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MCCL

Lettres de naturalité en faveur de Hans Francbriquet, premier écuyer d’écurie de la reine, natif d’Allemagne et marié en Poitou.

  • B AN JJ. 191, n° 72, fol. 38 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 375-378
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre amé et feal Hance Francbriquet, premier escuier d’escuierie de nostre très chière et très amée compaigne la royne1, natif du païs d’Alemaigne, [p. 376] contenant que, dès le temps de sa jeunesse, il s’en vint demourer en cestuy nostre royaume, et s’est depuis continuelement employé ou service de nous et de nostre dicte compaigne, et y a eu des biens et honneurs à l’occasion dudit service ; et pour ceste cause s’est disposé d’y demourer le surplus de ses jours en et soubz nostre obeissance et justice, et y acquerir des biens, pour en disposer où et ainsi qu’il verra estre à faire. Mais, pour ce que par les statuz et ordonnances de nostre royaume, aucun, s’il n’en est natif, ne peut ordonner de ses biens ne disposer d’iceulx, ledit Francbriquet craindroit à acquerir biens en icellui nostre royaume, si non qu’il feust à ce faire habilité, comme il nous a fait dire, requerant nostre grace lui estre sur ce impartie. Savoir faisons que nous, eu sur ce consideration, voulant ledit Francbriquet estre en ses faiz honnorablement traictié, pour consideracion des services [p. 377] qu’il a faiz et fait chacun jour à nous et à nostre dite compaigne, à icellui, pour ces causes et autres consideracions à ce nous mouvans, avons octroyé et octroions de grace especial, par ces presentes, que en et partout nostre dit royaume il puisse acquerir telz heritaiges, revenues et possessions que bon lui semblera, et que des acquis et à acquerir, ensemble de tous et chacuns ses autres biens meubles, heritaiges et possessions, à quelque tiltre raisonnable que il les ait euz ou puisse avoir et possider ou temps avenir, il puisse et lui loise disposer par testament et autrement, ainsi que bon lui semblera ; et que tous et chacuns ses parens et heritiers, habiles à lui succeder, et autres ausquelz il disposera de ses diz biens par donnacion, testament ou autrement, puissent et doient heriter et venir à sa succession et joïr de ses diz biens, comme se lui et ses diz heritiers estoient natifz d’icellui nostre royaume, et que autrement il joysse et use en nostre dit royaume de tous telz droiz, franchises et previlèges, comme s’il en estoit natif et comme noz autres subgiez, natifz d’icellui nostre royaume. Et à ces choses et chascune d’icelles avons ledit Hance Francbriquet, ses diz heritiers et successeurs, habilitez et dispensez, habilitons et dispensons de nostre dicte grace especial, plaine puissance et auctorité royal par ces dites presentes. Et sur ce imposons silence à noz procureurs et receveurs ordinaires, et à tous autres qu’il appartendra, en nous paiant pour ce finance moderée pour une foiz seulement. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers, et à tous noz bailliz, seneschaulx et autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de noz presens grace, habilitacion et octroy facent et seuffrent icellui Francbriquet et ses diz heritiers et successeurs joïr et user plainement et paisiblement, non obstant quelxconques editz, constitucions, usaiges ou coustumes de nostre dit royaume, à ce [p. 378] contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf toutes voies en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné aux Montilz lez Tours, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. cinquante trois, et de nostre règne le xxxiie avant Pasques.

Ainsi signées : Par le roy, le grant maistre d’ostel2, le sire de Vauvert3 et autres presens, de La Loère. — Visa. Contentor.


1 Hans Francbriquet était établi en Poitou depuis une vingtaine d’années, ayant épousé, en 1434, Anne Du Fresne, veuve de Pierre ou Perreau de Montjehan, chevalier, capitaine de la ville et du château de Poitiers. Il eut à soutenir au Parlement un procès, à cause de sa femme, contre Guillaume de Montjehan, chevalier, frère de Pierre, au sujet de la succession de ce dernier et du douaire que sa veuve prétendait sur les biens qu’il avait laissés. Ce litige fut réglé par un arrêt du 11 avril 1435, adjugeant à chacune des parties la moitié des meubles, acquêts et créances du défunt. Le douaire d’Anne Du Fresne fut fixé au tiers des propres héritages de Pierre de Montjehan, tant nobles que roturiers, qui se trouvaient dans les villes et châtellenies de Poitiers et de Châtellerault, et à la moitié des immeubles sis en Mirebalais, dont elle devait percevoir les revenus, sa vie durant. A la mort de Pierre, son frère, d’un côté, et sa veuve, de l’autre, s’étaient approprié les meubles de son hôtel à Poitiers, vêtements, fourrures, objets d’orfèvrerie, argent monnayé, etc. L’arrêt en dresse un inventaire, afin qu’il puisse être procédé au partage. (Arch. nat., X1a 9194, fol. 97.) Quelque temps après, le 31 mai 1435, Hans Francbriquet et Guillaume de Montjehan, pour mettre fin à toutes les difficultés que pouvait faire naître le partage, conclurent un accord et stipulèrent, conformément à l’arrêt de la cour, ce qui devait revenir à chacun d’eux et sur quels immeubles serait alloué le douaire d’Anne Du Fresne. (Id., X1c 149, n° 108.) Francbriquet possédait aussi, à cause de sa femme, « une borderie de terre à hommage plain, assis en la paroisse de Thenezay, estant en blez et autres choses. » (Aveux dus à Richemont pour Parthenay, de 1428 à 1450, Arch. nat., R1* 190, fol. 264 v°). Ce personnage doit être le même que M. de Beaucourt nomme Jean Franberger, premier écuyer de la reine dès le 4 avril 1430, date des pouvoirs que Charles VII lui donna, ainsi qu’à Jean Charles, maître des requêtes de l’hôtel, pour se rendre à la cour de Frédéric duc d’Autriche, et négocier le mariage de Sigismond, fils aîné de celui-ci, alors âgé de trois ans, avec Radegonde de France, âgée de deux ans, fille du roi de France. En 1434, il fit partie d’une nouvelle ambassade, chargée de demander à ce prince un secours militaire ou pécuniaire, et retourna encore, au printemps de 1439, et en 1444, vers l’archiduc Frédéric, en compagnie du sire de Gaucourt et d’Élie de Pompadour. Il fut également accrédité comme ambassadeur de Charles VII auprès du duc de Saxe, en avril 1447. (Hist. de Charles VII, t. II, p. 428 et s., 484 ; III, 300 ; IV, 39 et 361.)

2 Jacques de Chabannes, seigneur de La Palice, fut grand-maître de France, de 1451 à 1456.

3 Jean de Lévis, seigneur de Vauvert (Cf. ci-dessus, p. 288, note 1).