dans la rémission de juillet 1448, Jean Audouin, l’aîné, était appelant d’une sentence du sénéchal de Mairé-Lévescault, rendue contre lui au profit de Galehaut Séchaut, prieur du prieuré de Mairé-Lévescault ; le Parlement renvoya les parties devant le sénéchal de Poitou, par arrêt du 11 mai 1484. (X1a 4825, fol. 222.)