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DCXIII

Rémission accordée à Jean, Pierre et Guillaume Boutin, et à plusieurs autres leurs parents et complices, coupables de meurtre sur la personne de Pierre Camus, qui passait pour sorcier et avait séduit et enlevé la femme de l’un d’entre eux.

  • B AN JJ. 111, n° 315, fol. 164
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 49-52
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir oye l’umble supplicacion de Jehan, Pierre, Guillaume Boutin, de la Roveliere, Guillaume Boudin, de [p. 50] la Girardere, Jehan Botin, Perrot Moudé, Jehan Garin et Estienne Damours, demourans ou païs de Poitou, disanz que feu Pierre Camus, ou temps que il vivoit, estoit homme de vie et conversacion deshonneste, qui prenoit sur les bonnes genz du païs pain, vin, poulaille et autres choses contre leur volenté, dont il n’osoient parler, et avecques ce estoit commune renommée ou païs que il usoit et ouvroit de mauvais art, comme de sorceries et caraux, non doubtanz l’indignacion de nostre Seigneur Jhesu Crist ne la grieve sentence de nostre mere sainte eglise, ordenée contre genz de telle et semblable condicion, et savoit, si comme l’en disot, art que seulement pour touchier à une femme, quelle que elle feust, elle alast après lui en quelque lieu que il la voulsist mener ; et il soit ainsi que, iiii. mois a ou environ, le dit Camus en continuant sa très mauvaise et inique voulenté, emmena par la maniere que dit est la femme de l’un des diz supplianz, et ycelle fist aler en une grange, et quant la dicte femme s’apperçut et ot cognoissance de son meffait, commença moult tandrement prier et requerir au dit Camus que il la lessast aler alaictier un petit enfant que elle avoit à la mamelle, le quel n’en volt onques riens faire, mais sacha sa dague, disant et jurant que il l’occirroit et mettroit à mort, se elle crioit ou disoit mot, et la tenoit muciée en la dicte grange dessouz le fuerre. Et depuis le mary d’icelle femme, accompaignié des autres dessuz nommez, se traist par devers le dit Camus et lui dist que il lui voulsist sa dicte femme enseigner et lessast ycelle aler à son petit enfant pour luy alaictier, le quel n’en volt onques riens faire pour chose que les diz supplians en deissent, mais usoit de grosses et deshonnestes paroles, en les appellant villains sanglans, et disant que il leur mettroit la dague parmi le corps ; et semblablement detint ycelle femme contre le gré et voulenté d’elle et de son dit mary, en commettant ravissement et force publique, et tant et si longuement que par la force du [p. 51] dit Camus le dit enfant fu estaint et mort de fain. Pour les quelles choses si detestables et qui redondoient en injure et vitupere des diz supplianz, consideré que il estoient parens et afins des diz mary et femme, doubtanz que ycellui Camus feist et usast semblablement vers leurs femmes et autres leurs parentes et affines, si comme de ce faire le dit Camus se ventoit, doubtanz aussi les menaces que le dit Camus leur faisoit de jour en jour, des quelles menaces il estoient en telle doubte et paour que, consideré que le dit Camus estoit homs de mauvaise voulenté et de mauvaise vie et que il demouroient près de lui en plat païs, hors et loing de ville fermée, en païs de guerre, il n’osoient continuelment couchier en leurs maisons, mais les en convenoit, pour doubte de lui, par pluseurs des nuiz eulx absenter, yceulx supplianz batirent le dit Camus, dont mort s’en ensui en sa personne. Pour le quel fait le dit Jehan et les autres dessuz nommez, pour doubte de rigoreuse justice, se sont absentez du païs. Si nous ont fait humblement requerir, comme il soient et aient tousjours esté de bonne vie, fame et conversacion honneste, nous leur vueillions sur ce eslargir nostre grace et misericorde. Nous adecertes aus diz supplians, et à chascun d’eulx, ou cas dessus dit, avons remis, quictié et pardonné, et par ces presentes leur quictons, remettons et pardonnons, de grace especial, le dit fait avecques toute peinne, amende et offense corporelle, criminelle et civile, que pour cause et occasion de ce il pevent estre encouruz envers nous, en les restituant à plain à leur bonne fame et renommée, au païs et à leurs biens non confisquez, satisfait à partie premierement et avant toute euvre, se fait n’est. Si donnons en mandement au bailli des Exempcions de Tourainne, de Poitou, d’Anjou et du Mainne, et à touz noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que les diz supplians et chascun d’eulx facent, seuffrent et lessent paisiblement joir et user de [p. 52] nostre presente grace et remission. Et avecques ce nous plaist et voulons que nostre très chier et amé frere le duc de Berry, conte de Poitou, les en seuffre joir et user paisiblement, sanz ce que ce porte prejudice à lui ne à sa jurisdicion, ores ne pour le temps avenir. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois d’aoust l’an de grace m. ccc. lxxvii, et de nostre regne le xiiiie.

Par le roy, à la relacion du conseil. Mauloue.