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MCLXXXVII

Rémission accordée à Guillaume Ogier, poursuivi et emprisonné pour sa participation à un meurtre commis, vingt et un ans auparavant, dans le Bois-Chamaillart près de Niort.

  • B AN JJ. 186, n° 78, fol. 46 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 169-172
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Guillaume Ogier1, demourant en Xanctonge, [p. 170] simples hons de labour, chargé de femme et d’enffens, à present prisonnier ès prisons de Maigné en Xanctonge, contenant que, xxi. ans a environ, ledit Guillaume Ogier qui lors estoit jeunes homs et comme en l’aaige de xviii. à xx. ans ou environ, estoit à ung bois appellé le Bois Chamaillart, situé près la ville de Nyort, où il buschoit et abatoit du boys. Près duquel Bois Chamaillart a ung autre bois situé près de la Mote de Puy Naynaut, que ung appellé Guillaume Camus, dit le Picart, disoit lui appartenir, et en icellui bois avoit certaine quantité de fagoz que ledit le Picart advouoit estre siens. Et comme ledit Guillaume Ogier besongnoit audit Bois Chamaillart, ledit Guillaume Camus, dit le Picart, vint audit Ogier et lui dist qu’il y avoit gens qui embloient son bois, lui disant qu’il alast avec lui veoir qu’ilz estoient ; à quoy ledit Guillaume Ogier s’accorda, et alèrent ensemble oudit bois estans soubz ladite Mote de Puy Naynaut, où ilz trouvèrent Denis Peron, André Peron, son filz, et ung nommé Jehan Longin, lesquelx avoient deux charrettes à beufz, dont l’une estoit jà chargée desdiz fagoz et en chargeoient l’autre. Et comme ledit le Picart les vit, il dist audit Guillaume Ogier telles parolles ou semblables en sustance : « Veez là les larrons qui ont deux charrettes, qui chargent mon bois ! Alons à eulx, affin qu’ilz ne les enchèvent de charger et qu’ilz ne les enmènent ! » Dont ledit Guillaume Ogier, qui croioit ce que ledit le Picart lui disoit estre vray, fut content d’aler avec lui. Et alèrent ausdiz Denis Peron, André Peron et Jehan Longin, lesquelx ledit le Picart commança à frapper d’un baston de bois qu’il avoit sur ledit Denis Peron, tellement qu’il [le] fist cheoir à terre. Et quant ledit André Peron, filz du dit Denis, vit son dit père ainsi abatu à terre, il vint audit [p. 171] le Picart qui avoit frappé son dit père et le frappa d’un baston qu’il avoit si grant coup par la teste que ledit le Picart cheut à terre, telement qu’il ne se povoit lever ne à peine bouger. Et adonc, ledit Guillaume Ogier, voyant ledit le Picart ainsi abatu, doubtant que ledit André Peron et son dit père ne lui feissent semblablement que ledit André avoit fait audit le Picart, ala audit Denis Peron et le frappa d’un baston qu’il avoit ung coup qui d’avanture escheut sur la teste tant qu’il en tomba à terre. Et quant ledit André Peron vit son dit père ainsi abatu, il doubta bien qu’il feust fort blecié, et incontinent gettèrent lesdiz Longin et luy le boys qui estoit en la charrette, qui n’estoit pas encores achevée de charger, et misdrent en icelle ledit Denis Peron, qui ainsi estoit blecié et l’en menèrent en ladicte ville de Nyort, où il vesqui deux ou trois jours, et après ce il ala de vie à trespassement. Lequel cas venu à la congnoissance du père dudit Guillaume Ogier, se transporta par devers la vefve dudit feu Denis Peron et ledit André Peron et ung sien frère, nommé Jehan Peron, enffens dudit feu Denis, et leur fist satisfacion dudit cas, comme à parties principallement ausquelles interest de la mort dudit feu Denis Peron povoit plus et principalment toucher. Et depuis ce, ledit Guillaume Ogier a demouré, frequanté et repairé au païs, sans ce que on lui ait aucune chose demandé dudit cas, jusques à puis certain peu de temps ença, que nostre procureur en Poictou, pour occasion dudit cas, a fait prendre et emprisonner ledit Guillaume Ogier en noz prisons dudit Nyort, desquelles il a esté osté et baillé et delivré à la dame de Megné2, qui l’a requis pour [p. 172] ce qu’il est son subgiet et justiciable. Laquelle ou les gens de sa justice pour elle le detiennent en mauvaises et dures prisons, èsquelles il est en voye de finer piteusement ses jours, se noz grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties, ainsi que lesdiz supplians dient, humblement requerans iceulx que, les choses dessus dictes considerées, etc. et le long temps que ledit cas est avenu, qui a esté xxi. ans ou environ, et qu’il a esté fait satisfacion à partie, etc., nous audit Ogier vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, attendu ce que dit est, à icellui Guillaume Ogier, etc., avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement à noz amez seneschaulx de Xanctonge et de Poictou, etc. Donné à Bernay, ou mois de mars l’an de grace mil iiiic xlix, et de nostre règne le xxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Une famille Ogier était fixée à cette époque dans la région de Saint-Maixent et avait pour principal représentant Hélie Ogier, qui rendit aveu au duc de Berry, le 22 mars 1407 n.s., puis à Charles dauphin, comte de Poitou, le 1er mai 1419, de plusieurs terres sises en la paroisse de Saivre, mouvant de la châtellenie de Saint-Maixent, au devoir de 12 sous 6 deniers. (Arch. nat., R1* 2172, p. 963 ; P. 1144, fol. 38.) Le même, sans doute, est dit avocat et procureur des habitants de Saint-Maixent dans un acte du 24 octobre 1427. (A. Richard, Chartes de l’abbaye de Saint-Maixent, t. II, p. 216, 218.) Un personnage portant les mêmes nom et prénom était aussi, le 10 juillet 1455, garde de la juridiction de la Saisine, en l’absence de Mathurin Arembert, licencié en lois, sénéchal du lieu. (A. Richard, Archives du château de la Barre, t. II, p. 193.)

2 Jeanne Chasteigner, fille de Simon, seigneur de la Meilleraye, et de Jeanne de Magné, fille unique de Moreau de Magné, chevalier, seigneur de Magné, Échiré, Saint-Maxire, etc. Ses deux frères Simon et Jean étant morts jeunes et sans alliance, elle réunit l’héritage de son père et de sa mère et fut dame de Magné et de la Meilleraye. Elle avait épousé Jean de Varèze, chevalier, seigneur de Châteautizon, chambellan du roi et capitaine de Civray. (A. Du Chesne, Hist. généal. de la maison des Chasteigners. Paris, 1634, in-fol., p. 510, et Preuves, p. 160.)