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MCLXXI

Rémission octroyée à Jean Bonnet, de Saint-Martin-des-Noyers, emprisonné au château de Mareuil pour avoir fait fabriquer un faux acte de renonciation, dans l’espérance d’obtenir l’annulation du contrat de partage de la succession de son beau-père, Jean Bonnevin, sr de la Bargoillerie, qui avait été fait à son détriment.

  • B AN JJ. 179, n° 167, fol. 92 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 104-108
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Bonnet, homme de labour, demourans à Saint Martin des Nohers en nostre païs de Poictou, à present detenu prisonnier ès prisons de Marueil, aagié de cinquante ans ou environ, contenant que, trente ans a ou environ, il fut conjoinct par mariage avecques Marguerite, fille ainsnée de ung nommé Jehan Bonnevin, en son vivant seigneur de la Bargoillerie1 ; lequel Bonnevin avoit une autre fiille qui fut aussi conjoincte par mariage avec ung nommé Jehan Girart2, de Champtaunay, qui estoit en son vivant homme de praticque et de grant entendement, [p. 105] et procureur des lieux de Puybelyart et Champtaunoy pour feu nostre cousin, en son vivant seigneur de la Trimoulle3 et des diz lieux. Lequel Jehan Girart, après la mort dudit Bonnevin, père de sa dicte femme et aussi de la femme dudit suppliant, pressa fort icellui suppliant, qui est homme de labour, simple et ygnorant, de faire partage entre eulx des père et mère de leurs dictes femmes, comme à eulx appartenoit, à cause d’elles. Auquel suppliant certains droiz d’ainsneesse ès biens nobles des dictes successions appartenoient à cause de sa dicte femme ; mais ledit suppliant et sa dicte femme par leur simplesse, ygnorans le dit droit d’ainsneesse et qu’il leur deust appartenir, se accordèrent audit partage faire, sans prendre ne avoir lesdiz droiz d’ainsneesse ; et avecques ce promist ledit suppliant bailler audit Jehan Girart certaines lettres qu’il cuidoit avoir par devers lui touchant les biens desdictes successions, ou autrement. Et pou de temps après, ala ledit Jehan Girart de vie à trespassement, et delaissa aucuns ses enfans ses heritiers, qui ont depuis fait demande audit suppliant desdictes lettres. Lequel, voiant qu’il et sa dicte femme avoient esté très grandement et enormement deceuz oudit partage, et qu’il n’avoit pas lesdictes lettres qu’il cuidoit avoir, quand il fist ledit partage, lesquelles à l’occasion des guerres et divisions qui ont esté en nostre royaume, et mesmement audit païs de Poictou, ou autrement, avoient esté perdues ou adirées, et aussi que lesdiz heritiers le pressoient fort de leur bailler lesdictes lettres, pensa de trouver aucun moien de faire rompre les diz partages, afin qu’il peust recouvrer son dit droit, tel qu’il lui apportenoit et à sa dicte femme, à cause d’elle, ès dictes successions, et qu’il ne feust plus tenu de bailler les dictes lettres, ne aussi pour ce condempné envers lesdiz heritiers [p. 106] dudit Girart en aucuns dommages ou interestz ; et pensa que, s’il povoit trouver aucuns notaires qu’ilz lui voulsissent faire ou donner lettre comment ledit Jehan Girart et lui avoient renuncié èsdiz partages, qu’il leur donneroit du sien largement. Et pour parvenir à ceste fin, deux ou trois ans après le trespas dudit Jehan Girart, qui fut cinq ou six ans a ou environ, ledit suppliant parla à ung nommé Jehan David, demourant audit lieu de Marueil, qui est homme de petit entendement et notaire de la court du doyen dudit lieu de Marueil, et lui traicta de la matière dessus dicte, et lui promist donner certaine somme d’argent. Lequel David, qui est povres homs et indigent, se consenti, moiennant un royal d’or, à acomplir la voulenté dudit suppliant. Et parce qu’il ne suffisoit pas dudit David à parfaire ce que demandoit ledit suppliant, par ce que ès contractz excedans la somme de vint solz tournois de rente, ou de dix livres pour meuble, convient avoir deux notaires, autrement le contract n’est valable, par la coustume que on garde en nostre dit païs de Poictou, les diz Bonnet et David parlèrent entre eulx de faire consentir à passer ledit contract à ung nommé Jehan de la Suyrie, très povres homs, demourant audit lieu de Marueil et notaire de la court de l’official de Luçon. Lequel suppliant, à certain jour ensuivant, pour acomplir ce qu’il avoit commencié, fist venir lesdiz David et de la Suyrie en l’ostel d’aucuns de ses frères, demourans au lieu de Dissay, près dudit lieu de Marueil, et ilec les festoya très fort. Et après ce, leur monstra ung escript en pappier qu’il avoit avecques lui, contenant que ledit Jehan Girart et suppliant s’estoient departiz et desistez des partages autresfois faiz entre eulx touchans les biens des successions dessus dictes, et y renonçoient totalement, et vouloient que lesdiz partages feussent tenuz pour non faiz entre eulx. Et tantost ledit David, qui estoit d’acord d’acomplir ledit contract par le moien de la promesse à lui faicte par ledit suppliant, dist audit de la [p. 107] Suyrie que eulx deux ensemble avoient autresfois passé ledit escript ou note entre lesdiz Girart et suppliant. Lequel de la Suyrie tantost, moiennant ung escu d’or que lui promist icellui suppliant, se consenti à signer ledit escript ou note par manière de prothocolle passé entre les diz Girart et suppliant, et incontinant ilec signèrent de leurs mains ledit escript ou note. Lesquelz notaires, afin que la dicte note ou escript ne fut trouvé faulx, mirent la date de deux ou trois ans par avant le trespas dudit Jehan Girard. Et après lesdiz David et de la Suyrie baillèrent audit suppliant ledit escript ou note qu’ilz avoient ainsi signé. Lequel suppliant en fist extraire certaines lettres, lesquelles depuis il apporta ausdiz notaires, qui la signèrent de leurs mains, comme lettre perpetuelle passée entre lesdictes parties. Par le moien de laquelle, ledit suppliant depuis a intempté certains procès contre lesdiz heritiers dudit feu Jehan Girard et autres, à l’occasion des droiz appartenans à sadicte femme à cause desdictes successions. Sur quoy n’a riens esté sentencié ne jugié. Depuis ledit procès, lesdiz heritiers dudit Girart se sont complains au procureur dudit lieu de Marueil, disans que jamais la dicte lettre n’avoit esté passée avecques leur dit père ; lequel procureur fist faire commandement par le seneschal dudit lieu de Marueil ausdiz David et de la Suyrie de exiber le registre ou prothocolle, duquel avoit esté extrait ledit contract, ès grans assises dudit lieu de Marueil, tenues ou mois d’octobre derrenier passé ; ès quelles assises ledit procureur fist examiner et interroguer lesdiz David et de la Suyrie sur la fourme dudit registre, et comment et quant il avoit esté passé, en quel lieu et devant quelles personnes. Lesquelz David et de la Suyrie, doubtans estre actains et pugniz par justice d’avoir passé ledit faulx contract depposèrent qu’ilz l’avoient passé en la maison de ung nommé Thomas Recti, demourant audit lieu de Marueil ; mais ilz furent aucunement differans du jour et du [p. 108] temps qu’ilz disoient qu’il avoit esté passé. Et après fut aussi interrogué ledit suppliant sur la matière dessus dicte ; lequel, pour descharger sa conscience, doubtant la pugnicion de Dieu nostre createur, confessa voluntairement que ledit contract estoit faulx et faulcement fait, en disant qu’il n’en vouloit aucunement user, combien qu’il l’eust fait faire ausdiz David et de la Suyrie. Et incontinent, oye la depposicion dudit suppliant, ledit seneschal dudit lieu de Marueil fist prendre ledit suppliant et mettre èsdictes prisons du chastel dudit lieu de Marueil, èsquelles il est en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que en ce n’a mort ne mutilacion, qu’il a esté tousjours en tous autres cas homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche, et aussi que par vertu dudit contract n’a esté aucune chose sentencié ne adjugié, et n’ont les diz heritiers dudit Girart aucunement esté endommagiez, qu’il fut meu de faire faire ledit faulx registre pour cuider recouvrer ses droiz d’ainsneesse, desquelz on l’avoit fait departir oudit premier partage, et non pas pour rien oster du leur ausdiz heritiers, il nous plaise icelle nostre grace lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quarante huit, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, le sire de Pressigny4 et plusieurs autres presens. De La Loere. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Un Jean Bonnevin « rendait hommage au château de la Roche-sur-Yon des maisons, prés et bois et ensemble du lieu appelé la Petite-Salle, sis en ladite ville, l’an 1390 ». (MM. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. I, p. 617.) Peut-être est-ce le même personnage dont la fille aînée, Marguerite, épousa, vers 1419, Jean Bonnet, de Saint-Martin-des-Noyers, et dont la cadette était mariée à Jean Girard, sinon il ne pouvait être qu’un de ses proches parents. En tout cas, les renseignements contenus dans le présent acte peuvent être joints à ceux qui ont été recueillis sur cette famille du Bas-Poitou encore mal connue.

2 Ce Jean Girard ne paraît pas appartenir à la famille des seigneurs de Bazoges-en-Pareds, dont il a été question dans notre VIe volume, p. 78, note, et dont le principal représentant au milieu du xve siècle, Renaud Girard (voy. ci-dessous un acte du 15 avril 1451), avait eu un frère cadet prénommé Jean, sr de Givrand, sur lequel un arrêt du Parlement de Poitiers du 4 juin 1426 fournit des renseignements. (Arch. nat., X1a 9198, fol. 170 v°.) Mais on trouve vers la même époque un autre Jean Girard, tuteur de Jeanne Girard, fille de Pierre et de Catherine Bréchou, qui était en procès contre Jean Bréchou, seigneur de Puitssec, Lancelot et Gillet Bréchou, au sujet de ladite tutelle, le 29 mars 1430. (X1a 8604, fol. 144 v°.) On pourrait avec plus de vraisemblance identifier ce dernier avec Jean Girard de Chantonnay.

3 Georges de La Trémoïlle, le fameux ministre de Charles VII, décédé le 6 mai 1446.

4 Bertrand de Beauvau, sr de Précigné ou de Pressigny. (Cf. ci-dessus, p. 58, note 1.)