MCLI
Rémission accordée à Guillaume David, laboureur, demeurant au Pont-de-Cesse, paroisse de Frontenay-l’Abattu, coupable du meurtre de sa femme.
- B AN JJ. 179, n° 50, fol. 25 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 42-45
Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Guillaume David, laboureur, demourant au Pont de Cesse en la paroisse de Frontenay [p. 43] l’Abatu en Xanctonge, contenant que, à l’occasion de ce que ung religieux de l’abbaye des Chastelliers en nostre païs de Poictou, commandeur de l’ostel de Chaban1, en la parroisse de Espainnes, deppendant de la dicte abbaye, avoit eu certain debat avec ledit suppliant pour certains bœufz dudit suppliant que ledit religieux avoit prins, comme il disoit, en ses prez, Jehanne Guibaulde, en son vivant femme dudit suppliant, saichant le debat entre ledit suppliant, son mary, et le dit religieux, voult appointer et accorder son dit mary et le dit religieux du debat qu’ilz avoient ensemble ; et pour ce faire, le mercredi après la feste de Noel derrenierement passé, xxviie jour de decembre, ladicte Jehanne s’en ala audit hostel de Chaban où se tenoit ledit religieux, et lui dist qu’elle estoit venue par devers lui, pour appaiser le debat d’entre lui et ledit suppliant, son mary, et apointier dudit debat. Lesquelz religieux et Jehanne, femme dudit suppliant apointerent ensemble dudit debat. Et pendant lequel temps qu’elle estoit alée en l’ostel dudit religieux audit lieu de Chaban, ledit suppliant son mary, qui ne savoit où elle estoit alée, demanda aux serviteurs de sa maison où estoit ladicte Jehanne, sa femme. Laquelle vint au soir qu’il estoit nuit en son hostel, où estoit ledit suppliant son mary, qui l’avoit demandée plusieurs foiz, comme dit est. A laquelle il demanda dont elle venoit. Laquelle lui respondy qu’elle venoit de Chaban de faire l’apointement de lui et dudit religieux, dont ledit suppliant ne fut pas bien content, et lui despleut de ce qu’elle y estoit alée sans son congié. Et aussi estoit mal content dont elle avoit tant demouré, et lui dist que ce n’estoit pas bien fait et qu’elle avoit fait folie. Laquelle Jehanne, voyant que son dit mary [p. 44] n’estoit pas bien content d’elle, et desplaisant de ce qu’il l’avoit tancée, commança fort à crier en la maison, telement que personne n’y povoit avoir paix. Dont ledit suppliant qui estoit mal disposé et se vouloit aler couchier et reposer, pour ce qu’il estoit bien nuit, comme aussi pour ce qu’il estoit indisposé de sa personne, voult aler couchier, et estoit deshabillé pour soy mettre ou lit ; et ainsi qu’il se voult couchier, trouva que son lit estoit encores à faire, dont il fut fort desplaisant et courroucé, et demanda à ladicte Jehanne, sa femme, pourquoy elle n’avoit fait son lit ; laquelle, en cryant et tensant en ladicte maison, commança à faire le lit ; en faisant lequel lesdiz suppliant et Jehanne sa femme eurent ensemble plusieurs parolles contencieuses, ès quelles elle persevera en faisant ledit lit. Et ainsi qu’elle achevoit ledit lit de faire, dit à son dit mary aucunes parolles injurieuses, lesquelles despleurent audit suppliant. A l’occasion desquelles il fut très desplaisant et indigné, et en querant ung baston trouva unes eschasses dont les laboureurs usent au païs, en saison d’yver pour les boes et quant ilz vont ès maretz, en laquelle eschasse avoit une pointe de fer ; laquelle eschasse ledit suppliant gecta contre ladicte Jehanne à travers du lit, pour la cuidier faire taire ; de laquelle eschasse il attaigny d’aventure la dicte Jehanne, sa femme, du bot de la pointe du fer qui estoit en la dicte eschasse sur la tample près de l’oreille senestre. Duquel cop ladicte Jehanne cheut à terre et perdi le sang et après perdi tantost la parolle, et le venredi ensuivant, environ soleil levant, ladicte Jehanne ala de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, le dit suppliant doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, etc., audit suppliant ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de [p. 45] Xanctonge et de Poictou, gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc.xlvii, et de nostre règne le xxviie.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Duban. — Visa. Contentor. P. Le Picart.