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MCCLX

Rémission octroyée à Colas Cueillart qui avait frappé à mort Jean Boucart, au cours d’une rixe survenue entre eux parce que ce dernier, bien qu’il fût l’obligé de Cueillart, voulait le déposséder de la ferme des moulins de la Petitière en la châtellenie de Palluau.

  • B AN JJ. 191, n° 131, fol. 70
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 406-409
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Colas Cueillart, povre homme, musnier, chargé de femme et de plusieurs enfans, demourans en la chastellenie de Paluyau ou bas païs de Poictou, contenant que, ou mois d’avril derrenier passé mil iiiic cinquante et cincq, le dit suppliant ala à la foire du Poiré sur la Roche, à laquelle foyre il achetta deux jeunes pourceaulx pour nourrir et, le landemain de ladite foire retourna en son hostel en ladite chastellenie de Paluyau et y mena ses diz deux pourceaulx ; et luy venu, sadite femme qui estoit oudit hostel, incontinent qu’elle vit les diz deux pourceaulx, luy dist qu’il avoit achettez iceulx deux pourceaulx sans cause et qu’il n’avoit de quoy les nourrir, pour ce que Jehan Boucart, musnier, avoit nouvellement, au desceu dudit suppliant et en entreprenant sur luy, affermez les molins de la Petitière, lesquelz le dit suppliant avoit tenuz à ferme plus de douze ans et y avoit mis meules, moulaiges et fait plusieurs grandes reparacions, et que icelluy Boucart le garderoit bien de nourrir du fait desdiz molins iceulx pourceaulx. Lesquelles parolles icelluy suppliant ne creut pas prumptement et se courrossa très fort à soy mesmes et fut en grant esmay, disant en soy mesmes qu’il ne croioit pas que ledit Boucart eust prins à ferme sur luy lesdiz molins de la Petitière, pour ce qu’il avoit fait audit Boucart plusieurs plaisirs, comme de luy avoir presté blé, argent et baillé molins [p. 407] à faire mouldre, que icellui suppliant tenoit à ferme pour l’entretenir, pour la grant amour qu’il avoit avec luy. Et incontinent ledit suppliant, voyant que le molin à vent du Chiron, appartenant à Loys Voyer, chevalier, mouloit, lequel le dit Bouchart faisoit mouldre à son prouffit, par le moien dudit suppliant, qui le tenoit à ferme dudit chevalier, et auquel Boucart ledit suppliant l’avoit delaissé, se transporta tout courrocé et desplaisant des parolles que sa dicte femme luy avoit dictes, jusques audit molin du Chiron, pour savoir à icellui Boucart s’il avoit prins sur luy à ferme lesdiz molins de la Petitière. Lequel molin du Chiron ledit suppliant trouva entrefermé et oït parler dedens icelluy molin ledit Boucart et ung nommé Perrot Mestoier. Auquel Perrot ledit Boucart disoit qu’il avoit prins à ferme les diz molins de la Petitière, et vouloit aler devers la dame dudit lieu pour conclurre la dite ferme. Et incontinent ledit suppliant entra oudit molin, très fort courrocé et desplaisant, comme dit est, et plus que devant, et s’apuya contre la met dudit molin, et y fut une espace de temps sans parler. Et quant il y eut ainsi esté une pièce, requist et demanda audit Boucart qu’il le paiast et contentast de neuf boesseaulx de seigle et cinq solz qu’il luy devoit à cause de prest. A quoy ledit Boucart respondi bien malgracieusement audit suppliant, et luy dist qu’il ne luy devoit pas tant et si grant debte et qu’il n’en seroit pas encores paié et qu’il attendroit, s’il vouloit. A l’occasion de laquelle responce, les diz suppliant et Boucart eurent plusieurs parolles rigoureuses ensemble, par le moien desquelles ilz se prindrent l’un l’autre au corps, et ledit Mestoier se mist entre eulx deux, pour cuider empescher qu’ilz ne s’entremeffeissent, et comme ilz s’entretenoient, ledit suppliant qui se trouva empressé entre les dessus diz Boucart et Mestoier, doubtant que icelluy Boucart le voulsist tuer, et que ledit Mestoier luy aidast, tira ung petit cousteau qu’il avoit acoustumé de porter, duquel il ferit [p. 408] ledit Boucart deux cops, l’un en la cuisse et l’autre ou rouseau de l’espaule. Et si tost que ledit suppliant vit le sang courir desdites playes, fut de ce très desplaisant et courrocé, en disant telles parolles ou semblables en substance : « Maudite soit l’eure que oncques je fus né. » Et en icelle mesmes heure, ledit suppliant s’en retourna à sa maison. Et ledit Boucart qui perdi grant quantité de sang par lesdites playes, dist, durant sa maladie, qu’il estoit cause de sa mort, en requerant justice qu’elle ne feist aucune poursuite contre ledit suppliant pour ledit cas et qu’il luy pardonnoit de bon cuer et luy pardonna ledit cas, et avoit tenu et tenoit grant tort à icelluy suppliant. Et le xie jour après ensuivant, par le moien desdiz cops ou par default de bon pensement et gouvernement, ledit Boucart ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant s’est absenté du païs, ouquel il n’oseroit jamais retourner ne en icelluy ne ailleurs en nostre royaume soy tenir ne estre seurement, doubtant rigueur de justice et que l’en voulsist contre luy proceder à pugnicion corporelle et autrement rigoureusement, se nostre grace et misericorde ne luy estoit sur ce impartie, humblement requerant que, attendu ce que dit est et qu’il n’avoit aucune intencion de tuer ledit Boucart et n’avoit, paravant lesdites parolles à luy dictes par sadite femme, aucune rancune contre luy, ains l’avoit en grant recommandacion et luy avoit fait plusieurs plaisirs, et qu’il frappa lesdiz coups par chaude colle, luy estant en doubte dudit Boucart, etc., il nous plaise nostre dite grace et misericorde luy impartir. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, en faveur de sadite femme et enfans, avons ou cas dessusdit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de juing l’an de [p. 409] grace mil cccc. cinquante et cinq, et de nostre règne la xxxiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Des Vergiers. — Visa. Contentor. J. Du Ban.