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DCVIII

Lettres portant que l’abbaye de Sainte-Croix de Poitiers, qui est de fondation royale, ressortira toujours devant les juges royaux, et non devant les officiers de Jean duc de Berry, comte de Poitiers1.

  • B AN JJ. 111, n° 13, fol. 12 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 27-30
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de noz bien amées les religieuses, abbesse et convent de l’eglise Sainte [p. 28] Croix de Poitiers2, estanz tant en chief comme en membres, avec leurs biens, serviteurs, genz et officiers quelconques en nostre protection et sauvegarde especial, contenant que, comme elles soient fondées par madame sainte Ragonde, jadis royne de France et femme du roy Clotaire, le quel et aussi le roy Pepin, Charlemaine, le roy Loys et autres pluseurs noz predecesseurs leur ont donné et octroié, ou temps passé, pluseurs beaux previleges, tant en faveur et pour contemplacion de la dicte eglise, comme pour ce aussi que la dicte eglise avoit esté fondée par la dicte royne, et par ce soient et doient estre et demourer, tant en chief comme en membres, sanz moien, soubz nostre souveraineté et ressort. Neantmoins aucuns des officiers et justiciers de nostre très chier et amé frere le duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poitiers, et aucuns autres seigneurs se sont efforciez et efforcent de avoir la souverainneté et ressort des dictes supplianz et de leurs hommes, subgiez et justiçables, estanz et demourans en leurs terres et justices, combien que nous aions retenu et reservé par devers nous la souverainneté et ressort des eglises estanz de fondacion royal, qui sont des droiz de nostre coronne et n’en pevent ou doivent estre separées ou abdiquées, la quelle chose [p. 29] pourroit redonder ou grant grief et prejudice des dictes supplianz, se par nous n’y estoit sur ce pourveu, si comme elles dient ; supplianzque sur ce les vueillions pourveoir de gracieux remede, et oultre declairer et discerner les dictes religieuses, leur dicte eglise, tant en chief comme en membres, leur appartenences, appendences, avec leurs hommes, subgiez et justiçables, estanz et demouranz en leurs dictes terres et justices, estre et devoir demourer perpetuelment soubz nostre dicte souverainneté et ressort. Pour quoy nous, considerans les choses dessuz dictes, avons voulu et declairié, voulons et declairons par ces presentes, de nostre plainne puissance et auctorité royal, et de grace especial, se mestiers est, les dictes religieuses, leur eglise avecques touz ses membres et appartenances, leurs hommes, subgiez et justiçables, estanz et demourans en leurs dictes terres et justices, estre et devoir demourer perpetuelment en et soubz nostre dicte souverainneté et ressort, senz moien, et de noz justiciers et non d’autres. Si donnons en mandement par ces presentes à noz amez et feaulx genz de nostre Parlement et de nostre Chambre des comptes, à Paris, au bailli des Exempcions de Tourainne, de Poitou, d’Anjou et du Mainne, et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, et à leurs lieux tenans et à chascun d’eulx, que de nostre presente grace, declaracion et octroy facent, seuffrent et lessent joir et user paisiblement les dictes supplianz et leurs successeurs, tant en chief comme en membres, leurs diz hommes, subgiez et justiçables, estans et demourans en leurs dictes terres et justices, en faisant inhibicion et deffense de par nous à touz ceulx dont il seront requis. Aus quelx nous deffendons, par ces presentes, que contre la teneur de nostre dicte grace et octroy ne les molestent, facent ou seuffrent estre molestez ou empeschiez, en aucune maniere à l’encontre ; mais s’aucune chose avoit esté fait ou attempté au contraire, le remettent ou facent remettre tantost et sanz delay au [p. 30] premier estat et deu, non obstans quelxconques usages ou seurprises et lettres quelxconques, subr[epticement] empetrées ou à empetrer au contraire. Et que ce soit ferme chose et estable, et à fin de perpetuelle memoire, nous avons fait mettre à ces presentes nostre seel ordenné en absence du grant. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris en nostre chastel du Louvre, le xxixe jour du mois de may l’an de grace mil ccc. lxxvii, et le xiiiie de nostre regne.

Par le roy en ses requestes. P. Houdoyer. Cramaut.


1 Ces lettres ont été publiées dans le recueil des Ordonnances des rois de France, t. VI, p. 265, d’après le registre du Trésor des Chartes et à l’aide du 5e volume des Ordonnances de François Ier, enregistrées au Parlement de Paris (nunc Arch. nat., X1a 8615, fol. 132). Les deux textes présentent quelques différences peu importantes qui ont été notées par les éditeurs des Ordonnances. Celui du Trésor des Chartes que nous donnons est le meilleur des deux.

2 L’abbesse de Sainte-Croix était alors Gallienne du Pouget. Elle avait été élue en 1371 et son nom figure encore avec cette qualité dans des actes des années 1374, 1376, 1381 et 1389. On la retrouve ensuite abbesse de Saint-Césaire d’Arles en 1393 ; elle avait été remplacée à Sainte-Croix, avant 1391, par Marie du Cros, précédemment placée à la tête dudit monastère de Saint-Césaire (Gallia christ., t. II, col. 1302.) Le 19 décembre 1370, une transaction avait été passée entre les religieuses de Sainte-Croix et les chanoines de Sainte-Radegonde de Poitiers, au sujet des charges, devoirs et obligations de ceux-ci envers les religieuses. (Coll. dom Fonteneau, t. V, p. 679.) Par bulle du 25 mai 1372, le pape Grégoire XI commit l’archevêque de Tours, Simon de Renoul, pour obliger, par la voie des censures ecclésiastiques, ceux qui avaient usurpé les droits, domaines et héritages de l’abbaye, d’en opérer la restitution. (Id. ibid., p. 691.) A l’époque où Gallienne du Pouget obtint les présentes lettres d’exemption de ressort, l’abbaye de Sainte-Croix était en procès au Parlement contre l’abbaye de Fontevrault touchant une rente annuelle de cinquante setiers de froment. (Acte du 20 août 1377, X1a 26, fol. 96.)