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MCLXXIII

Rémission accordée à Jean Charles, sergent du roi, Jeanne Goyn, sa femme, et Huguet Goyn, archer de l’ordonnance, son beau-frère, de Pamproux, coupables du meurtre de Jean de Poitou qui les avait attaqués dans leur propre maison, accompagné d’autres gens armés.

  • B AN JJ. 179, n° 266, fol. 154
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 110-114
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Charles, nostre sergent, Jehanne Goyne, sa femme, et Huguet Goyn, archier de nostre ordonnance derrenierement faicte, frère de la dicte Jehanne, demourans ou bourg de Panprou en nostre païs de Poictou, contenant que, combien que lesdiz supplians soient simples jeunes gens, doulz et paisibles, de bonne fame et renommée, sans ce qu’ilz eussent jamais esté actains ne convaincuz d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, ne qu’ilz eussent meffait ou mesdit à ung nommé Jehan de [p. 111] Poictou1, ne autres ses complices, ce non obstant, environ le jour de la surveille de la feste saincte Marthe derrenierement passée, ledit Jehan de Poictou, qui de long temps, à tort et sans cause, avoit conceu hayne contre lesdiz Jehan Charles et sa dicte femme, ung nommé Gilet Pilet, homme d’armes, et ung autre nommé Martin, varlet dudit Pilet, vindrent furtivement en l’ostel desdiz Jehan Charles et sa femme, comme à heure de vespres, armez de haches, espées et dagues, et oultre le gré et voulenté desdiz Jehan Charles et sa femme, supplians, rompirent les portes et fenestres de leur hostel ; et en ce faisant, ledit de Poictou d’une dague qu’il avoit bleça la femme dudit Jehan Charles, suppliant, en la main, pour ce qu’elle vouloit garder que ledit de Poictou ne fist aucune vilainie audit Jehan Charles, son mary, suppliant. Et à celle cause depuis, le dit de Poictou, qui estoit homme de mauvaise et deshonneste vie, et quant il avoit ung peu beu, il prenoit debat et noise à chascun, et estoit joueur de quartes et autres jeux defenduz, et aussi ledit Gilet Pilet donnèrent après plusieurs menaces audit Jehan Charles, suppliant, en lui disant par ledit de Poictou qu’il ne mourroit d’autres mains que des siennes. Et de fait, icelui de Poictou s’est mis plusieurs foiz en aguet de trouver ledit Jehan Charles, suppliant, à tout haches et gros bastons en sa main, en faisant grans seremens que icelui Charles, suppliant, ne mourroit d’autres mains que des siennes, comme dit est. Et pour ce, lesdiz Jehan Charles et sa femme, supplians, firent adjourner ledit de Poictou par devant nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, à certain jour passé, pour leur donner asseurement. [p. 112] Auquel jour ledit de Poictou ne se voulait aucunement comparoir. Et il soit ainsi que, environ le dix septiesme jour de decembre derrenier passé, ledit Huguet Goyn, suppliant, qui lors demouroit en l’ostel dudit Jehan Charles, suppliant, s’en ala sur le cheval dudit Jehan Charles, mary de sa suer, audit lieu et bourc de Panprou. Et lui illec arrivé, se arresta devant l’ostel d’un nommé Pierre Rulant, dit de la Roche, cousturier, pour lui demander s’il lui presteroit ses chausses. Et incontinant ilec survint ung nommé Castille, page dudit Gilet Pilet, sur l’un des chevaulx dudit Pilet, son maistre ; lequel Castille incontinant dist audit Huguet Goyn, suppliant, qui avoit ungs esperons chaussez, teles parolles ou semblables : « Vilain, qui t’a baillez ces grans esperons ? » A quoy ledit Huguet respondy qu’il avoit bien vaillant deux esperons. Et incontinant ledit Castille dist à ung nommé Mathurin Palardy2, qui avoit une gaule ou poing qu’il lui baillast celle gaule, ce que ledit Mathurin fist. Et quant ledit Castille l’eut, il se approucha dudit Huguet Goyn, suppliant, et le frappa et donna plusieurs coups et colées. Pour occasion duquel debat, ledit Gilet Pilet, maistre dudit Castille, fut aucunement iré et courroucié contre ledit Huguet, suppliant, et telement que, celui jour ou assez tost après, les diz Pilet et Jehan de Poictou trouvèrent ledit Huguet Goyn, suppliant, à la forge d’un nommé Lucas Bon An, mareschal, qui vouloit faire ferrer le cheval dudit Jehan Charles, suppliant, son serorge, et le poursuirent bien longuement, telement qu’il convint que ledit Huguet Goyn descendit a pié et qu’il s’en fouyst en l’ostel dudit Jehan Charles, son dit serorge ; ouquel hostel les diz Pilet et de Poictou trouvèrent ledit Huguet Goyn, lequel, quant ledit Castille lui donna les diz coups et colées, tira [p. 113] sa dague qu’il avoit et couppa la gaule dudit Castille et le bleça en la main. Et incontinant que les diz Pilet et Poictou l’eurent ainsi trouvé oudit hostel de son serorge, il s’escrya à haulte voix : « A nostre aide ! » Et quant les diz Charles et sa femme, supplians, le oyrent, ilz vindrent ilec et trouvèrent les diz Pilet et de Poictou qui juroyent grans seremens qu’ilz mettroyent ledit Huguet, suppliant, frère des diz Charles et sa femme, supplians, par pièces. Et en ce faisant ledit Huguet, suppliant, s’eschappa de leurs mains, et afin de departir les diz Pilet et de Poictou de lui, print et amassa une pierre et en frappa ledit de Poictou ou visage, et aussi d’une dague qu’il avoit, dont il le blessa par le visage semblablement. Et lors, quant les diz Pilet et de Poictou virent lesdiz Charles et sa femme qui ilec estoient arrivez, iceulx Pilet et de Poictou se prindrent audit Charles, suppliant, et le vouldrent envilainner de son corps ; mais la femme dudit Jehan Charles print au corps ledit Pilet, en lui disant qu’il ne tuast mie son dit mary. Et à ce ledit Pylet se party d’ilec et laissa une sienne hache. Et quant il s’en fut alé, la femme dudit Jehan Charles, suppliant, doubtant que ledit de Poictou, qui ilec estoit encores, la voulsist envilainner, print et amassa ladicte hache dudit Pilet et en frappa ledit de Poictou sur la teste, pendant ce qu’il tensoit et noisoit avec ledit Goyn, son frère, suppliant. Et après survint ledit Jehan Charles, suppliant, qui oyt que ledit de Poictou menassoit sa femme et ledit Goyn, son frère, en jurant grans et illicites seremens qu’il les despeceroit par pièces d’une espée neufve qu’il avoit en sa main. A quoy ledit Charles, suppliant, dist audit de Poictou qu’il lui aloit copper les doiz, et de fait d’une hache que ledit Charles suppliant avoit, icelui Charles frappa ledit de Poictou telement qu’il le fist cheoir à terre ; et lui ainsi cheu, ledit Huguet, suppliant, voyant la bleceure que ledit Charles avoit faicte audit de Poictou, vint audit de Poictou et d’une dague qu’il avoit le bleça ou [p. 114] visaige, et puis se party d’ilec. A l’occasion desquelz cops et colées, huit jours après ou environ, ledit de Poictou par son mauvais gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement. Et pour ce les diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentcz du païs et ont les diz Charles et sa femme laissé et habandonné trois petiz enfans en leur hostel, mineurs et en bas aage, et sont en voye de povrement et miserablement finer leurs jours, se nostre grace, pitié et misericorde ne leur sont sur ce imparties, humblement requerans iceulx. Pour quoy nous, etc., ausdis supplians et à chascun d’eulx ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. quarante et huit, et de nostre règne le xxviie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 Ce Jean de Poitou était un homme d’armes qui, après avoir servi en 1418 sous les ordres de Jean Barbâtre, écuyer, dont on conserve une montre reçue à Ruffec, s’était enrôlé dans la compagnie de Jean de La Roche, seigneur de Barbezieux ; il en faisait partie le 9 avril 1431, ce qui lui permit de bénéficier des lettres d’abolition octroyées à cette date au chef et à tous ses compagnons. (Voy. notre précédent volume, p. 8, 13, 318, note.)

2 Sur divers membres de cette famille, cf. Arch. hist. du Poitou, t. XXIV, p. 60, 61, note.