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MCCLV

Rémission en faveur de Robin Macé, de Jean Dupont et du fils de celui-ci, coupables du meurtre de Jean Marault, à Coussay, à la suite d’une rixe provoquée par ce dernier.

  • B AN JJ. 191, n° 41, fol. 19 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 386-391
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Robin Macé, Jehan Dupont et Jehan Dupont, filz, contenant que, en ce present mois d’aoust, ledit Robin Macé et Jehan Marault estans au lieu de Coussay, [p. 387] en la rue devant l’eglise Saint Martin dudit lieu, la chienne dudit Robin et celle dudit Marault se batirent et coururent sus l’une à l’autre ; lequel Robin, voyant que sa chienne batoit et fouloit la chienne dudit feu Marault, print sa chienne par son colier et l’osta de dessus la chienne dudit Marault. Lequel Marault qui se trouva illec, desplaisant et courroucié de ce, print des pierres en la rue pour les ruer et getter aux chiens dudit Robin, afin de les tuer. Auquel Marault ledit Robin dist lors qu’il ne faisoit pas bien ne son devoir, mais faisoit mal de vouloir tuer ses chiens, attendu qu’il avoit osté sa chienne de dessus la sienne, qui la batoit. Mais ledit feu Marault qui n’estoit pas content, lui deist lors telles parolles ou semblables : « Je les te tueray, vilain ordoux, et si te batray bien, et avant que soient trois jours passez, je t’en paieray bien. » Et lors la femme dudit Robin, pour eschiver debat et noise et que inconvenient n’avenist entr’eulx, se vint mettre entre ledit Robin, son mary, et ledit feu Marault ; et Jehanne Macée, seur dudit Robin, qui estoit assise auprès d’icellui Robin, tenant entre ses bras ung petit enfant, dist audit feu Marault qu’il avoit tort et que ledit Robin Macé, son frère, deffendoit la chienne dudit Marault. Et lors ledit Marault, tout eschauffé, vint à elle et lui dist et demanda que c’estoit qu’elle disoit, et luy apporta le doy en l’ueil six ou sept foiz, et non content de ce, lui donna du poing soubz son manton si grant cop qu’elle fut si estonnée dudit cop et de ses langaiges qu’elle ne savoit que dire ne respondre, ne où elle estoit. Et ce fait, commança de plus belle à courir après les chiens plus fort que paravant n’avoit fait ; et en courant après, la femme dudit Robin se ala mettre au devant de lui, qu’il ne tuast leurs chiens. Lequel Marault lors donna tel cop ou souflet à la femme dudit Robin, que à peine que son chapperon et sa coeffe ne tombèrent de sa teste à terre. Et ce fait, ledit Marault de rechief revint prendre noise et debat audit Robin, auquel il bailla du [p. 388] poing ou de la paulme sur la joue. Et lors ledit Robin lui dist telles parolles : « Marault, vous n’avez pas bien fait de m’avoir frappé, car à mon povoir je despartoye les chiens. Tu m’as fait grant mal. » Et adonc ledit Marault, après ce qu’il eut fait les bateures et excès dessus diz, retourna en sa maison, pour aler querir et veoir s’il trouveroit son espiot, lequel il ne peut trouver là où il l’avoit mis ; et pour ce qu’il ne le trouva pas, il dist à son nepveu qu’il avoit prins son espiot. Lequel nepveu lui respondi que, sauve sa grace, il ne l’avoit point prins, et ledit Marault lui reppliqua et dist en jurant par saint Jehan que, s’il lui avenoit jamais de le prendre, il en paieroit bien. Et après ledit Marault, voyant qu’il n’avoit pas trouvé son espiot, s’en ala à l’uys de Jehan Dupont et de Robin Macé, frères, supplians, pour reprendre de rechief noise avec eulx et leur dist qu’il les en paieroit bien, en les appellant vilains, ordoux, et renyant et blaphamant le nom de Dieu. Pendans les quelles parolles et noise, illec vindrent deux chappellains dessoubz le balet ou galerie de la dicte eglise de Saint Martin, l’un desquelz dist telles parolles : « Marault, se n’est pas bien fait. » Lequel Marault lui respondit et dist telles parolles qui s’ensuivent ou telles en substance : « Ribault prestre, poulloux, et fault il que tu en parles ? » Et lors la mère du dit chappellain dist : « Oy vrayement, il fault qu’il en parle ! » Et le dit Marault lui dist : « Tu portes costeau, par saint Jehan. » Et ledit chappellain lui respondit en telle manière : « Par ma foy, tu voys bien que je n’en ay point par dehors », et pour lui monstrer qu’il n’en avoit point par dedans, il ouvry sa robe et lui dist : « Or, regarde par dedans ». Et lors ledit Marault leur dist, en renyant et blaphamant le nom de Dieu et les appellans ribaux prebstres, qu’il leur mettroit la vie hors du corps. Et ce fait, se departit d’illec et s’en ala en la maison d’un nommé Guionneau, ou bourg de Coussay ; auquel Guionneau ledit [p. 389] Marault avoit baillé une sienne dague pour fourbir. En l’ostel duquel Guionneau il ne trouva homme ne femme, et pour ce qu’il ne trouva pas sa dicte dague, il deffist son lit et tourna tout le mesnaige ce de dessus dessoubz pour trouver sa dicte dague, et fist tant qu’il la trouva. Et quant la femme dudit Guionneau et une autre femme, qui loge en l’ostel dudit Guionneau, virent qu’il eut trouvé sadicte dague, elles fermèrent l’uys sur lui et l’enfermèrent dedans la maison, affin qu’il n’en partist, pour ce qu’elles veoient bien qu’il avoit voulenté de mal faire. Et ce dit jour, affin de mettre à effet sa mauvaise et dampnable voulenté, qu’il avoit dist ledit jour, à une lieue dudit Coussay, en renyant et blaphamant le nom de Dieu par plusieurs foiz que, s’il povoit estre à Coussay, il en tueroit une couple. Et ce fait, se transporta audit Coussay, et lui arrivé, de rechief s’en ala boire en certain hostiel, ouquel il renya et blaphama le nom de Dieu par plusieurs foiz, en la presence de plusieurs personnes, en disant qu’il en tueroit une couple avant qu’il dormist. Lequel Marault, à l’yssue dudit hostel dudit Guionneau, ala monter sur son cheval et s’en ala à ung moulin qu’il avoit près ledit lieu de Coussay, auquel son frère estoit. Ou quel moulin il ne demoura guères et s’en revint tantost, et en revenant trouva ung chien au bourg de Coussay, auquel il donna ung si grant cop que a peu qu’il ne le tua. Et après qu’il l’eut ainsi frappé, trouva trois compaignons ausquelz il dist : « Dieu gart, » et de là s’en ala par devant l’ostel dudit Robin Macé et se tira à la maison des diz deux chappellains, lesquelz il trouva devant l’uys en leurs pourpoins desabillez, prestz et disposez d’eulx aler coucher. En la compaignie desquelz chappellains estoit ledit Jehan Dupont, le jeune, nepveu dudit Robin Macé. Ausquelz ledit Marault dist, en renyant le nom de Dieu, qu’il leur mettroit la vie hors du corps. Après lesquelles parolles, les diz chappellains incontinant se mirent au dedans de leur maison, et ledit nepveu [p. 390] se print à fouir, et ledit Marault le suivy tenant sa dague toute nue ou poing, tellement qu’il l’aconsuivy à l’uys dudit Robin Macé. Et ainsi qu’il suivoit ledit Dupont, le jeune, une femme qui vit comment ledit Marault poursuivoit ledit Dupont, la dague ou poing, commança à crier à haulte voix : « Ha ! Nostre Dame, on tue Jehan Dupont », nepveu dudit Robin. Auquel cry ledit Jehan Dupont, père dudit Jehan Dupont, le jeune, se leva de son lit et en chemise yssit hors de son hostel, et oyt le bruyt qu’on disoit que l’en tuoit ledit Jehan Dupont, son filz, et se print à crier : « Au murtre ! on nous veult tuer ! » Et lors ledit Marault frappa ledit Jehan Dupont, père, devant son hostel, de sa dague par les bras tellement qu’il chaça les diz père et filz tous deux dedans leur hostel. Et illec contre survint ledit Robin Macé. Et ce fait, se prindrent les ungs aux autres, en eulx batant et frappant tellement que ledit Marault couppa audit Robin les deux dois de sa main, et en eulx combatant, frappèrent ledit Marault par aucunes parties de son corps, tellement qu’il est alé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, les diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du païs et n’y oseroient jamais retourner ne converser, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie ; humblement requerans que, attendu qu’ilz n’ont pas esté agresseurs, mais le fut ledit deffunct, et avoit batu ledit Robin Macé, sans ce qu’il lui feist aucune chose et qu’ilz furent meuz de sallir hors de leurs hostelz, pour ce que on crioit que ledit deffunct tuoit ledit Jehan Dupont, filz, et que icellui deffunct avoit la journée renyé par plusieurs foiz Nostre Seigneur qu’il tueroit les diz supplians, et faillit par plusieurs foiz à les tuer de sa dague et en fist sa puissance, et ce que lesdiz supplians ont fait, ce a esté sur leur corps deffendant et non pas d’aguet apensé ne propos deliberé, etc., il nous plaise leur impartir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., [p. 391] avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux bailly de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Prully en Touraine, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. cincquante et quatre, et de nostre règne le xxxiie.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion des gens de son grant conseil. P. Burdelot. — Visa. Contentor. N. Du Brueil.