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MCLXXIV

Rémission pour Robin Malortie, écuyer, homme d’armes de la compagnie de Pierre de Brezé, sénéchal de Poitou, complice d’un meurtre commis avec plusieurs de ses compagnons, ayant été obligés de se défendre contre plusieurs agresseurs.

  • B AN JJ. 179, n° 272, fol. 157 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 114-118
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Robin Malortie, escuier, homme d’armes de la charge et retenue de nostre amé et feal chevalier, conseiller et chambellan, Pierre de Breszé, seneschal de Poictou1, contenant que, ung mois a ou environ, ledit suppliant, acompaigné de Jaques de la Chappelle, dit Mouschet, Pierre de la Tour et Jehan Findel, [p. 115] compaignons de guerre, aussi de la charge et retenue de nostre dit conseiller et chambellan, ainsi qu’ilz s’en venoient de l’ostel d’un renoueur nommé Saintpiq, demourant à Loge Fougereuse ou païs de Poictou, de faire habiler ung cheval blecé en aucuns de ses membres, passèrent par ung village nommé Assay, ouquel village ledit Mouschet demanda le chemin à s’en aler à Tennesay, pour ce que ledit suppliant et les autres dessus nommez disoient qu’ilz ne savoient pas le chemin et tendoient y aler logier ; lequel village passé, ledit Mouschet picqua devant et se departi d’avecques lui et ses diz compaignons, pour aler le premier audit Tennesay prendre le logeis et faire habiller à soupper pour entr’eulx, mais ne fut guères loing qu’il vit ung hostel nommé Pate d’Oye, sis en la parroisse dudit lieu d’Assay, auquel villaige, doubtant faillir, il s’adreça pour demander le chemin à aler audit Tennesay, où jamais n’avoient esté lui ne ceulx de sadicte compaignie et ne congnoissoient le païs ; ouquel hostel de Pate d’Oye avoit une femme, à laquelle il demanda le chemin pour s’en aler audit Tennesay, et elle lui respondi assez gracieusement que voulentiers le lui monstreroit, et s’en yssi dudit hostel pour l’adresser et mettre ou droit chemin, et le mena jusques hors la garenne dudit village. Et en cest instant, survint le mary de la dicte femme, duquel ledit suppliant ne scet le nom, et quant il la vit, lui demanda très mal gracieusement où elle aloit ; auquel elle respondi en teles parolles, ainsi que ledit Mouschet dit : « Je vois monstrer le chemin à ce gentilhomme, pour aler à Tennesay ; car il est esgaré et ne congnoist le païs ». Et lors icellui mary, qui estoit très mal meu et en felon courage, dist à sa dicte femme qu’elle s’en retournast à l’ostel ou que il la y feroit bien retourner à grant haste et de par tous les grans diables. Et avecques ce, dist au dit Mouschet qu’il s’en alast de par le diable ou qu’il l’assommeroit. Lequel Mouschet, comme il dit, lui respondy [p. 116] qu’il n’oseroit, et qu’il n’avoit fait et ne faisoit point de mal, et que pour lui ne s’en yroit point plus tost. Et incontinant que icelui Mouschet lui eut dit ces parolles, iceluy mary s’en retourna très hastivement audit village de Pate d’Oaye et assembla avecques lui de six à sept compaignons, c’est assavoir feu Colas Ragoys, Jehan Coullon2, le varlet dudit Coullon, le mary de la suer Regnault Legault et Pierre Levrart, qui très fort eulx embastonnèrent pour venir courir sus audit Mouschet. Lequel voyant la manière de faire, doubtant qu’ilz lui feissent desplaisir du corps, s’en retourna hastivement devers lesdiz Malortie, Pierre de la Tour et Jehannin Findel, qui estoient demourez derrière, comme dit est, et ne pensoient en nul mal. Et aussi tost qu’il les vit, leur recita en effect les choses devant dictes, et comme le mary d’une femme à laquelle il avoit demandé le chemin l’avoit voulu assommer d’un levier et faisoit assemblée de gens, pour lui courir sus. Et alors s’en retournèrent tous ensemble pour savoir que icelui mary vouloit audit Mouschet, et se ledit Mouschet avoit fait chose qui ne feust raisonnable, afin de le faire reparer et qu’il n’en feust bruyt ne plainte. Et si tost qu’ilz furent à l’entrée de la court dudit hostel, saillirent contr’eulx les compaignons que ledit mary avoit assemblez, [p. 117] cryans : « A mort, à mort ! Tuez, tuez ! » Et lors les diz Malortie, Mouschet et autres dessus nommez se misdrent en defense, pour resister à eulx et à leur mauvaise voulenté. Et de pleine arrivée, fut ledit Mouschet blecé d’un broc de fer parmy la jambe, et ledit de la Tour fut abatu d’un coup de levier qui lui fut donné parmy la teste, dont, se ne feust le bourlet de son chapperon, il eust esté en dangier de mort. Ausquelz fut force d’eulx defendre, ou autrement ilz eussent esté en dangier d’avoir esté tuez. Et en eulx defendant, fut ledit Ragoys frappé d’une dague parmy le corps, telement qu’il mourut en la place, et deux autres furent blecez, qui sont gariz et hors de dangier. Lequel suppliant, qui bonnement ne scet qui fist le coup ou les coups dont ledit Ragois ala de vie à trespassement, fors qu’il croit que ce fut ledit de la Tour qui, comme dit est, fut abatu de plaine arrivée d’un levier, doubte que, pour avoir esté present en la compaignie des dessus diz à faire ledit cas, jaçoit ce que ledit [suppliant ne] frappa ne toucha audit feu Ragoys, il feust prins, emprisonné et pugny par justice, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, requerant humblement que, attendu les choses dessus dictes, que ledit feu et ses diz compaignons furent invaseurs, qu’il n’y eut guet apensé ne propoz deliberé, que ledit suppliant ne fist point le cas, mais fut present comme dit est, et que il nous ait dès son enfance bien et loyaument serviz ou fait de noz guerres, sans avoir oncques esté convaincu ne actaint d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, fors et excepté que dès pieça, lui estant en garnison en nostre ville d’Evreux, il fut cause de la mort de feu le bastard d’Aulx3, [p. 118] homme de guerre, dont il eut noz autres lettres de remission, nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans preferer misericorde à rigueur de justice, à icellui suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfacion faicte à partie civilement tant seulement, etc. Si donnons en mandement par ces dictes presentes à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxviime.

Ainsi signé : Par le roy, le mareschal de La Fayette4, le sire de Blainville5, maistre Jehan Bureau6 et autres presens. Giraudeau. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Pierre de Brezé, seigneur de la Varenne et de Brissac, comte de Maulévrier, l’un des principaux conseillers de Charles VII, fut sénéchal de Poitou depuis le mois d’avril 1440 environ jusqu’au 3 avril 1451, date des provisions de Louis de Beaumont, son successeur. (Voy. notre vol. précédent, p. 178, note.)

2 Plusieurs familles poitevines, nobles et bourgeoises, ont porté ce nom. Un Jean Coulon conclut, le 17 janvier 1438 n.s., avec les frères Méry et Guillaume Veillechamps, moyennant la rente perpétuelle d’un setier de seigle, mesure de Clessé, et de deux poulets de mars, l’arrentement d’une maison sise au village de Loubressay, tenue à trois setiers de seigle envers le seigneur d’Orfeuille. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 390.) Aux noms des membres de ces familles, recueillis par la nouv. édit. du Dict. des familles du Poitou, on peut ajouter ceux de Jacques et de Pierre Coulon, père et fils, qui habitaient vers cette époque la Loge-Fougereuse. Le premier ayant été mis à mort injustement par ordre de Jean Jousseaume, chevalier, seigneur du lieu, et de Jacques Jousseaume, écuyer, son fils, ce dernier fut condamné, après la mort de son père, à la poursuite du fils de la victime, en réparation de cette exécution, à 250 livres d’amende envers le roi et à perdre la justice de la Loge-Fougereuse, par arrêt du Parlement, du 14 août 1466, confirmant la sentence du premier juge. (Arch. nat., X2a 31, fol. 39, et X2a 34, fol. 155 v°.)

3 Ce personnage appartenait vraisemblablement à la branche poitevine de la famille d’Aux. L’auteur de la généalogie imprimée dans le Dict. des familles du Poitou (2e édit., t. I, p. 191) cite un Jean, servant en qualité d’archer l’an 1439, qu’il donne dubitativement comme « second fils d’Étienne d’Aux, seigneur du Bournay, viguier de Poitiers », ajoutant que ce Jean pourrait bien être issu d’une branche bâtarde.

4 Gilbert de La Fayette, maréchal de France depuis l’an 1420, mort le 23 février 1462.

5 Jean d’Estouteville, sr de Blainville (ci-dessus, p. 58, note 2).

6 Jean Bureau, trésorier de France, maître de l’artillerie (ci-dessus, p. 18, note 3).