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MCLXXIX

Rémission accordée à Jean Pislon, de Coulonges-les-Royaux, qui, attaqué par Jean Gendronneau, sa femme, et Guillaume Gendronneau, prêtre, leur fils, avait en se défendant atteint ce dernier d’un coup de dague à l’épaule dont il était mort.

  • B AN JJ. 179, n° 316, fol. 180
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 32, p. 139-143
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble [p. 140] supplicacion de Jehan Pislon, demourant à Coulonges les Reaulx en nostre païs de Poictou, contenant que ung nommé Jehan Gendronneau et sa femme, et Guillaume Gendronneau, prebstre, fils des diz Jehan Gendronneau et sa femme, et autres parens et amys des diz Gendronneau ont dès long temps conceu très grant hayne à l’encontre dudit suppliant, à l’occasion de ce qu’il a esté refusant d’espouser Jehanne Gendronnelle, fille dudit Jehan Gendronneau et suer dudit Guillaume Gendronneau, prebstre, laquelle icellui Pislon suppliant, a congneue charnelment, comme ilz disoient, et lui avoit fait promesse de l’espouser, sur quoy se feust meu certain procès par devant l’official de Maillezais, entre ladicte Jehanne, d’une part, et ledit Pislon d’autre ; en la deduction duquel procès ledit Pislon a fait defendre que de ladicte promesse il n’est riens, aussi que ladicte Jehanne est fiancée à ung nommé Henry Regnault, et avecques ce qu’elle est femme publiquement diffamée de son corps, et plusieurs autres choses servans à sa matière. Lesquelz Jehan Gendronneau et Guillaume, son filz, ont dit et proféré dudit Pislon, suppliant, plusieurs parolles injurieuses, et avecques ce se sont ventez en plusieurs lieux qu’il ne mourroit d’autres mains que des leurs. Et de fait s’est mis en aguet ledit. Guillaume Gendronneau, tenant une arbaleste bandée et le trait dessus pour tuer ledit suppliant. A l’occasion desquelles choses ledit suppliant, qui par très longtemps a esté malade de goute et autres maladies, tant qu’il ne se pouvoit aidier, et qu’il estoit logié joignant de l’ostel dudit Gendronneau, eut pieça asseurement en court laye, en forme de droit, dudit Gendronneau et sa femme, famille et aussi dudit Guillaume Gendronneau. Mais ce neantmoins ilz n’ont point cessé des dictes menaces et paroles injurieuses ; aussi ont fait plusieurs dommaiges audit Pislon suppliant, dont s’est meu procès en la court de la prevosté dudit lieu de [p. 141] Coulonges1 ; et que en perseverant tousjours lesdiz Gendronneaux en leur dempnable propoz, le xxiiiie jour d’octobre derrenierement passé, ainsi que ledit Pislon, suppliant, qui estoit homme seul et venoit de soupper de la maison d’un nommé Aulbin Maistreau, rencontra devant sa maison Guillaume Bellagier, qui lui pria que pour celle nuyt il le voulsist logier. Mais si tost qu’ilz furent entrez en l’ostel dudit Pislon, suppliant, lesdiz Jehan et Guillaume Gendronneaux et ung nommé Abisot, et aussi la femme dudit Jehan Gendronneau se prindrent à injurier ledit suppliant, en l’appellant à haulte voix : « Filz de prebstre, filz de moyne », et plusieurs autres injures dures à supporter et oyr. Et lequel suppliant, considerant en soy lesdictes injures ainsi dictes de sa personne, en la presence dudit Bellaigier, eut honte et vergongne en soy mesmes, et de ce ne leur respondit aucunement, ainçois s’en partit de sa chambre, pour s’en aler en une autre part de sa maison, à ce qu’il n’oyst plus lesdictes injures, et aussi que aucune noise ne se meust entr’eulx. Et si tost que icellui suppliant fut descendu de sa chambre, ledit Jehan Gendronneau se mist sur ung mur rompu estant entre les maisons de lui et dudit Pislon, et y print plusieurs pierres, lesquelles il gecta après lui, par quoy ledit suppliant qui estoit impotent, comme dit est, ne peut pas remonter en sa chambre, mais s’en entra en sa court, pour cuider tousjours evader à l’entreprise des dessus diz, et d’icelle court s’en yssi ledit suppliant en la rue devant le cymetière ; mais si tost qu’il fut dehors, il trouva la femme dudit Jehan Gendronneau qui venoit au devant de lui ; à laquelle il dist : « Femme, alez vous couchier, je ne vous demande riens à vous ne à voz gens ». Incontinant après lesquelles paroles, ladicte femme vint prendre au corps ledit suppliant, [p. 142] et ledit Guillaume Gendronneau, prebstre, par une fenestre sailly hors de l’ostel de son père et vint pareillement se prendre et courir sus à icellui suppliant. Et ledit Jehan Gendronneau, voyant ces choses, leur dist : « Tenez le bien ! » et commença à venir vers eulx. Lequel suppliant, voyant l’invasion des dessus diz, considerant aussi les menaces que autres foiz lui avoient données, pour cuidier evader, tira une dague qu’il avoit acoustumé porter, et tantost ledit Jehan Gendronneau le print au braz et s’efforça de la lui oster, et le saisit au corps avec sa femme et ledit Guillaume, son filz, et tous ensemble donnèrent audit suppliant plusieurs coups ou visaige et ailleurs ; et ainsi qu’ilz tenoient ledit suppliant, la dicte femme trouva une pierre qui la fist cheoir à terre, et en cheant elle tira à soy ledit suppliant, Jehan Gendronneau, son mary, et Guillaume Gendronneau, son filz, et tous quatre cheirent à terre. Lesquelz en cheant, ledit Guillaume Gendronneau, prebstre, rencontra la pointe de ladicte dague, que lesdiz suppliant et Gendronneau tenoient encores, et lui entra ou rozeau de l’espaule, et à tant se departirent. A l’occasion de laquelle cheoite ou autrement, par faulte de bon gouvernement, ledit Guillaume Gendronneau, prebstre, le lendemain environ dix heures devers le matin, ala de vie à trespassement. Pour lequel cas, ledit Pislon, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, demourer, ne converser, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu, etc., que ledit Gendronneau pria et requist, à son trespas, à ses diz père et mère que dudit cas ilz ne demandassent riens audit suppliant et qu’il lui pardonnoit, nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant, etc. avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement [p. 143] à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de may l’an de grace mil iiiic xlix, et de nostre règne le xxviime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Hodon. — Visa. Contentor. E. Froment.


1 En cet endroit et dans les lignes qui suivent, il paraît y avoir des lacunes de membres de phrase, qui rendent le sens quelque peu obscur.