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MCXLVI

Lettres d’abolition en faveur de Louis de Barbezières, écuyer, pour toutes les détrousses dont il s’est rendu coupable à la guerre, et spécialement pour le meurtre d’un homme d’armes de la compagnie du sénéchal de Poitou.

  • B AN JJ. 185, n° 138, fol. 104
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 33-36
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Loys de Berbegières1, escuier, contenant que, comme ledit suppliant soit noble, né et extrait de noble lignée et luy estant jeune en l’aage de dix ans [p. 34] fut page de Foulquet seigneur de la Rochefoucault2, lequel il servi comme page par le temps et espace de dix ans ou environ et jusques à son trespassement, et après demoura avec Aymar de la Rochefoucault, chevalier, seigneur de Montbason3, lequel le mist en garnison du chastel de Blenzac qui estoit assis sur la frontière de noz anciens ennemis les Anglois, occuppans lors nostre pays et duchié de Normandie (sic) ou partie d’icellui. Pendant lequel temps se meu debat entre ledit de la Rochefoucault et feu Jehan de la Roche, lors nostre seneschal de Poictou, et à ceste cause et autres firent ledit suppliant et autres estans en garnison audit lieu de Blenzac pluseurs courses sur les champs, prinsdrent gens, marchans et autres, les destrousserent et firent pluseurs autres pilleries et roberies, ainsi que gens de guerre avoient accoustumé de faire ; ès quelles [p. 35] destrousses et pilleries le dit suppliant fut aucunes foiz, et y avoit son butin comme les autres. Et advint que ung certain jour, dix huit ans a ou environ, ledit suppliant conduisoit son frère et sa femme et autres du lieu de Barbegières à Lanville, appartenant audit de la Rochefoucault, et eulx estans ilec, arriva ung nommé Peyret, de la compaignie dudit feu Jehan de la Roche, qui avoit fait pluseurs maulx et dommages en la terre de la Rochefoucault ; et pour ce qu’il voult entrer en la forteresse dudit lieu de Lanville, ledit suppliant lui donna d’un espiot sur la teste ung cop tellement qu’il chey à terre ; et quant il fut cheu, ung autre de la compaignie dudit suppliant luy donna ung autre cop d’une espée sur la teste, à l’occasion desquelz cops il ala tantost après de vie à trespassement. Et depuis a ledit suppliant tousjours esté en nostre service sur la frontière de nos diz ennemis, en leur faisant guerre tant audit lieu de la Rochefoucault, le Cor, Marthon, Montignac que autres places ; et durant ce a vesqu sur le peuple du plat pays, prins, ravi et emporté biens, meubles, utensilles d’ostel, et fait et commis, pendant le temps qu’il a esté en la guerre, pluseurs autres maulx et destrousses, lesquelles il ne sauroit specifier et declairer. Et aussi ledit suppliant estant au siège devant la place de Cor4, tenu par aucuns de noz chiefz de guerre, acheta ung cheval d’ung Anglois, et pour ce qu’il n’avoit pas argent de quoy le payer, vendi son harnois à ung autre Anglois pour payer ledit cheval, qui estoit de grant pris. A l’occasion desquelles choses ainsi par luy faictes et commises, il doubte que on voulsist proceder ou temps avenir à punicion corporelle à l’encontre de luy, ou autrement le vexer, molester, travailler en corps et en biens, se nostre grace ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit, humblement requerant icelle. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., avons [p. 36] quicté, remis, pardonné et aboly, etc., reservez et exceptez meurtre autre que celluy qui est cy dessus declairé, boutemens de feux, sacrilège, forcement et ravissement de femmes et de filles, que ne voulons estre comprins soubz nostre presente abolicion, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou, Lymosin, Xanctonge, bailliz de Berry, de Touraine, des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bourges, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. quarante sept, et de nostre règne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Froment.


1 La plus récente généalogie de la maison de Barbezières ne permet pas d’identifier sûrement ce personnage. Il y est question d’un Pierre de Barbezières, écuyer, seigneur de Montigné, qui fit accord, le 29 octobre 1456, avec le sieur de La Rochefoucauld, et est appelé Louis dans un inventaire de 1724 où cet acte est mentionné. Ce Pierre ou Louis épousa Guyonne Eschallé et eut un fils, prénommé Louis, qui était en procès avec sa mère, l’an 1480, au sujet des dîmes de Barbezières. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 272.)

2 Il y avait un Foulques de La Rochefoucauld, seigneur de la Boissière, qui était homme lige du comte de Poitou, en 1418, pour la tour d’Auzance et la motte et place du château de Champagné. (Arch. nat., P. 1144, fol. 8 v°.) S’il s’agissait ici de ce personnage, il ne serait point appelé seigneur de la Rochefoucauld, titre réservé au chef de la branche aînée. Ce ne peut être que Foulques ou Foucaud III, fils aîné de Guy VIII, seigneur de la Rochefoucauld, mort en 1427, et de Marguerite de Craon, d’après les généalogistes, tels que A. du Chesne, le P. Anselme, La Chenaye-Desbois. Mais ces auteurs disent que Foucaud III, conseiller et chambellan de Charles VII, fut armé chevalier devant le château de Fronsac en 1451, qu’il testa en 1466 et mourut peu après, tandis que le « Foulquet de la Rochefoucauld » de notre texte décéda avant l’année 1430. Cette contradiction flagrante rend vraisemblable l’hypothèse de l’omission d’un degré dans les généalogies imprimées. Il y aurait eu deux Foulques, successivement seigneurs de La Rochefoucauld, celui dont il est question dans les lettres en faveur de Louis de Barbezières, mort relativement jeune, et le Foucaud III des généalogistes, qui serait en réalité Foucaud IV, fils de notre « Foulquet » et petit-fils de Guy VIII.

3 Aymar, troisième fils de Guy VIII, seigneur de La Rochefoucauld, et de Marguerite de Craon, eut de la succession de sa mère les seigneuries de Montbazon, de Sainte-Maure et de Nouâtre, dont il rendit hommage le 13 décembre 1436. Il servait contre les Anglais en 1441, et avait épousé Jeanne de Martreuil, dame de Hérisson, veuve d’Antoine de Vivonne, sieur de Bougouin, fille de Guillaume de Martreuil. Le sieur de Montbazon eut un fils et sept filles et mourut avant sa femme, qui vivait encore en 1467. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. IV, p. 424.) Aymar de La Rochefoucauld et Jeanne de Martreuil firent hommage lige au sire de Parthenay (Arthur de Richemont), l’an 1450, pour leur château de Leigné et ses dépendances. (Arch. nat., R1* 190, fol. 279.)

4 Sur le siège d’Aucor, voy. vol. précédent, p. 313, 379, 380, note.