[p. 328]

DCCX

Rémission accordée à Jean Bigot, de Saint-Maurice-des-Noues, pour un meurtre commis par lui le jour et à l’occasion de l’élection annuelle des maîtres de la confrérie de Saint-Nicolas dudit lieu, à condition qu’il ira en pèlerinage à Notre-Dame du Puy et fera dire cent messes pour le salut de l’âme du défunt.

  • B AN JJ. 130, n° 268, fol. 151 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 328-331
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie de Jehan Bigot, povre homme, laboureur de bras, demourant en la parroisse Saint Maurice des Nohes en Poitou, que comme chascun an, le jour de la feste saint Nicolas ou moys de may, l’on ait acoustumé de faire certaine confrarie à la quelle se assemblent, en l’onneur de Dieu et du dit saint, grant quantité des habitans d’icelle parroisse, tant clers que autres, et il soit ainsi que le jour de la dicte feste saint Nicolas darrainement passé, les confreres d’icelle confrarie se feussent assemblez, comme acoustumé avoyent, et landemain de la dicte feste après disner, le dit exposant eust esté esleu et ordené pour l’année subsequent l’un des maistres et gouverneur de la dicte feste et confrarie, dont aucuns par envie ou autrement le mistrent hors ; de quoy il fu doulant et couroucié, pour ce qu’il avoit grant voulenté et affection de bien faire son devoir, en l’onneur de Dieu et du dit saint, et aussi des diz confreres. Et lui estant ainsi couroucié, Jehan Beuvet1 et autres en sa compaignie, sanz ce que oncque le dit exposant leur eust rien meffait ne delinqué, prindrent ycellui exposant qui seoit sur une forme ou banc en la maison où la dicte confrarie avoit esté lors faite, et par maniere de blasonnement, de injure ou autrement, et oultre le gré et voulenté d’icelli exposant le [p. 329] prindrent et le mistrent en une moyau ou cuve, et en ycelle, combien qu’il leur defendist et deist qu’il n’avoit cure de leurs jeux, le moullerent et lui gecterent grant quantité d’eaue sur son corps et sur ses draps, et mesmement le dit Beuvet portoit l’eawe et la gectoit sur le dit exposant, et disoit qu’il seroit bien mollez avant qu’il eschapast. A quoy ycellui exposant respondi et dist : « Beuvent (sic), laisse moy, tu fais mal de moy ainsi faire, et saiches qu’il m’en desplaist, et t’en pourraz bien repentir. » Et ce non obstant, le dit Beuvet ne cessoit point et disoit : « Par le sanc Dieu, il ne m’en chaut, tu seraz bien moillez avant que tu eschapes. » Et advint que en ycellui fait et mouvement, ycellui suppliant comme moult esmeu, yré et eschauffé de ce que dit est, et qu’il estoit yvres, non pas d’aguet appensé, mais par chaude cole, sacha un petit coustel à tranchier pain qu’il portoit et d’icellui par cas d’aventure et de meschief fery un seul coup le dit Jehan Beuvet, non pas pour entencion de le vouloir tuer, du quel coup le jour mesmes le dit Beuvet ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait, du quel le dit exposant fu et est très doulant et couroucié, a esté pris et emprisonné ès prison du prieur du dit lieu de Saint Maurice, duquel ledit exposant est subget et justiçable, ès quelles prisons il est et a esté depuis le dit faict detenu en fers et à très grant durté, povreté et misere, et est en voye de y finer miserablement ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui est sur ce impartie ; en nous humblement suppliant que, comme en touz autres cas il ait esté et soit de bonne vie, fame, renommée et honneste conversacion, sanz ce que oncques il feust actaint ne convaincu d’aucun autre villain blasme, et que le dit cas n’est pas d’aguet, mais par chaude cole et yvresce, comme dit est, et la dure prison et povreté qu’il y a souffert et encores souffre chascun jour, et que le dit defunct le li pardonna à son trespas, present le curé de la dicte parroisse et autres, en voulant que [p. 330] pour le dit fait il n’en eust aucun tourment de son corps, ne autrement, et aussi Jehanne Journele, vefve du dit defunct et ses autres plus prochains parens l’ont pardonné et quictié au dit exposant, lequel a tant fait envers eulx qu’il en sont contens, nous lui vueillons sur ce eslargir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit exposant ou cas dessus dit, et satisfacion faicte à partie premierement et avant toute euvre, se faicte n’est, avons quictié, remis et pardonné, remettons, quictons et pardonnons par ces presentes, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, le fait dessus dit, avec toute paine, offense et amende corporele, criminele et civile, que pour cause d’icellui fait il a et puet avoir commis et encouru envers nous. Parmi ce toutevoyes que ycellui suppliant fera, dedens un an prochainement venant, un pelerinage à Nostre Dame du Puy en Auvergne, et yllecques rendra et offerra devant l’ymage Nostre Dame un cierge pesant une livre de cire, et en apportera lettres tesmoinnables d’avoir fait son dit pelerinage et offerte ; et avecques ce fera dedans le dit an chanter cent messes en l’eglise de la parroisse où le dit deffunct est enseveli, ou ailleurs où il plaira au dit exposant, pour le salut de l’ame du dit deffunct, et sera tenuz d’en enseigner de bonne quictance et descharge. Et le dit exposant restituons à sa bonne fame, pays et renommée, et à ses biens non confisquez, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur et à touz noz autres officiers, par ces mesmes presentes. Par la teneur des quelles nous donnons en mandement aux gouverneurs de la Rochelle et du bailliage de Touraine, et à touz noz autres justiciers et officiers, à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement perpetuelment le dit exposant, sans le molester ou souffrir estre molesté ou [p. 331] empesché, en corps ou en biens, en aucune maniere au contraire, de nostre dicte grace et remission ; mais se son corps ou ses diz biens non confisquez, comme dit est, sont ou estoient pour la cause dessus dicte prins, saisiz ou empeschez, li mettent ou facent mettre à plaine delivrance, sans delay. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys de juing l’an de grace mil ccc. iiiixx et sept, et de nostre regne le viie.

Par le roy, à la relacion du conseil. P. Milet.


1 On peut lire aussi bien « Bennet ».