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MCCXL

Rémission en faveur d’André Noël, de Saint-Jean-de-Sauves, meurtrier de Thomas Segonneau, prêtre, chapelain du dit lieu, qui avait débauché sa femme.

  • B AN JJ. 184, n° 279, fol. 188
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 341-343
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Andry Noel, demourant ou bourg de Saint Jehan de Sauves ou diocèse de Poictiers, contenant que dès sept ans a ou environ, feu Thomas Segonneau, prestre, chappellain du curé dudit lieu de Sauves, et qui avoit charge de confesser et administrer les parroissiens de ladicte ville ou lieu du curé d’icelle, combien que plusieurs fois Guillemette Mezelle, femme dudit suppliant, se feust confessée audit Thomas, icellui Thomas la requist plusieurs foiz de deshonneur, et tellement continua en faisant deshonnestes euvres que, elle estant en ung sien hostel, il se efforça de la congnoistre charnellement, et depuis l’a maintenue l’espace de trois ans ou environ. Et pour la folle amour que ledit Thomas avoit avec la dicte Guillemette, le lendemain [p. 342] du jour de Noël derrenier passé, qui est feste de saint Estienne, ledit suppliant estant couché avec sa dicte femme, icelluy Thomas entra par une fenestre en l’ostel dudit suppliant et se coucha ou lit avec ledit suppliant et sa femme. Et quant icelluy suppliant se esvilla, il entrevy que en son lit estoit couché personne estrange. Lors et tantost se leva et aluma de la clarté, et vit et appersceut le dit Thomas qui s’estoit couché en son lit, avec lui et sa femme. Lequel Thomas ce voyant, incontinant se leva, garny d’un braquemart et hastivement se partit par l’uys dudit hostel, qu’il avoit laissé ouvert, sans avoir nul mal de sa personne. Lequel suppliant, courroucé et mal content du deshonneur que luy avoit fait et faisoit ledit Thomas, se complaigny à son curé. Et il soit ainsi que, le jour saint Nicolas derrenierement passé, ixe jour du moys de may, ledit suppliant, en alant dire à ung nommé Jehan Boutin, de ladicte ville, qu’il vensist ou envoyast querir la moitié d’un aigneau en l’ostel dudit suppliant, qu’il avoit apparillé, et dont il avoit promis bailler la moitié audit Boutin, et en traversant le chemin commun et publique, sur lequel il estoit, à l’endroit de l’ostel dudit Boutin, et près de l’ostel dudit Sigonneau, joignant de l’ostel dudit Boutin, il vit et apersceut ledit Sigonneau estant à sa fenestre vestu, et luy demanda ung cueuvrechief qu’il avoit prins en son hostel, et n’avoit intencion de lui faire aucun mal, lequel Sigonneau lui dist ces motz ou semblables : « Attens moy, je le te voys porter ! » Et incontinant le dit Sigonneau, tout despouillé et en pourpoint, garny d’une fourche de fer, vint au dit suppliant, voulant l’en ferir ; mais la mère dudit Sigonneau et une sienne niepce ou cousine le tindrent pour l’empescher. Et ce pendant que ledit suppliant s’en aloit en l’ostel dudit Boutin, sans plus penser à ce que ledit Thomas luy avoit voulu faire, icelluy Thomas se eschappa d’elles et, de sa dicte fourche, frappa le dit suppliant par derrière en traison par le col si fort [p. 343] qu’il en cheut à terre. Lesquelles femmes, voyans la manière de faire dudit Thomas, crièrent si hault que les gens d’environ y arrivèrent. Mais avant qu’ilz y feussent arrivez, icelluy Thomas ferit ledit suppliant si grant coup de la dicte fourche qu’il en devint tout estourdi. Lequel suppliant soy sentant ainsi feru, aiant consideracion à la grant villanie et deshonneur que ledit Thomas lui faisoit et avoit fait, se leva tout blecié et vint vers ledit Thomas et, de sa dague qu’il portoit à sa saincture, frappa ung coup ou deux ledit Sigonneau ou costé, au moien desquelz assez tost après icelluy Sigonneau ala de vie à trespas. Pour lequel cas icellui suppliant s’est absenté, doubtant rigueur de justice et que à ceste cause on luy vueille faire dommage ou desplaisir, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce impartiz, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu que en autres cas il a esté et est homme de bonne vie, renommée, etc., nous luy vueillons sur ce impartir nostre grace. Pour quoy nous, qui voulons misericorde prefferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de juing l’an de grace mil cccc. liii, et de nostre règne le xxxie.

Ainsi signé : Par le conseil. N. Aymar. — Visa. Contentor. N. Aymar.