MCCXXIII
Rémission en faveur de Thomin Chardebeuf, de Saint-Maixent, coupable du meurtre d’une femme de vie dissolue qui l’avait diffamé.
- B AN JJ. 181, n° 39, fol. 21 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 279-281
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir [p. 280] faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Thomin Chardebeuf, natif de la ville de Saint Maixant et prisonnier detenu ès prisons de nostre très chier et très amé frère et cousin le conte du Maine, audit lieu de Saint Maixent, contenant que, combien que ledit Chardebeuf n’eust meffait ou mesdit à feue Perrenelle Sagette, en son vivant femme de Mery Naudin, demourans audit lieu de Saint Maixant, ce non obstant icelle Perrenelle Sagette, qui estoit femme de mauvaise vie et deshonneste, entachée de plusieurs mauvaises condicions et coustumière de boire oultre mesure et soy enyvrer, et de injurier et mesdire sur autruy, an et demy a ou environ, incontinent qu’elle appercevoit ledit Chardebeuf, proferoit alencontre de lui plusieurs parolles injurieuses, en cryant en plaine rue à haulte voix : « Chardebeuf, ribault, ruffien, maquereau, vendeur de char vive aux moines » ; et à ung jour de lundi entre les autres, en continuant en sa mauvaise voulenté, monta sur ung planchier en l’ostel de sondit mary et se mist à la fenestre sur la rue, en cryant comme dessus : « Chardebeuf, ribault, ruffien, maquereau, vendeur de char vive aux moines », et le recitoit plusieurs foys et injurioit de plusieurs autres parolles et oultrages. Et ce oyant ledit Chardebeuf, considerant que par le moien desdictes parolles non veritables il pourroit estre grandement vituperé et blasmé, et comme d’icelles dolent et courrocié, s’en alla en son hostel et illec print ung haste de fer, et vint devant l’ostel de ladicte Sagette, et dudit haste, pour ladicte Sagette faire oster de ladicte fenestre et retraire en son dit hostel et garder de plus proferer contre lui lesdictes parolles, donna à ladicte Sagette deux ou trois coups et tellement que, le mercredi ensuivant, par son mauvais gouvernement ou autrement, elle ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit Chardebeuf a esté prins par les officiers de nostre dit cousin et [p. 281] constitué prisonnier èsdictes prisons, où il est detenu en grant pouvreté et misère, en voye d’y finer miserablement ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme dient lesdiz supplians ; requerans humblement que, attendu que ladicte Sagette estoit femme de mauvais gouvernement, et qu’il est à presumer qu’elle est plustost decedée par son dit mauvais gouvernement que pour cause desdiz coups à elle donnez, par ce que souventes foys par son yvresse s’endormoit en la rue ou autre part où elle se trouvoit, et que en tous autres cas ledit Chardebeuf est bien renommé, non actaint ou convaincu d’aucun autre cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons nos dictes grace et misericorde eslargir. Pour quoy nous, etc., audit Thomin Chardebeuf avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. cinquante et ung, et de nostre règne le xxxe.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rippe. — Visa. Contentor. Chaligaut.